Can Ansay, avocat, entrepreneur et créateur de yournews.ai, défend l’effet de destruction créatrice de l’IA, favorisant l’émergence de nouvelles opportunités.

Ancien PDG d’arretmaladie.fr, Can Ansay a récemment lancé yournews.ai, une web app basée sur l’IA offrant des résumés d’actualités provenant de sites du monde entier, gratuits ou payants, traduits en six langues. L’entreprise reverse 60 % de ses bénéfices aux sites d’information partenaires. Yournews.ai fait partie de la plateforme yourchat.ai Ltd, regroupant diverses applications basées sur l’IA, allant du streaming musical à la création de films. Avocat et entrepreneur, il explore l’impact de l’intelligence artificielle dans notre vie quotidienne et ses implications juridiques.

Un vent de fronde souffle sur l’écosystème médiatique quant à l’entraînement des IA génératives. Quelle est votre position ?

Je me place toujours du côté de l’évolution et si une nouvelle technologie rend la vie plus facile, meilleure ou moins chère, je fais de mon mieux pour en faire la promotion, surtout si tout le monde y gagne. Plus l’intelligence artificielle détruira d’emplois, mieux ce sera ! Car ce processus de destruction créatrice se produit à chaque révolution technologique et innovation majeure, et l’IA ne fait pas exception. Une fois encore, cela permettra l’émergence de nouveaux acteurs.

L’utilisation de l’IA dans la création de musique soulève également des questions juridiques. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le flou juridique ?

Prenons l’exemple de la chanson la plus populaire à ce jour dont les voix non officielles sont générées par l’IA : « Heart on my sleeves », interprétées via l’IA par Drake et The Weeknd. Elle a été retirée de toutes les plateformes de streaming en avril pour violation présumée des droits d’auteur. Toutefois, il y a quelques semaines, le PDG des Grammys, Harvey Mason Jr. a déclaré que la chanson serait éligible pour un Grammy si elle devenait officielle et était « largement diffusée », par exemple depuis une plateforme de streaming. L’opinion dominante chez les juristes considère que les voix de personnes célèbres peuvent être utilisées à volonté et gratuitement, à condition qu’elles soient qualifiées de « non officielles » pour éviter toute confusion.

Pour les nouvelles chansons composées avec des voix de célébrités générées par de l’IA, il n’est pas nécessaire de demander d’autorisation ni de payer de droits d’auteur. Pour les reprises, l’IA ne modifie pas la situation juridique, à savoir qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation du détenteur des droits, mais que des redevances doivent être versées. Google travaille déjà, en collaboration avec les principaux labels musicaux, sur un outil permettant de créer automatiquement des reprises interprétées par des voix célèbres générées par l’IA. Si la composition d’un autre auteur est légèrement modifiée, l’autorisation de l’auteur est nécessaire. Aujourd’hui, grâce à la révolution de l’IA, n’importe quel producteur talentueux dans le monde peut désormais produire librement une chanson à succès avec n’importe quelle voix de célébrité et dans n’importe quelle langue, multipliant ainsi les chances de succès, voire de remporter un Grammy. Mais encore une fois, l’establishment tente de saboter cette révolution parce qu’il n’en tire aucun bénéfice.

Plus globalement, quels sont les défis juridiques les plus pressants liés à l’IA, notamment en ce qui concerne la protection de la vie privée et la responsabilité en cas de préjudice ?

Les fournisseurs d’intelligence artificielle ne sont pas responsables en cas de fausses informations, et les principaux fournisseurs le précisent. Par contre, dès lors qu’un produit d’intelligence artificielle promet des performances qu’il n’atteint pas, voire cause des préjudices, alors la responsabilité est engagée. En Italie, par exemple, ChatGPT a été interdit pour diverses raisons, qui ont par la suite été fortement critiquées par les experts de la protection de la vie privée. Ils se sont montrés particulièrement critiques à l’égard de l’absence de base juridique pour le traitement des données, d’informations suffisantes sur la protection des données et quant au fait que les données étaient en partie incorrectes. Après avoir « pesé » les intérêts en jeu, ils ont estimé que ces préoccupations devraient être reléguées au second plan. Leur point de vue a été indirectement confirmé par le fait qu’aucun autre pays de l’UE n’a interdit ChatGPT, bien que la loi sur la protection des données y soit appliquée. Les fournisseurs d’IA doivent toutefois obtenir le consentement des utilisateurs dans la mesure du possible. À mon sens, malgré le consentement de l’utilisateur, certaines données ne devraient pas être collectées et traitées, ni même être mises à la disposition d’autres personnes, comme par exemple les données sensibles relatives aux enfants. Si ce risque ne peut être exclu, un contrôle de l’âge pourrait être approprié.

Le Digital Markets Act en Europe vise à réguler les géants de la tech. En quoi cette législation peut-elle changer la donne pour les entreprises et les utilisateurs en Europe ?

Au-delà d’une certaine taille, les grandes plateformes en ligne bloquent l’innovation et les concurrents, par avidité excessive et ce, au détriment des utilisateurs. Le DMA est une réglementation très importante car elle permettra de mettre un terme à cet abus de pouvoir dès mars 2024. Pour moi, le plus grand intérêt du DMA est qu’il va permettre de libérer tout un marché, ainsi que les utilisateurs de l’Union européenne, dès lors que ces géants de l’internet ne pourront plus promouvoir inéquitablement leurs propres produits comme ils le font aujourd’hui. Sur les iPhone d’Apple, aucun App Store, navigateur ou application d’information ne devrait être préinstallé. L’utilisateur doit avoir un choix équitable parmi tous les concurrents. Je suis persuadé que cette concurrence améliorera la qualité, le choix et les prix pour les utilisateurs. Les messageries deviendront également interopérables, de sorte que vous pourrez envoyer des messages d’une messagerie à une autre très simplement. Cependant, aujourd’hui, Google reste au-dessus des lois en raison de sa domination sur les concurrents, l’information, les médias, la politique et la justice. En effet, des millions de mineurs peuvent voir des images pornographiques sans être inquiétés, bien que cela soit punissable dans le monde entier. 20 % du trafic de recherche sur Google est relatif à la pornographie, donc Google privilégie les revenus à la loi. Nous luttons aujourd’hui contre cette situation en intentant des procès à l’échelle mondiale et en engageant des poursuites pénales.

Lire aussi :