L’autorité américaine de la concurrence (FTC) a annoncé jeudi 25 janvier avoir lancé une enquête sur les «investissements et partenariats dans l’intelligence artificielle (IA) générative», visant les entreprises leaders du secteur.
L’autorité américaine de la concurrence (FTC) a annoncé jeudi 25 janvier avoir lancé une enquête sur les « investissements et partenariats dans l’intelligence artificielle (IA) générative », visant les entreprises leaders du secteur, à commencer par OpenAI et son principal investisseur Microsoft, ainsi que Google, Amazon et Anthropic.
L’essor de l’IA générative depuis un an grâce au succès de ChatGPT (OpenAI) entraîne une course effrénée au développement et déploiement des programmes informatiques capables de produire textes, sons et images sur simple requête en langage courant. « L’histoire montre que les nouvelles technologies peuvent créer de nouveaux marchés et une concurrence saine », a estimé Lina Khan, la présidente de la FTC, citée dans un communiqué. Mais « nous devons nous prémunir contre les tactiques qui verrouillent cette opportunité », a-t-elle ajouté. L’investigation va porter sur trois partenariats valant chacun plusieurs milliards de dollars : les investissements de Microsoft dans la start-up californienne OpenAI, ceux d’Amazon dans Anthropic, concurrente directe d’OpenAI, et ceux de Google, aussi chez Anthropic. Elle doit permettre de mettre à jour des informations sur la stratégie des groupes, les conséquences pour la sortie de nouveaux produits, l’impact sur les parts de marché et sur l’accès aux ressources nécessaires à ces systèmes informatiques gourmands en puces électroniques sophistiquées. Les sociétés concernées n’ont pas réagi dans l’immédiat, ou refusent de commenter. « L’IA pose des problèmes de concentration (et de domination des entreprises) à une toute nouvelle échelle », a réagi sur X (ex-Twitter) Zephyr Teachout, professeure de droit à la Fordham University. « Nous sommes très heureux de voir que la FTC enquête sérieusement maintenant, avant que les relations de pouvoir autour de l’IA ne se cimentent ».
Fausser l’innovation
Google a longtemps été considéré comme le leader de l’intelligence artificielle, mais l’irruption d’OpenAI a bousculé le géant d’internet. Encouragé par le succès instantané de ChatGPT fin 2022, Microsoft a mis les bouchées doubles, injectant de nouveaux fonds chez son allié. OpenAI a reçu environ 13 milliards de dollars du développeur de Windows ces dernières années. Fin septembre, Amazon a de son côté annoncé jusqu’à 4 milliards de dollars d’investissement dans Anthropic. Cette start-up de la Silicon Valley, qui a bâti sa réputation sur une approche moins téméraire qu’OpenAI, bénéficie aussi de fonds conséquents de Google. Tous ces groupes ont ajouté des outils de production automatisée de contenus à leurs équipements et logiciels (recherche sur internet, assistant vocal, commerce en ligne, productivité, etc). « Notre étude permettra de déterminer si les investissements et les partenariats poursuivis par les entreprises dominantes risquent de fausser l’innovation et de nuire à la concurrence loyale », résume Lina Khan. La juriste a remporté peu de victoires depuis son arrivée à la tête de l’agence fédérale. Cet été, la FTC a ainsi dû suspendre sa procédure pour bloquer l’acquisition d’Activision Blizzard (jeux vidéo) par Microsoft. Elle continue néanmoins d’essayer de lutter contre l’immense pouvoir acquis par les grands acteurs de la tech. En septembre, la FTC et 17 Etats américains ont porté plainte contre Amazon, accusé de « maintenir illégalement son monopole » grâce à des « stratégies anticoncurrentielles et déloyales ».
« Musée des horreurs »
Pour de nombreux experts du secteur comme Dan Ives, analyste de Wedbush, l’IA générative constitue la « plus grande révolution technologique des 30 dernières années ». Mais elle suscite aussi de nombreuses inquiétudes sur les risques d’utilisation à mauvais escient, de la fraude à la désinformation en passant par le vol de propriété intellectuelle. L’UE s’est entendue en décembre sur une législation inédite pour réguler l’IA, cherchant à favoriser l’innovation tout en limitant les possibles dérives. Le président américain Joe Biden a signé en octobre un décret imposant aux entreprises concernées de transmettre les résultats de leurs tests de sécurité (nationale, économique, etc.) au gouvernement fédéral, et la Maison Blanche a dévoilé des règles et principes censés encadrer le développement de cette technologie.
En termes de droit de la concurrence, d’autres régulateurs ont déjà tiré la sonnette d’alarme. La Commission européenne a ainsi indiqué ce mois-ci qu’elle vérifiait « si l’investissement de Microsoft dans OpenAI », pouvait « faire l’objet d’un examen au titre du règlement de l’UE sur les concentrations ». « L’intelligence artificielle a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l’antitrust si on ne fait rien », a déclaré fin novembre Benoît Cœuré, le président de l’Autorité française de la concurrence.