Échaudé par des polémiques récentes, le gouvernement envisage d’encadrer l’activité des influenceurs, ces vedettes des réseaux sociaux qui promeuvent des marques auprès de leur public dans des conditions pas toujours très claires.
Une table ronde est organisée ce 9 décembre à Bercy, à l’initiative du ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, pour faire le point sur les mesures à prendre pour réguler un secteur en plein boom. Le conflit ces derniers mois entre Magali Berdah, patronne de la puissante agence d’influenceurs Shauna Events, et le rappeur Booba, a mis en lumière certaines dérives et les risques notamment pour les plus jeunes.
Magali Berdah a été accusée par Booba de recourir à des pratiques commerciales trompeuses, et dénonce de son côté un cyber-harcèlement qui doit déboucher sur un procès en 2023. Mais les deux intéressés n’ont pas été invités à Bercy, qui réunira plutôt des agents d’influenceurs, des réseaux sociaux (dont YouTube et TikTok), des organisations représentatives du monde de la communication, ainsi que des représentants de l’État comme la DGCCRF (répression des fraudes), la direction des finances publiques, ainsi que les autorités régulatrices des jeux d’argent et des marchés financiers.
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Aucun ministre ne devrait assister à ce premier rendez-vous, destiné à défricher le terrain. « Nous voulons arriver vers le printemps à des propositions très concrètes pour aider le secteur à se développer, tout en assurant la protection du consommateur et de l’influenceur », a indiqué le ministère. Selon cette source, il faut notamment « bien clarifier qui est responsable de quoi » dans les communications sur un produit.
« Il y a beaucoup de règles qui existent - fiscalité, publicité… - mais beaucoup d’influenceurs ne connaissent pas ces règles » auxquelles ils sont pourtant soumis, a souligné cette source. Le marché du marketing d’influence, qui consiste pour des marques à payer des influenceurs pour promouvoir leurs produits, a explosé ces dernières années. Il représentait en 2020 un marché mondial estimé à 9,7 milliards de dollars, selon des chiffres cités par l’ARPP, et à plus de 13 milliards l’an dernier.
Pour le moment en France, seules des démarches reposant sur des engagements volontaires ont vu le jour, comme le « Certificat de l’Influence responsable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ou la « Charte de la relation Influenceurs » du Syndicat du Conseil en Relations Publics (SCRP). Selon cette organisation qui sera représentée vendredi, la loi devrait interdire d’exercer à la fois l’activité de conseil en influence auprès des marques et le métier d’agent ou de régie d’influenceurs : un modèle économique susceptible d’entraîner des conflits d’intérêts et pourtant courant dans le secteur.
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Le député EELV Aurélien Taché a de son côté déposé fin novembre à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à « encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur internet ». Elle rend notamment obligatoire les contrats écrits entre l’influenceur et ses commanditaires et agents, et prévoit une amende (jusqu’à 300 000 euros) si le caractère publicitaire d’un contenu n’est pas mentionné, et jusqu’à 2 ans de prison pour l’influenceur qui promeut des pratiques commerciales « interdites, déloyales ou trompeuses ».
Selon Manuel Diaz, qui dirige Influx, une agence représentant les influenceurs auprès des marques, « il y a déjà des lois qui permettent à l’État d’agir » contre les mauvaises pratiques et de nouvelles mesures ne sont pas nécessaires. Ce secteur de « professionnels créateurs de contenus » est récent et il faut lui « laisser le temps de se structurer » autour de professionnels « qui justement prennent la responsabilité d’établir un cahier des charges éthiques dans leur façon de travailler », a-t-il déclaré à l’AFP.