Stratégies a pu rencontrer Laurent Buanec, le nouveau DG France et Allemagne de X, premier patron de filiale nationale à prendre la parole depuis le rachat par Elon Musk. Il s’explique et se défend des attaques que l’on fait à la plateforme. Débat.

Voilà six mois que Twitter est devenu X. C’est un changement d’envergure pour une entreprise comme la vôtre. Quel bilan faites-vous de ce nouveau nom ?

En réalité, c’est dans l’autre sens qu’il faut voir les choses. C’est avant tout un changement d’entreprise, une évolution importante de nos services et un changement de modèle. Et ensuite, tous ces changements s’incarnent dans un nouveau nom. Ce n’est que la résultante du changement d’entreprise.

De quels changements concrets parlez-vous ?

Des nouveautés, notamment. Comme vous le constatez nous testons beaucoup de choses. Mais tout d’abord, il y a un nouveau propriétaire, ce n’est pas anecdotique. Et d’un point de vue économique, nous sommes passés d’une entreprise publique à une entreprise privée. C’est un très gros changement : en termes de direction, de communication des résultats… D’organisation aussi, et dans la méthodologie.

Il y a eu des coupes dans les effectifs également…

Des choix rapides ont été faits, y compris au niveau des ressources humaines. Il y a eu beaucoup de départs, et la France a malheureusement dû participer à l’effort. À l’heure où je vous parle nous sommes un peu plus d’une vingtaine et l’on était un peu plus d’une trentaine avant. Mais ces efforts ont été faits dans tous les pays.

Cela ne perturbe pas trop l’organisation ?

Cela nous force à nous organiser différemment. Mais tous ces changements que je vous ai décrits s’accompagnent également d’un changement de culture. Cela fait dix ans que je suis dans l’entreprise, y compris dans des postes à l’étranger et j’ai bien vu les évolutions de la culture, avant et depuis un an.

C’est-à-dire ?

Je dirais, sans préjugé, qu’il y avait, parfois, du fait de trop bons sentiments, des ralentissements. Nous avions du mal à prendre des décisions, nous étions lents dans le processus d’innovation. Depuis un an, nous sommes dans une culture beaucoup plus technologique : nous prenons davantage de risque, nous nous trompons, nous sortons un produit qui parfois n’est pas tout à fait fini, on voit comment ça fonctionne, on itère… Il y a quelque chose d’assez représentatif, pour illustrer ce changement de paradigme, c’est le principe de Minimum Viable Product, (MVP) on avait beau être une boîte de tech, nous ne l’avions pas implémenté. Aujourd’hui, c’est à tous les niveaux.

Votre propriétaire prend beaucoup la parole, quasi exclusivement depuis un an, avec une très forte personnalité. Quel rapport avez-vous avec les États-Unis ? Vous arrivez à faire votre place en tant que patron national ?

En toute honnêteté, et sans prendre votre question à la légère, je pense sincèrement qu’on a davantage de liens avec les États-Unis que par le passé. D’une part, nous sommes moins nombreux. Donc les lignes sont plus courtes pour rapporter des choses, faire des remarques ou poser des questions. Nous avons des accès beaucoup plus directs et plus rapides avec des gens qui sont décisionnaires. Aujourd’hui, j’ai un niveau d’écoute qui est plus important. Je n’aurais jamais imaginé me retrouver à travailler sur certains sujets et pouvoir influencer jusqu’au produit lui-même. Ensuite, je pense que ce qui peut fausser votre perception, c’est que je vous concède qu’on développe énormément de nouveautés, bien plus qu’avant, et plus rapidement, avec ce principe de MVP. Et donc, les produits sont d’abord lancés aux États-Unis, avant d’être étendu à d’autres pays. Cela donne un poids aux États-Unis, je vous l’accorde. Mais dans le quotidien, je vous assure qu’on n’a jamais autant été en collaboration avec eux.

En ce moment, X a plutôt mauvaise presse. Est-ce que vous pensez que c’est la plateforme sur laquelle on aime bien taper ?

Non, je pense que ce sont des cycles. C’est vrai qu’en ce moment on subit beaucoup d’attaques, et j’estime que la majeure partie d’entre elles sont injustifiées et illégitimes. Certaines sont très recevables, et nous aident à nous améliorer.

Vous le pensez vraiment ?

Oui, ce n’est pas de la langue de bois : on a besoin de critiques. On le dit : notre plateforme est ouverte, c’est la plus transparente. Tous les codes de nos algorithmes sont ouverts, justement par transparence, pour avoir des retours, et voir ce qu’on peut faire de mieux. Nous avons été les premiers à passer le stress test pour le Digital Services Act en Europe… Nous nous remettons en question. Mais après, on subit beaucoup d’attaque pour tout un tas de raisons qui me semblent illégitimes. Ce n’est pas à moi d’en expliquer les motifs, c’est plutôt à ceux qui nous attaquent de détailler leurs dires. Mais je remarque qu’elles proviennent souvent de personnes qui sont énormément utilisateurs de notre plateforme. Ils y passent énormément de temps et finissent par être davantage exposés à certaines choses. C’est le droit le plus strict de critiquer, mais je pense qu’il y a un biais d’usage. Je pense aussi que certaines personnes sont inscrites et utilisent la plateforme depuis longtemps. Qu’elles se sont approprié l’outil de manière passionnée, et que tous les changements que l’on opère peuvent créer une forme d’inconfort. Le paradoxe étant que tous ces changements sont faits justement pour régler les sujets sur lesquels nous sommes attaqués…

Après, est ce que vous admettez que vous êtes une plateforme plus « ouverte » que les autres, avec plus de liberté en termes de contenus, et donc, évidemment, cela concentre le mécontentement de plus de gens…

Effectivement, on est plus ouvert que les autres et on l’assume, c’est notre proposition de valeur. Cela n’est pas facile mais on travaille tous les jours, pour arriver à concilier la liberté d’expression et la capacité d’avoir un endroit serein pour justement laisser s’exprimer toutes ces conversations. Tout cela, selon nous, s’inscrit dans une vision très démocratique. Malheureusement beaucoup de gens font la confusion. Mais la liberté d’expression ne veut pas dire qu’on peut tout dire. Il y a la loi qui nous encadre, et le premier pilier, c’est de respecter la loi. Et nous la respectons. Ensuite il y a nos propres politiques que l’on met en application.

Mais comme vous êtes la plus ouverte, est-ce que ce n’est pas plus compliqué pour les annonceurs qui sont plus à même de se retrouver dans un environnement qu’ils ne souhaitent pas ?

Tout dépend de ce qu’ils viennent chercher. Sur X, les marques peuvent trouver l’authenticité et la puissance des conversations en temps réel. Il y a 550 millions de posts par jour, dans le monde. X reste la plateforme des moments d’émotions, que ce soit pour les grands événements sportifs, ou les événements culturels, comme la Fashion Week.

Mais en termes de brand safety, c’est plus délicat…

Cela nous demande de nous engager pour donner aux annonceurs tous les outils afin d’offrir le meilleur environnement. On y travaillait avant qu’on s’appelle X et qu’on change de propriétaire, mais depuis un an, nous avons tout de même sorti au total plus de 200 nouveautés ou évolutions majeures de produits, dont beaucoup sur ce sujet, pour améliorer cela. En termes de vélocité d’innovation, ce n’est pas rien.

On dit pourtant que vous avez perdu beaucoup d’annonceurs cette année… Vous le confirmez ? Et si oui, combien ?

En 1 an le nombre d’annonceurs actifs sur la plateforme a augmenté de 8 % en France. Oui des annonceurs ont arrêté d’investir sur la plateforme, mais je ne vais pas pouvoir vous donner de chiffres car cela évolue tout le temps. Ces derniers jours, des annonceurs se sont mis en pause [du fait de la polémique du tweet considéré comme antisémite d’Elon Musk] mais le temps de la parution de l’interview cela aura changé. Depuis un an, ce n’est que cela : ça change en permanence. Il y a ceux qui ne sont jamais partis. Ceux qui ne sont partis et ne sont jamais revenus, et ceux qui vont et viennent par incertitude et je les comprends. J’ai été en agence et chez l’annonceur, je connais la philosophie. L’incertitude fait peur, et personne ne veut prendre la responsabilité personnelle de poursuivre les investissements quand il y a polémique. Personne ne veut assumer la prise de risque, craignant qu’un supérieur hiérarchique puisse demander des comptes. Alors par prudence, ils coupent. Je ne juge pas cet effet, mais je suis persuadé qu’il joue un grand rôle. Ils suspendent les investissements le temps de comprendre. Et dans la grande majorité des cas, nous leur expliquons et les annonceurs reviennent.

Vous êtes le premier patron de filiale à prendre la parole dans le monde. Pourquoi avoir choisi la presse marketing et com ? Pour séduire à nouveau les annonceurs ?

Non, pas du tout. C’est juste qu’historiquement, j’ai davantage d’affinités avec ces titres de presse.

Parmi les nouveautés, quelles sont les plus marquantes pour les annonceurs ?

Nous n’allons pas passer en revue les 200 nouveautés mais on peut parler d’Adjacency Control, qui n’existait pas avant, et permet de contrôler le post directement au-dessus et en dessous de son annonce. Nous sommes les seuls avec TikTok à faire cela. Mais c’est encore plus important pour nous, car nous sommes sur du temps réel, et les sujets concernent l’actualité. D’ailleurs, je tiens à souligner que contrairement à ce qu’on pense, la plupart des sujets de discussions sur la plateforme tournent autour du sport, de l’Entertainment et du gaming. Si la politique émerge, c’est parce que X est plus utilisée par les politiques que d’autres, mais en conversation, on tombe en moyenne à 5 % des conversations.

Ce sont vos chiffres ça ou ils sont corroborés par une étude indépendante ?

Ce sont nos chiffres, qu’on contrôle en permanence. Je ne sais pas s’ils ont été corroborés par des tiers, agences ou chercheurs.

C’est étonnant, car si la plateforme est une des plus utilisée des politiques, ce n’est pas pour rien, et c’est bien qu’ils y trouvent leur compte, non ?

Oui on y parle peut-être plus politique qu’ailleurs mais ce n’est pas du tout l’essentiel des conversations en proportion. Nous sommes à 540 millions d’utilisateurs dans le monde. Selon Médiamétrie, nous sommes à 20.1 millions d’utilisateurs en France. Et d’ailleurs, c’est important, car j’ai lu plusieurs fois que l’on perdait des utilisateurs : c’est totalement faux. En utilisateurs on est sur une hausse de +6,7 % sur un an (septembre 2022- 2023). Ce sont des chiffres Médiamétrie, alignés avec les nôtres en interne. D’ailleurs, on peut noter que la plus forte croissance, de l’ordre de 20 % est sur les 15-24 ans. C’est plutôt intéressant en termes d’audience. Tout cela pour dire que les discussions politiques restent un microcosme. Et c’est d’ailleurs souvent ce à quoi on est confronté, que ce soit le microcosme politique, médiatique, ou marketing, dont je fais partie, il faut prendre garde à ne pas penser que son usage est le même que celui des 20,1 millions d’autres personnes en France, et que leur timeline est la nôtre. Les politiques qui vont être intéressés par l’actu chaude, ou les choses qui stigmatisent ou qui crispent, ont une probabilité beaucoup plus importante d’être exposés à des sujets complexes ou pas agréables à lire – légales, mais pas agréables – que quelqu’un qui vient pour discuter de jeu vidéo. Et cela, on doit l’expliquer auprès des marques, qui parfois ne le comprennent pas. Mais servir l’intérêt des marques, c’est comprendre l’audience finale, et chez nous, en grande partie, elle est saine.

Vous avez lancé X Hiring également ?

Oui c’est très emblématique de notre philosophie. X reste une plateforme de conversation en temps réel, avec de nombreux usages différents, et nous pluggons des services qui vont venir faciliter cet usage. Pour X Hiring, nous nous sommes rendu compte qu’il existait de nombreuses conversations professionnelles. Des offres d’emploi, des recherches d’emploi ou autres. Et nous nous appuyons sur ces conversations. Le but n’est pas de créer un nouveau LinkedIn, mais de capitaliser sur ces pratiques existantes au sein de la plateforme, et donc de monitorer les conversations professionnelles. Il existe également une version « pull », davantage publicitaire.

Vous avez lancé la vidéo verticale aussi ?

Oui et elle fonctionne très bien, car nous conservons la philosophie de la plateforme. La partie texte reste très importante, même si la vidéo prend davantage de place, elle est souvent corrélée à du texte. C’est ce qui fait notre efficacité en termes d’attention, elle est beaucoup plus élevée que les autres plateformes. Et ça, ce n’est pas moi qui le dis, c’est une étude de l’agence OMD. On imprime beaucoup plus les messages sur X, car on est moins hypnotisé dans un simple flux vidéo. On peut aller et venir de la vidéo au texte. Vous remarquerez aussi que l’on rentre moins dans un état de « dépendance » à la plateforme et que ce n’est pas quelque chose que l’on nous reproche contrairement à d’autres.

Mais pour revenir à Adjacency Control, l’association MediaMatters a démontré que les marques apparaissaient sous des postes antisémites, justement. Si les marques utilisaient l’outil, ça n’aurait pas dû se produire ?

Cette solution permet en effet d’éviter ce genre de situation. Après il faut clarifier ce qu’il s’est passé avec Media Matters, car nous avons la data pour prouver qu’ils ont manipulé la plateforme, afin de « forcer » l’algorithme. Et c’est pour cela que nous allons aller au procès. Concrètement, vous suivez de nombreux comptes problématiques – légaux mais considérés comme problématiques - et de nombreuses marques. Vous entraînez l’algorithme en lui disant que vous aimez les posts, que l’on dira très « marqué » politiquement. Vous actualisez la page, encore et encore… Et ça finit par arriver : une pub apparaît sous un post néfaste. Mais ce jour-là, il y a eu 5,5 milliards d’impressions publicitaires. Ce n’est pas ridicule, quand on entend partout que plus personne n’investit sur la plateforme… Mais en plus, le média a basé son article sur 50 impressions publicitaires, et le delta de publications négatives et de 20 ! Donc en fait, on pourrait presque remercier Mediamatters, qui nous a fait la preuve que le système fonctionne. Pas à 100 %, certes, mais que c’est très compliqué de faire afficher des annonceurs sous des posts problématiques. Et eux, sont allés chercher la limite du système. Donc, oui nous ne sommes pas sur de l’absolu, mais pour une marque le risque reste très restreint, voire quasi impossible.

Mais ces posts problématiques, voire illégaux, ils existent tout de même. Pour le DSA, vous avez rendu publique le nombre de modérateurs, qui sont de 52 en langue française. Beaucoup vous disent que c’est insuffisant. Qu’en pensez-vous ?

La lutte contre les contenus problématiques, contre les manipulations de la plateforme, ou la désinformation, c’est vraiment au cœur de nos sujets, et un travail de tous les jours, pour nous améliorer. Sur le chiffre en lui-même, moi je veux bien entendre qu’on me dise que ce n’est pas assez. Mais déjà j’aimerais bien savoir ce qui est assez… Moi quand je demande, on me dit que cela suffit à effectuer le travail correctement. Car il ne faut pas oublier que nous avons progressé sur une modération a priori, effectuée par algorithme et intelligence artificielle. Mais l’idée n’est pas de faire un concours de chiffre, c’est de savoir si ces modérateurs sont les plus à mêmes de répondre au travail qu’on leur demande. Donc nous investissons sur la qualification et la formation de ces personnes, afin qu’elles soient à jour sur les lois locales, et capables de prendre des décisions pour les posts qui se situeraient dans des zones grises.

Donc vous préférez en avoir moins, mais mieux formées ?

On ne s’interdit pas d’en recruter d’autres. Si on se rend compte que ce n’est plus suffisant, on en recrutera de nouveaux.

Ils sont employés en interne ?

Oui.

Mais est ce que vous admettez que parfois, on voit circuler sur la plateforme du contenu très problématique, violent, ou illégal ?

Je ne vais pas vous dire que cela n’existe pas, mais ils ont été supprimés ensuite. Durant le premier mois du conflit Israël Hamas, plus de 325 000 contenus ont été modérés, nous avons pris des actions sur plus de 375 000 comptes engagés dans de la désinformation ou la manipulation de la plateforme, et nous sommes intervenus sur 25 000 contenus en infraction avec notre politique de medias synthétiques et manipulés. Nous sommes aussi trompés par les screenshots. Les contenus choquants, pourtant retirés ensuite, sont figés dans le temps par des impressions d’écrans, et on dit qu’ils circulent. Cela augmente l’impression de violence. Je ne vais pas vous dire que ce n’est pas un problème, que oui, ces contenus circulent, mais que nous œuvrons à les supprimer, et souvent efficacement. Nous travaillons justement beaucoup à réduire ce laps de temps entre leur création et leur suppression. Et quand un contenu illégal apparaît, il est supprimé. Mais il faut prendre en compte aussi que nous sommes une plateforme ouverte, et que tout est visible et la plupart des posts diffusés publiquement. Ce qui est à double tranchant. Car oui, on va voir les choses problématiques, mais on va aussi pouvoir y répondre. Oui, il y a des sujets problématiques, mais qui au contraire, peuvent être débattues. C’est aussi le principe de la démocratie : pouvoir essayer de faire changer d’avis les autres en débattant, ou arriver à démontrer qu’une chose est fausse, que ce n’est pas bien de s’exprimer comme ça ou comme ça. Notre plateforme a cette vertu. Car sur d’autres, combien de personnes partagent des choses problématiques sans même que ce soit accessible, en privé, des choses ignobles mais que personne ne voit publiquement ou que personne ne vient jamais contredire ?

Vous pensez donc que toute question mérite d’être débattue quel que soit son sujet ?

En démocratie, et dans le cadre de la loi, oui.

Mais est-ce que vous ne pensez pas que le format de la plateforme, c’est-à-dire par des contenus courts et émotionnels n’est pas une limite au débat démocratique « ouvert » tel que vous le concevez, pour discuter des vaccins, de la guerre, ou de l’immigration ?

D’une part, nous sommes moins sur le format court. Il est possible d’avoir des posts longs, des vidéos longues ou même les threads, qui permettent d’expliquer une pensée plus longue. Donc nous avons ouvert l’espace pour cela. Mais je renvoie la question aussi. N’est-il pas mieux d’avoir un espace comme celui-là, où toutes les questions peuvent s’exprimer, quitte à ce que parfois ça s’envenime, ou est-ce qu’il faudrait être dans une forme d’hypocrisie et mettre un voile pudique sur certains sujets, jeter sous le tapis certaines choses en se disant, puisque ça ne se voit pas ça n’existe pas ? Est-ce que ce n’est pas intéressant de voir que ces antagonismes existent, que cela cristallise des tensions, et que c’est un sujet pour le vivre ensemble ?

Mais est ce que cela n’explique pas que la plateforme donne une impression de « violence » où chacun s’écharpe sur un sujet ?

En réalité, tout dépend de ce que vous suivez. Chaque timeline est différente. Si vous aimez et suivez des comptes qui discutent de sujets chauds, polémiques, ou crispants, vous serez confrontés à des sujets chauds, polémiques ou crispants. Mais si vous suivez ou interagissez avec des contenus davantage liés à l’Entertainment, ou plus « posés », vous y serez moins confrontés.

Vous diriez que chacun est responsable de sa timeline ?

Je n’irai pas jusque-là, mais il y a une sorte d’éducation de l’outil à avoir, oui. Cela étant, je reconnais que charge à nous de faire en sorte de créer un environnement sain pour ceux qui le veulent, et d’éviter les bulles qu’elles soient sur des sujets ou des émotions particulières. Nous avons un projet par exemple, pour tenter d’ajouter davantage de sérendipités dans la timeline, et éviter ces « bulles ». Dans tous les cas, ce dont je suis sûr c’est que les sujets les plus crispants sont les plus médiatisés en dehors de la plateforme, mais pas les plus importants ou représentatifs de la plateforme.

En termes d’outils vous avez sorti Community Notes, justement, pour répondre au Fake News. Quel bilan vous en tirez ?

C’est un sujet très intéressant sur lequel je suis très engagé personnellement, car s’il n’est pas encore parfait, je le trouve exceptionnel, et nous sommes vraiment les seuls à faire cela de manière aussi réactive. Dès qu’un post considéré comme partiellement ou totalement faux entre dans la courbe de buzz, des contributeurs peuvent préciser ou recontextualiser le post. Et quand une version fait l’unanimité pour un grand nombre de contributeurs pertinents, elle est affichée. Dans le monde, nous sommes à 250 000 contributeurs pour 60 pays, il y a un vrai succès pour cet outil. Les posts de Community note ont été vus plus de 100 millions de fois au bout du premier mois de conflit Israel Hamas. Le point très intéressant, c’est qu’on peut aller retrouver une personne qui a été exposée à la fausse information, si elle a liké ou qu’elle a interagi avec le post en question. On peut lui remontrer et lui préciser le contexte. Personne ne fait cela aujourd’hui.

Elon Musk a émis l’idée de rendre payant, même quelques centimes, les abonnements. C’est purement financier ou il y a un autre but ?

Non ce n’est pas purement financier. Le but est de rendre plus complexe la création de bots sur la plateforme, et d’éviter les manipulations étrangères, surtout avec les progrès réalisés en intelligence artificielle générative. Les bots sont créés et recréés souvent. Les rendre payants rendrait beaucoup plus complexe l’automatisation de la création en masse de bots et de faux comptes.

X était une plateforme très orientée « relation client » par le passé, et on a l’impression que c’est beaucoup moins le cas. À quoi cela est dû ?

D’une part nous avons coupé pas mal de services gratuits qui utilisaient notre plateforme et s’y pluggaient librement. Nous avons sifflé la fin de la récréation car c’était un peu le western. Mais des partenaires qui faisaient les choses sous forme plus formalisée sont accessibles, c’est simplement qu’on a redonné de la valeur à ce service. Donc cela correspond davantage à un choix des marques, qui choisissent d’investir pour ce volet sur la plateforme en travaillant avec des partenaires précis, qu’à un comportement des utilisateurs. Mais pour certaines marques comme Orange, la relation client est encore très présente sur X. C’est leur choix.

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