Le Mobile World Congress Africa se tenait du 17 au 19 octobre au Rwanda. L’inclusion digitale, la fintech, l’IA et le Web3 étaient au cœur des discussions, mettant en lumière les défis et les opportunités dans le secteur mobile en Afrique.
Le Mobile World Congress Africa s’est déroulé du 17 au 19 octobre à Kigali au Rwanda - la deuxième édition sous la bannière MWC. Cette année a été marquée par une croissance de 40 % de la participation par rapport à l’année précédente. L’événement a réuni des acteurs majeurs de l’écosystème mobile, dont les PDG de tous les grands opérateurs et a accueilli des prises de parole de certaines des personnalités les plus influentes du secteur des technologies et des télécommunications en Afrique, parmi lesquelles MasterCard, Wi-Flix, Gamma, Huawei, Orange MEA, Smart Africa, le Samena Council, Vodacom Tanzania, Take Back the Mic et ZTE.
- L’inclusion digitale
L’Afrique est le continent mobile first. La majorité des usages digitaux se font à travers le réseau mobile. Pour autant, la part de la population africaine qui utilise l’internet mobile est de 25 %, selon les estimations de la dernière étude de la GSMA, organisation internationale qui défend les intérêts de plus de 750 opérateurs et fabricants de téléphonie mobile provenant de 220 pays dans le monde. Pour comparaison, ce chiffre est de 57 % à l’échelle mondiale. Au sein de la population adulte - sachant que la population africaine est très jeune -, ce chiffre est de 42 %. Le thème de l’inclusion digitale a donc été le fil rouge de cette édition du MWCA. « Cela reste un frein au développement et à la pénétration de tous les services offerts par le mobile. Être propriétaire d’un téléphone et pouvoir envoyer des SMS, ce n’est pas ce qui débloque un certain nombre d’usages », explique Max Cuvellier, responsable mobile development à la GSMA. Cet écart d’usage n’est évidemment pas le même selon les régions et le type de population. Pendant longtemps, l’industrie et le secteur public se sont concentrés sur les problématiques de couverture. En 2017, plus du tiers de la population n’était pas couvert par un réseau internet mobile. Aujourd’hui, ce chiffre est descendu à 15 %. « On s’aperçoit qu’entre les 85 % couverts mais les 25 % seulement qui utilisent l’internet mobile, on a un écart de quasiment 60 %. Donc le sujet de la couverture n’est pas le seul frein en réalité », calcule le spécialiste.
- Les cinq freins
Quelles sont les barrières qui réduisent l’usage ? Selon Max Cuvellier, elles sont au nombre de cinq. D’abord, la question des coûts. « Bien sûr le coût de la data rentre en jeu, mais en fait pas seulement. Le gros frein, c’est le coût d’accès aux terminaux », détaille-t-il. Le deuxième frein est celui de l’illectronisme, qui est la difficulté ou l’absence d’habitude sur l’utilisation des technologies numériques. Ensuite, la sécurité, qu’elle soit liée à des dangers réels ou à une perception d’insécurité en ligne, peut entraver l’accès, en particulier pour les femmes. Le quatrième frein est celui des besoins. Pourquoi investir du temps, de l’argent et de l’énergie dans l’apprentissage du fonctionnement d’internet ? « Il y a encore trop peu de services disponibles pour les utilisateurs africains et pas assez de contenus accessibles dans les différentes langues du continent, etc. », développe Max Cuvellier. La cinquième barrière est la plus difficile à appréhender pour l’industrie du mobile puisqu’elle est relative à des conditions extérieures, comme l’accès à des documents d’identité obligatoires dans certains pays pour obtenir une carte SIM, ou l’accès à l’électricité, par exemple.
- La fintech
Un des sujets brûlants qui a également animé les discussions au MWC de Kigali est celui de l’écosystème financier digital. La fintech africaine est très spécifique par rapport à beaucoup d’autres régions dans le monde. « Son développement y est très avancé. L’écart d’usage est toujours présent, mais le spectre et la variété des acteurs et des types de services est riche », indique Max Cuvellier. On y trouve tous les acteurs financiers traditionnels, comme les banques, mais on trouve en Afrique un outil supplémentaire : celui de la monnaie mobile. La moitié des comptes actifs dans le monde sont en Afrique. Cela représente 220 millions d’actifs chaque mois et 70 % des volumes de transactions dans le monde se font sur le continent. Avec de gros succès, notamment au Kenya, avec le M-PESA (M pour mobile et pesa, argent en swahili), le système de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone mobile, lancé en 2007, qui possède plus de 90 % de parts de marché. « On n’est pas sur des petits volumes », signale le spécialiste, citant également l’exemple de MTN, groupe télécoms sud africain qui opère dans une vingtaine de pays et dont l’activité fintech est aujourd’hui valorisée à plus de 5 milliards de dollars.
- Quid de l’IA et des cryptos ?
« L’intelligence artificielle fait parler en Afrique autant qu’ailleurs », certifie Max Cuvellier. S’il y a des usages de bases du mobile - les services financiers, les services liés aux informations, la météo, etc., il y a vraiment une volonté aussi d’aller chercher des usages beaucoup plus avancés et de réfléchir à l’utilisation de l’IA pour résoudre des problématiques locales. « Ce sont des sujets qui peuvent paraître spécifiques à l’Afrique, mais qui pourraient nous en apprendre beaucoup, notamment sur des problématiques liées à l’agriculture par exemple. » En ce qui concerne le Web3, les cryptomonnaies sont bien développées en Afrique en termes de volumes d’échanges, avec un vrai engouement dans certains pays : le Nigeria, souvent cité comme exemple, avec sa population jeune et connectée, ou le Kenya, par exemple. Mais depuis quelques mois, on constate une rationalisation du potentiel et des risques de ce domaine. « Certains ont cru à tort que ce serait des investissements sûrs, malheureusement, il y a eu des affaires assez négatives. De manière générale, le refroidissement à l’échelle international sur ces sujets a également touché l’Afrique, et on a peu évoqué ces sujets durant le MWC », assure Max Cuvellier.