La troisième édition du marathon caritatif féministe «Et ta cause» s'ouvre ce vendredi 3 novembre sur Twitch, où les contenus sexistes et les vagues de harcèlement persistent en dépit des outils mis en place par la plateforme américaine.
« On est là pour montrer que les femmes ont leur place » et pour « occuper le terrain », souligne auprès de l'AFP la jeune streameuse Lixiviatio, à l'origine de l'évènement « Et ta cause » sur Twitch, prévu sur trois jours (3,4 et 5 novembre), et dont les fonds récoltés iront cette année au Planning familial. « On en a marre de voir des évènements où on invite n'importe qui, des personnes qui ont des casseroles aux fesses. On est là pour contrebalancer ça », ajoute la développeuse web de 27 ans, active depuis trois ans sur cette plateforme de diffusion de vidéos en direct.
« L'objectif, c'est de soutenir et donner de la visibilité à une cause qui est importante », complète Neivee, co-organisatrice de cette opération à laquelle participeront une cinquantaine de streameuses cette année. Lors des deux précédentes éditions, ce marathon avait permis de récolter respectivement plus de 25 000 euros de dons au profit de la Fondation des femmes et plus de 42 000 euros pour l'association féministe En avant toutes. Entre deux jeux ou défis, les participantes évoquent les violences faites aux femmes et le cyberharcèlement.
Loin d'être une exception, les initiatives féministes de ce type essaiment sur Twitch. En février dernier, deux autres streameuses, Nat'Ali et Joul, avaient lancé leur marathon caritatif « Furax » et réussi à récolter 57 000 euros destinés à la lutte contre le harcèlement en ligne et les violences sexistes et sexuelles. « Sur les questions de cyberviolence et de cyberharcèlement, il y a un grand besoin d'éducation des publics mais aussi des créateurs de contenus », souligne auprès de l'AFP Cosima, porte-parole de « Furax » dont la deuxième édition se tiendra début 2024.
L'enfer quotidien des streameuses
Parallèlement à ces marathons, des streameuses ont accru la visibilité des contenus créés par des femmes ces dernières années, à l'instar d'Ultia ou de Maghla (l'une des plus suivies de France avec 800 000 abonnés sur Twitch). En octobre 2022, Maghla avait mis en lumière l'enfer quotidien des créatrices de contenus en direct autour du jeu vidéo en dénonçant publiquement l'incessante sexualisation dont elle était l'objet dans les commentaires sur Twitch.
Dans son sillage, de nombreuses streameuses avaient témoigné de leur expérience dans un secteur qui, comme celui des jeux vidéos, est secoué depuis des années par les scandales de harcèlement à l'égard des femmes. « Nous avons fait beaucoup de progrès ces dernières années (...) mais c'est un sujet sur lequel nous n'aurons jamais fini de travailler », reconnaissait en juillet Dan Clancy, PDG de Twitch dans une interview au Monde. « Nous ne pouvons pas cesser de lutter contre cela car à chaque fois que nous proposons une mesure pour contrer le harcèlement, les harceleurs trouvent autre chose ».
« Des choses ont été mises en place dernièrement. Le fait qu'on peut choisir si les personnes bannies de notre tchat peuvent voir la vidéo, c'est quelque chose qu'on demandait depuis longtemps, donc on est contentes », relève Lixiviatio. Mais, déplore-t-elle, « des personnes problématiques » sont toujours sur la plateforme « parce qu'elles rapportent de l'argent ». « On serre un peu les fesses à chaque événement, on a peur de se prendre un raid haineux », avec par exemple des « je vais te violer », note Neivee. « Pour l'instant, on n'a pas eu de backlash (retour de bâton), les retours ont été plutôt positifs, on a des encouragements. Ca a, je pense, créé de l'espoir et donné du courage à d'autres femmes pour se lancer sur internet, et ne pas avoir peur ».