Etude

L’agence Edelman a récemment publié pour la première fois un rapport dédié à la génération Z. Cette étude, réalisée sur six marchés, montre que les jeunes de 14-24 ans aspirent à la sécurité et veulent ramener notre monde à l’essentiel, contrairement à nos idées reçues. Décryptage avec Anne-Cécile Thomann, co-CEO de Edelman France.

C’est la première fois qu'Edelman fait cette étude. Pourquoi ?

On avait besoin d’avoir notre data propriétaire, parce que c’est une audience qui est au cœur des préoccupations des clients. C’est une génération qui, par le covid, a fait la démonstration de priorités qui sont différentes de celles des générations d’avant. Il était important, pour nous, de pouvoir nourrir notre réflexion avec une data qui correspondait à nos critères d’exigence. Nous sommes des spécialistes de ces communautés vers lesquelles les marques, les entreprises ou les institutions qu’on accompagne veulent communiquer. L’étude porte sur six marchés : la Chine, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Mexique et les Etats-Unis. La génération Z comprend les 14-24 ans.

Vous dites que la génération Z, qui a toujours connu un monde avec une forte présence de l’informatique, est en train de ramener notre monde à l'essentiel. Qu’entendez-vous par là ?

C'est une tranche d’âge qui suscite parfois beaucoup d’incompréhension de la part des générations précédentes. Une partie de cette défiance est peut-être liée à la façon dont cette génération Z communique, qui, objectivement, est en rupture avec celles au-dessus (emploi de certains réseaux sociaux, manière de se mettre en scène). Le paradoxe de l’étude est qu’on pouvait les attendre sur de la communication et, finalement, on les retrouve sur des assets de confiance et de sécurité. Il est intéressant de voir la différence entre ce qu’on imaginait d’eux, avec les réseaux sociaux, et ce qu’ils aspirent réellement au quotidien. Cela fait maintenant deux ans que cette génération vit dans une cocotte-minute avec un couvercle fermé alors qu'elle aurait dû vivre des expérimentations sociales, professionnelles et familiales. Avec cette épidémie, elle a été privée de ces expériences. Voir la valeur de la sécurité remonter comme étant la première préoccupation des 14-24 ans est très étonnant. Aujourd’hui, la génération Z favorise la question de la santé, l’environnement, la pauvreté et l’égalité des sexes. Des sujets très sérieux.

Qu’entendent-ils par sécurité ?

Il y a la sécurité sanitaire, qui induit un biais dans la façon dont on vit tous les jours. Cela conduit aussi à un bouleversement dans la manière de faire ses études : la sécurité professionnelle. Est-ce que je vais avoir un avenir professionnel dans un monde où les cartes ont été rebattues avec notamment le télétravail ? On peut noter aussi la sécurité au niveau de la confiance, ce qui nous intéresse particulièrement, vis-à-vis des marques. Est-ce que celles-ci me rendent confiant par rapport aux produits que je consomme et aux éléments qu’elles peuvent donner au niveau de la communication ? Evidemment, il y a la sécurité financière. Dans un monde instable, dans un contexte hyper anxiogène, quelle est ma stabilité financière ? Nous retrouvons aussi la sécurité émotionnelle, affective. 81% préfèrent se sentir en sécurité, contre 75% qui veulent nouer des amitiés. Cela ne veut pas dire qu’ils ne souhaitent pas avoir d'amitiés mais l’impact et l’importance de la sécurité prédominent le fait d’aller nouer des relations. C'est étonnant pour cette tranche d’âge. Nous avons enfin la sécurité physique. Lorsqu’ils choisissent une activité sportive, ils vont essayer d’aller vers des activités où ils ont moins de risques de se blesser ou de tomber malade.

La génération Z ne donne pas aussi facilement sa confiance aux marques et va même chercher à les influencer. Comment ?

70% vérifieront toujours ce que disent les marques et ne les suivront plus si elles ne se montrent pas sincères. C’est une génération qui est en recherche de vérité. Maintenant, la confiance repose plus sur ce que les enseignes disent que sur ce qu’elles font, c’est un activisme très vocal. Les 14-24 ans possèdent une certaine analyse de décryptage. Ils peuvent avoir une exigence massive envers les entreprises et les marques. D’ailleurs, elles ne se trompent pas car elles prennent principalement en compte cette génération de jeunes qui sont les futurs consommateurs. La génération Z est donc très sensible à cette idée de sincérité. Les 14-24 ans ont une exigence que les marques doivent prendre en compte. Si celles-ci n’en tiennent pas rigueur, elles seront en difficulté dans les prochaines années, à mon sens. 9 jeunes sur 10 de cette tranche d'âge souhaitent que les marques s’impliquent dans leurs causes : le changement climatique, la pauvreté, la santé et l’égalité des sexes.

Comment définiriez-vous cette génération ?

La génération Z est une génération que je trouve absolument formidable, car elle a cette exigence. Objectivement, je ne pensais pas qu’on avait une telle exigence à son âge. Il y a un niveau de maturité important pour qu’à 14 ans, un jeune réclame cette dimension de sécurité. Cela raconte quelque chose du monde dans lequel on vit actuellement. Ces jeunes sont en construction. On leur est redevable de cela. On leur doit cette sécurité à laquelle ils aspirent. Par la suite, cette génération sera étonnamment résiliente, car elle a été fragilisée pendant ces deux dernières années. Elle est courageuse et créative, et on le voit sur les réseaux sociaux. On peut les voir blaguer sur ces plateformes et, pourtant, la valeur qu’ils embrassent le plus sur ces six marchés, c’est la sécurité.

Avions-nous des idées reçues sur cette génération donc ?

C’est le cas, oui. Peut-être parce que nous avons manqué d’interactions avec elle ces deux dernières années. Je trouve cela important d'arriver à lever des idées reçues, surtout sur une génération que l’on voyait prise de TikTok. Elle a des valeurs et pense collectif : 70% de ces jeunes sont impliqués dans une cause sociale ou politique. Ils ne sont pas radicaux et sont plus dans le partage, ce qui est un acte d’engagement. On passe d’un activisme qui divise à une ère de réconciliation ou de coalition, à laquelle on aspire tous. Encore une fois, ils ont une arme massive qui est le réseau social et tout simplement la digitalisation de notre monde. Dans le quotidien, cette génération influence son cercle amical et familial. Les marques sont très attentives à ce que perçoivent ces jeunes. Mais au-delà d’un angle marketing, sur le côté sociologique, elle influence énormément son cercle au niveau local ou national. Le pouvoir de Greta Thunberg, par exemple, est immense. Comme ce sont des enfants qui ont grandi avec les réseaux sociaux, le monde leur est accessible d’un clic. Ils ont une force de frappe qui est puissante.

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