Ancienne directrice générale de Voyages SNCF, devenue il y a trois ans présidente du conseil d’administration de Criteo, Rachel Picard prépare l’après-cookie chez le pionnier du retail media tout en travaillant au lancement de sa propre compagnie ferroviaire.

Le hasard du calendrier peut être taquin. Le 28 septembre, tandis que Havas et Mirakl annonçaient un partenariat dans le retail media, rendez-vous était pris chez le spécialiste du secteur, Criteo, dans le neuvième arrondissement de Paris. Le but : rencontrer Rachel Picard, sa présidente du conseil d’administration, pour évoquer son parcours, marqué par une quinzaine d’années aux responsabilités au sein du groupe SNCF et par la volonté de créer, en France, un nouvel acteur du ferroviaire. C’est dans la publicité digitale que, depuis son départ du groupe en 2020, celle-ci œuvre désormais, veillant à la mise en place de la nouvelle stratégie du pionnier dans son domaine. Contraint de changer son fusil d’épaule depuis que Google a annoncé la fin des cookies tiers début 2020, Criteo se trouve ces dernières années en « transformation profonde », explique celle qui, six fois par an, préside les sessions du board, composé de huit personnes. L'entreprise est en effet conduite à « repositionner son modèle, d’acteur du ciblage publicitaire à plateforme de commerce media ».

Cela pourrait paraître, à première vue, loin de ses priorités chez Groupe SNCF, au sein duquel elle fut directrice générale de Voyages SNCF. Mais que l’on ne s’y trompe pas. « Je suis tombée dans le digital en 1999 ! », raconte-t-elle. À l’époque où Internet était encore balbutiant, elle crée un site de tourisme sur les courts séjours en France. Plus tard, au sein du groupe Accor, elle orchestre le site Accortravel.comRachel Picard rappelle aussi qu'au début de sa carrière, elle a été « à la genèse d’une station de ski au Chili et d’Eurodisney en France » (avec des missions relatives au développement des ventes, dans les deux cas). Le côté entrepreneur, le digital, les nouveaux modèles : ces piliers deviendront les constantes de son parcours. « Mon moteur, c’est innover, créer, aller chercher des modèles qui n’existent pas », témoigne celle qui apprécie « partir d’une page blanche » et écrire toute l’histoire.

Son parcours à la SNCF en est une parfaite illustration. Une aventure dont le groupe ferroviaire porte toujours la trace. C’est elle qui, pour redynamiser l’activité, transforme le modèle industriel en créant Ouigo. Elle développe l'offre de manière à baisser les prix tout en allant chercher de nouveaux publics. C’est elle aussi qui « réinvestit la qualité de service » pour le TGV (prises, wi-fi…) et en communiquant sur les changements. Par la suite, elle a souhaité « rendre visibles les efforts de tout l’interne » en incarnant sa stratégie dans une nouvelle architecture de marque (Ouigo, Inoui, Oui.sncf – devenu SNCF Connect...).

C’est d’ailleurs de cette époque que lui vient un surnom : Madame Oui. « Je n’y vois pas d’inconvénient. C’est plutôt positif, sourit-elle. Au-delà du jeu de mot, pour moi, tout est possible. ‘‘I don’t take no for an answer’’ [Je ne me satisfais pas d’un non…]. » Son audace se situe aussi ailleurs. Aujourd’hui associé du cabinet de conseil Onepoint, Julien Féré avait été recruté par elle à la direction de la communication de la branche Voyages : « Dans cette entreprise à la culture très ingénieurs, je faisais, venant des sciences humaines, figure de saltimbanque de la communication. Elle avait une vision, faire venir des forces extérieures pour créer quelque chose qui n’existait pas encore », relate-t-il tout en louant sa « vision très business » et sa « pensée du client ».

Désormais, Rachel Picard nourrit une nouvelle ambition : créer sa compagnie ferroviaire. Nom de code (provisoire) : Proxima. Sur ce sujet, en cours de construction et dont l’horizon de naissance n’est pas précisé – probablement des années –, difficile d’obtenir des informations. Ce ne sera pas un acteur directement concurrent de la SNCF mais « une petite structure agile proche des voyageurs ». Quoi qu’il en soit, le diagnostic est clair – amour du public pour le train, essor du modèle du partage de biens, tendance à la bilocalisation de certains Français avec le télétravail, succès du tourisme de proximité… Tout ceci démontre qu’il y a un marché et « de la place pour de nouveaux acteurs ». La page blanche est étincelante, celle qui excelle dans ce type de situation y croit.

Quand elle ne travaille pas à ce projet ni à l’avenir de la publicité numérique – des moments plutôt rares –, elle s’attache à promouvoir la place des femmes dans la tech. Elle mène des actions d’aide à l’orientation dans des collèges. Dans un tout autre registre, plus personnel, elle est une fervente pratiquante du vélo de route, symbole « d’endurance et de voyage de proximité », ainsi que de la plongée sous-marine. Une occasion de « ressourcement profond », qu’elle décrit comme un « environnement différent, dont il faut apprendre les règles, où la solidarité est critique, et où il ne faut pas paniquer en cas d’imprévu, ni perdre de vue les conséquences ou oublier les signaux faibles ». En alerte, toujours.

Parcours

1966. Naissance à Lyon.

1988. Diplômée de HEC.

2004. Entre au sein du groupe SNCF où elle est notamment directrice générale de Voyages SNCF. 

2010. Directrice générale de Thomas Cook France.

2012. Revient au groupe SNCF comme directrice générale de Gares & Connexions, puis directrice générale de Voyages SNCF.

2020. Quitte le groupe SCNF et devient présidente du conseil d’administration de Criteo.

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