LE BILLET VERT DE GILDAS BONNEL

L’objectif des +1,5° de l’Accord de Paris a vécu pour Christophe Béchu. En travaillant désormais à l’adaptation de la France aux +4°C de réchauffement climatique d’ici la fin du siècle, le ministre de la Transition écologique acte une nouvelle séquence. Mais adaptation ne signifie pas résignation. 

Les dinosaures ne se sont pas adaptés. Nous allons vraisemblablement aussi galérer. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a récemment présenté son plan « La France s’adapte – vivre à + 4°C », une « initiative politique » sur l’adaptation du pays au dérèglement climatique. C’est une petite révolution pour celles et ceux qui suivent le sujet de la planification écologique et les négociations climatiques car parler d’adaptation et lâcher le +4°, c’est avouer que l’on ne croit plus à l’objectif des +1,5° de l’Accord de Paris et qu’il serait sérieux d’arrêter de faire semblant. Pour les néophytes, ces chiffres sont tellement abstraits que ce changement d’unité glisse comme sur les plumes d’un canard mais pour les plus avertis, ce signal est quand même inquiétant. C’est le début d’une nouvelle séquence. Nous nous arc-boutions sur une tension de moins en moins crédible, calée sur un plafond d’émissions déjà atteint. Il nous faut, désormais, regarder avec lucidité la vérité qui s’impose à nous, celle que nous devions absolument éviter : des conditions de vie extrêmement critiques pour les humains et leurs activités. 

Au moment de l’Accord de Paris, les scientifiques alertaient les décideurs sur le risque d’un emballement climatique hors de contrôle si l’on dépassait les 2°. Aujourd’hui, nous savons que si l’ensemble des pays signataires respectaient leur trajectoire, on serait déjà à + 2,7° à horizon 2100. Mais trop d’inaction demeure en fait. D’où le fameux + 4°. Un tel niveau de réchauffement sera accompagné d'une cascade d'événements auxquels il sera difficile de faire face. Par exemple : des vagues de chaleur qui pourront durer deux mois ou plus dans le sud de la France, la disparition quasiment totale des glaciers français avec un impact majeur sur la biodiversité et l'eau, des épisodes de pluies intenses dans le nord de la France avec un risque fréquent d'inondations, des pénuries d'eau régulières tout au long de l'année, des grandes villes invivables à cause de la chaleur... Des secteurs entiers de notre économie sont concernés. L’agriculture en premier lieu. Les infrastructures, les réseaux, le transport, les conditions de travail : tout va être bousculé et nécessite qu’on s’y intéresse. 

L’aggravation comme accélérateur de mobilisation

Pour mesurer l’intérêt des Français sur le sujet, le gouvernement a commandé un sondage à Harris Interactive. Celui-ci montre que 43% des Français sont préoccupés par le changement climatique (deuxième préoccupation derrière le pouvoir d’achat à 56%). 86% d’entre eux se disent inquiets de ses effets voire très inquiets pour 38%. Ils sont 91% à estimer qu’il faudra changer nos habitudes de vie pour faire face à ces changements et 93% qu’il est important de mettre en place des actions pour s’adapter au changement climatique. OK, mais alors on leur dit quoi aux gens ? On abandonne officiellement l’objectif de Paris, avec le risque comme l’a dit Joël Guyot, chercheur spécialiste au CNRS, « [qu’]en se préparant au pire, on risque peut-être de ne pas faire assez d’effort pour empêcher le pire d’arriver » ? Ou on continue de pointer l’objectif en masquant ce que les experts savent très bien : ça va secouer ?

Une troisième option existe : voir l’aggravation comme un accélérateur de mobilisation. Combien de matchs n’ont-ils pas basculé in extremis ? Combien de batailles perdues, dans chaque guerre gagnée ? On ne remonte pas au score en arrêtant de jouer. Confondre adaptation et résignation c’est nier le génie de l’humanité : son sens de l’adaptation, précisément. La mobilisation planétaire contre la covid l’a encore démontré. Les entreprises et les marques agiles peuvent reprendre ce génie à leur compte pour embarquer leurs publics. Dans l’éco-anxiété montante, la communication d’engagement peut réveiller une énergie prodigieuse : notre instinct de survie. Communiquons l’envie d’agir. Personne n’a jamais rêvé finir en dinosaure. 

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