Influence

Le phénomène prend de l’ampleur. Depuis quelque temps, des personnes mal intentionnées se font passer pour des agents d’influenceurs afin d’obtenir des comportements déplacés de la part de jeunes gens. Comment lutter ? Éléments de réponse avec Janane Boudili, CEO de l’agence Sœurette Productions et Alexandre Bigot-Joly, avocat à la Cour et fondateur d’Influxio.

Sur votre compte Instagram, vous avez révélé avoir été victime d’usurpation d’identité en tant que CEO de l’agence d’influence Sœurette Productions. Concrètement, comment se traduit ce phénomène ?

Janane Boudili : Le mardi 21 juin, je reçois des messages de jeunes filles sur mes réseaux pour m’informer que des mails professionnels leur avaient été envoyés depuis ma boîte mail. Or, il s’agit d’une fausse adresse Hotmail mal orthographiée. Dans les mails, une personne se faisant passer par moi, prétexte faire passer un casting en ligne pour la prochaine campagne d’une marque de lingerie dont je ne peux pas citer le nom. L’usurpateur demande aux jeunes filles de se connecter à deux heures du matin en raison du décalage horaire avec les bureaux de la marque localisés à New York. Ces filles-là m’expliquent que durant la réunion en visioconférence, le son et la vidéo de l’usurpateur sont coupés. La personne communiquait avec ces jeunes filles uniquement dans l’onglet chat de Skype pour leur demander notamment de retirer leurs vêtements et ainsi, de voir comment est-ce qu’elles posaient. Deux types de victimes sont ciblés : des personnes lambda et des créateurs de contenus en majorité.

Comment l’agence a-t-elle géré cette situation en interne ?

L’un des quatre cabinets d’avocats de l’agence a porté plainte. Un dossier avec preuves à l’appui a été monté. En interne, le travail continue, mes clients et mes talents me soutiennent. Et sur mes réseaux, plusieurs professionnels du secteur et créateurs de contenus me remercient d’en parler. Mais en réalité, ce phénomène va au-delà de Sœurette Productions. Le rôle des agences d’influence, c’est de faire de la prévention et d’alerter sur ces faux castings. Je suis en train de travailler sur la création d’une association qui sera baptisée « bloqué.e » destinée à accompagner la Gen Z sur les dérives des réseaux sociaux (harcèlement, cyberharcèlement, usurpation d’identité, addiction, notamment). Notre agence est ouverte à toutes les victimes en attendant l’ouverture de l’association qui devrait voir le jour d’ici décembre 2022.

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Justement, selon vous, quel rôle les plateformes et plus largement les GAFA, peuvent-ils jouer pour lutter contre ce phénomène ?

Les hébergeurs de mails et plateformes doivent renforcer le contrôle des spams, continuer de mener des campagnes nationales de lutte contre le cyberharcèlement comme celle que nous avons réalisée pour Instagram en septembre 2021 #LePoidsDesMots. Mais aussi créer des campagnes dont le message s’articule autour de plusieurs recommandations. Un créateur de contenus, qu’il soit micro ou macro-influenceur, doit vérifier l’identité de la personne qui souhaite lui proposer un casting, vérifier l’adresse du siège de la marque et le Kbis, vérifier si le compte est certifié et la provenance de son adresse mail. Un casting ne se déroule jamais en dehors des horaires de bureau. Le rôle des plateformes est d’inviter des utilisateurs à s’abonner, mais elles doivent aussi les informer et alerter sur ce qu’il se passe dans ce monde virtuel. Les plateformes sont une superbe évolution et révolution pour la Gen Z, mais malheureusement parfois, il y a des dérives.

Stratégies a contacté d’autres agents et agences d’influence françaises. Certains n’y ont jamais été confrontés, d’autres ont déjà été confrontés par le passé à des usurpateurs se faisant passer pour de faux agents d’influenceurs.​​​​​​

« La première étape est de rédiger un communiqué pour informer sa communauté »

Alexandre Bigot-Joly, avocat à la Cour et fondateur d’Influxio, cabinet d’avocats dédié au marketing d’influence.

« Nous avons déjà observé ce phénomène d’usurpation d’identité numérique du côté des influenceurs et des créateurs de contenus. La finalité des usurpateurs est souvent de faire circuler de fausses informations sur l’influenceur, de lui nuire ou de porter atteinte à son image. En revanche, dans le cas de l’usurpation d’identité (article 226-4-1 du Code Pénal) d’une CEO d’agence d’influence, le but est plutôt d’escroquer d’autres victimes. Il s’agit d’une infraction pénale entraînant une peine d’amende de 15 000 euros. Et la première personne qui en a été victime doit au moins être identifiée ou identifiable. La première étape est de rédiger un communiqué de presse et de le partager sur les réseaux sociaux de l’agent, de l’agence et ou de l’influenceur pour en informer leur communauté. La deuxième étape est de récolter des éléments, d’identifier le commanditaire, de noter les adresses mails ayant servi à l’usurpation, puis de déposer une plainte au commissariat soi-même ou par le biais d’un cabinet d’avocats, ce qui permet d’accélérer la procédure et de faciliter le traitement du dossier. Une fois la plainte déposée au tribunal, ce dernier désignera un numéro de parquet ou de chambre spécifique selon le type d’infraction. Puis, le service du procureur mènera une enquête préliminaire pour regarder notamment les adresses IP et prendre éventuellement contact avec les hébergeurs et plateformes. Si la première plainte n’a pas abouti, il est possible d’en déposer une seconde et de se constituer partie civile. »

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