WPP a annoncé le lancement d’un programme mondial spécial de préparation à la disparition du cookie tiers en partenariat avec Google. Lundi 13 novembre, Google, accompagné de Criteo, a exhorté les entreprises à se préparer, dans un calendrier qui fait polémique.
Le groupe WPP a annoncé mercredi 15 novembre le lancement d’un programme mondial spécial de préparation à la disparition du cookie tiers en partenariat avec Google. Le but est de mener une grande collaboration pour aider les annonceurs à tester différentes approches et développer des outils publicitaires adaptés à un internet cookieless, avec ou sans les API de la Privacy Sandbox de Google. « Les clients de GroupM qui participent auront accès au programme d’apprentissage pour évaluer et améliorer leur préparation à la suppression des cookies tiers dans un environnement réel, en utilisant leurs propres produits et audiences », a déclaré Christian Juhl, PDG mondial de GroupM dans un communiqué. WPP compte ainsi déployer un cadre unifié de tests, « en accord avec les recommandations des Autorité de la Concurrence du Royaume-Uni (CMA) », précise le groupe. Mais WPP veut aussi unifier les tests pour que toutes les marques puissent bénéficier d’un benchmark sur toutes les entreprises participantes : « Pour faciliter la plus grande opportunité d’apprentissage pour chaque annonceur participant, GroupM effectuera une méta-analyse anonymisée à travers les tests de marque individuels », indique le groupe. Et donnera un accès direct aux tests réalisés par le groupe pour « accélérer l’apprentissage ».
Le calendrier de suppression de ces traceurs « cross-site » commence à devenir très serré. Après une phase de suppression des cookies tiers sur 1 % des utilisateurs de Chrome, de janvier à juin 2024, la CMA a prévu une phase statu quo, afin de vérifier la conformité du projet avec le droit de la concurrence, de 60 jours, extensible à 120 jours. La phase de dépréciation progressive des cookies tiers commencerait donc soit le 1er septembre, soit le 1er novembre, pour arriver à une suppression totale avant la fin 2024. Face à ce calendrier serré, dont la phase critique aura lieu en fin d’année (pendant les campagnes publicitaires des fêtes) Google n’entend pas changer pour le moment d’un iota son planning. Même si de nombreuses voix sur le marché l'estiment intenable.
Au contraire, lundi 13 novembre, de passage à Paris pour un point presse, les équipes californiennes de la Privacy Sandbox ont de nouveau exhorté les entreprises à se préparer, afin de tenir les délais. « 100 % des entreprises ont accès à nos API, pour pouvoir tester et développer de nouveaux outils afin de s’adapter à un monde sans cookie. Et nous sommes à 50 jours environ du lancement des tests pour 1 % des utilisateurs de Chrome, en conditions réelles, rappelle Anthony Chavez, vice-président de la Privacy Sandbox de Google. Il est temps maintenant pour l’industrie d’être prête. »
Grand changement
« Ces dernières semaines, nous avons vu davantage d’entreprises commencer à effectuer des tests, mais aussi développer des solutions elles-mêmes », a ajouté Hanne Tuomisto-Inch, responsable des partenariats Chrome EMEA. Pour cela, elles se basent sur les trois API de Google de la Privacy Sandbox : Topics, Protected Audience, et Attribution. Ces solutions techniques « signées Google » viennent s’ajouter à d’autres possibilités de publicités numériques : ciblage contextuel, cookies first-party, identifiants (ID)… La disparition des cookies tiers de Chrome va amener un grand changement dans le monde de la publicité numérique, notamment l’Open Web (hors plateforme) et sûrement forcer le monde du marketing à revoir sa manière de ventiler ses investissements médias en redéfinissant l’ampleur (le reach) de chaque campagne.
Mais les cookies tiers sont aussi utilisés par les sites web eux-mêmes, en dehors du monde publicitaire. « Nous invitons donc toutes les personnes qui ont un site web à auditer leur dépendance aux cookies tiers pour leur expérience sur le site web et à trouver les solutions qui conviennent le mieux », explique-t-elle.
Travailler, travailler, travailler
A cette présentation presse, Google est venu avec Todd Parsons, Chief Product Officer pour Criteo, dont l’entreprise a vu sa relation avec Google évoluer ces dernières années sur le sujet. L’entreprise dont l’objectif « est de donner la possibilité de s’adresser à une large audience pour les e-commerçants et les marques » a en effet eu « plusieurs niveaux d’investissements dans le partenariat avec Google depuis 2020 [année de l’annonce du projet Privacy Sandbox]. Ce n’était même que de simples discussions au départ, au sein du W3C », reconnaît Todd Parsons. Si Criteo a pu se montrer en 2020 plutôt réticent à l’entreprise du géant de supprimer les cookies tiers, « nous croyons qu’en aidant Google et faire de ce projet une réussite sera un grand pas un avant pour les éditeurs, et les places de marché e-commerce en général, et aidera chacun à garantir ses objectifs économiques tout en préservant la vie privée des internautes. »
Criteo, tout comme WPP, veut prendre le projet à bras-le-corps, préempter le sujet et se lancer dans les tests pour devenir une plateforme de référence lors des six premiers mois de 2024, avant la bascule du web. Et ainsi avoir une longueur d’avance sur le marché. « Nous avons près de 100 personnes qui travaillent sur ce sujet précis, estime Todd Parsons, pour vous donner une idée du niveau d’investissements mis en œuvre par rapport au reste du marché, afin de faire en sorte que la Privacy Sandbox délivre ses promesses. » « Maintenant, il faut travailler, travailler, travailler… » insiste-t-il.
Mais tous les acteurs pourront-ils en 2024 s’offrir le luxe d’investir autant sur le sujet ? Clairement, non. Le travail collectif portera-t-il ses fruits ? Quoi qu'il en soit, la disparition du cookie tiers change toutes les règles du jeu sur internet, et les entreprises qui manieront le mieux les nouvelles cartes, auront clairement une longueur d'avance auprès des annonceurs. La grande compétition a commencé.