Dossier Dossier design

Ils ont la trentaine ou un peu plus, ils sont en pleine ascension ou déjà reconnus. Ce sont les nouveaux visages du design français.

Studio Jean-Marc Gady, l’artisanat de luxe

Pour la deuxième année consécutive, le Studio Jean-Marc Gady a été distingué par le prix French Design 100 récompensant les 100 créations qui font rayonner le design français à l’international, pour son travail de scénographie avec la maison Montblanc. En 2020, il a reçu le Grand Prix Stratégies du design pour la table connectée Versatis Smart Platform avec Eurokera. Et ce n’est pas tout. L’agence est présente à l’exposition « No taste for bad taste » du VIA à la Galerie des Gobelins, à Paris, jusqu’au 5 mai, avec la chauffeuse Kago dans la catégorie savoir-faire. 

Fondé en 2006 par le designer Jean-Marc Gady, le studio de création s’exprime dans le mobilier mais aussi le packaging pour Evian, la décoration pour Diptyque ou les services avec le distributeur de protections hygiéniques gratuites dans les entreprises de Maison Marguerite & Cie. Recruté par Apple en 2014, Jean-Marc Gady continue de veiller sur son agence depuis la Californie, et c’est Émilie André, arrivée en 2011, qui en assure la direction créative. Diplômée de l’ENSCI Les Ateliers, elle pilote une dizaine de personnes.

Margaux Keller, l’esprit Sud

C’est la designer dont tout le monde parle, présente jusqu’au 15 mai dans un corner dédié au 2e étage du Printemps Haussmann dans le cadre de Made in Design. On la retrouvera en mai dans une collaboration avec Monoprix et en juin, dans la nouvelle boutique de la marque de cosmétiques Avril que la Marseillaise a conçue à Aix-en-Provence. En 2019, Margaux Keller a créé sa propre maison d’édition de mobilier avec son associée Anaïs Fretigny, qui présente cet été une collection capsule aux accents grecs. Repérée parmi les 100 designers de l’année par AD, elle est aussi dans la sélection des French Design 100, dévoilée à l’Élysée en janvier 2022. 

Formée à l’Ensaama et à l’école Boulle, la trentenaire a débuté dans l’agence de Philippe Starck avant de rejoindre La Fabrica, le centre de recherches de Benetton à Trévise, en Italie. C’est là qu’a lieu sa première émotion professionnelle, lorsque la maison Saint Laurent lui commande un flacon de parfum. « Cette collaboration a été l’un de mes premiers projets en tant que designer diplômée, j’ai adoré l’expérience. Un flacon de parfum encapsule par essence une histoire, un monde olfactif à raconter », se souvient-elle. La designer revendique parmi ses inspirations « le Sud, la joie, l’artisanat, les objets anciens, les géométries parfaites et imparfaites, la poésie ».

Violaine et Jérémy, faux rétro

Violaine Orsoni et Jérémy Schneider, respectivement 38 et 35 ans, se sont rencontrés à l’agence Les Gros Mots avant de créer leur propre studio « sans trop réfléchir » en 2012. Une esthétique commune, l’envie d’évoluer de la production publicitaire au graphisme les ont décidés à se constituer un portfolio dans la culture et l’édition. Depuis dix ans, on retrouve leur « patte » sur la direction artistique de la revue L’ADN, des théâtres des Bouffes du Nord et de l’Athénée, des restaurants de Jean Imbert (Plaza Athénée, Cheval Blanc St-Barth) et de ceux du groupe Paris Society (Gigi, Mun, Maison Russe).

Ils ont créé la communication autour du projet JR au Louvre, la muséographie de l’exposition « Napoléon stratège » aux Invalides, les menus et la vaisselle de l’Orient-Express. Leur style, récompensé par le Club des DA, est un mélange rétro-contemporain de gravures du XIXe siècle, d’Art nouveau parisien, de Sécession viennoise, de typographies des années 60-70. Ils ont d’ailleurs créé leur propre studio de typographie. « On est une toute petite équipe et on ne veut surtout pas grossir. On veut rester fabricants », confie le couple. 

Maximum, mieux avec moins 

Derrière Maximum se trouvent trois copains trentenaires, Basile de Gaulle et Romée de la Bigne, formés à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, et Armand Bernoud, issu de l’EM Lyon. Tout juste diplômés en 2015, ils ont l’idée d’un système qui recycle les déchets pour en faire des produits de série. Toutes les productions industrielles génèrent des objets non conformes, les trois compères les exploitent pour créer de nouveaux mobiliers : chaises en polyéthylène, canapé à partir de barrières de sécurité, bureaux à base de portes, lampes en emballages polystyrène et tubes de néon, tables en échafaudages… Chaque pièce est unique en raison de ses défauts mais en grande quantité du fait de ses origines industrielles.

Révélé par Hopscotch lors de la Cop 21, Maximum vient de livrer 264 chaises pour le siège des Galeries Lafayette. « Au début, on n’était pas pris au sérieux. Aujourd’hui, on parle avec des directions de groupe », témoigne Basile de Gaulle (qui est bien un descendant du général). L’équipe travaille sur une innovation autour du recyclage des textiles, véritable fléau écologique, qui pourrait fournir un nouveau matériau pour le mobilier. Tirer le maximum de la matière avec un minimum d’impact environnemental, tel est leur dessein.

Les Résilientes, le réseau social

Eugénie de Larivière rêvait d’être art-thérapeute, elle fait aujourd’hui de l’insertion sociale par le design. Diplômée de l’Esad de Reims et de la Design Academy d’Eindhoven, elle ne voulait pas seulement créer des objets mais participer aux changements de la société. En 2016, elle propose à Emmaüs Alternatives de créer un studio de design au sein de leur atelier d’insertion, afin d’aider les personnes en précarité à retrouver le chemin de l’emploi grâce aux travaux manuels. C’est devenu le projet Les Résilientes, qui emploie une vingtaine de personnes.

Les livres, vêtements et milliers de cintres en métal récupérés par l’association sont transformés en lampes et tabourets vendus dans la boutique showroom du 2e arrondissement de Paris, tandis que des marques font appel à l’atelier pour revaloriser leurs invendus. Les rideaux Madura sont devenus des coussins, les pulls Bompard des tentures acoustiques, les lampes Made.com des assises…

Troisième activité, l’atelier répond à des commandes d’entreprises, comme l’aménagement d’agences bancaires. « On fonctionne comme un studio de design, on ne fait pas du caritatif, explique la jeune femme de 33 ans. On constate une vraie écoute de la part des gens qui veulent consommer autrement. » Son problème : le développement par les marques des offres de seconde main, qui monétisent ce qui était auparavant donné.

Franklin Azzi, un homme dans la ville

Franklin Azzi était le designer de l’année de Maison & Objet en 2020, et puis la pandémie est arrivée. Le retour du salon du design en mars 2022 a remis à l’honneur cet architecte de 47 ans à travers l’installation Rétro Futur, consacrée à son processus créatif. Ancien élève du philosophe et urbaniste Paul Virilio, Franklin Azzi a étudié à l'École spéciale d'architecture de Paris et à la Glasgow School of Art. Il en a retiré un goût de la pluridisciplinarité et d’un design sans ostentation, respectueux du passé et des usagers.

« Le beau est, avant tout, lié au bonheur des utilisateurs », affirme-t-il. Fondateur de son agence en 2006, il s'est spécialisé dans des projets urbains comme la piétonnisation des berges de Seine, la création de l'ensemble de commerces et de logements Beaupassage dans le VIIe arrondissement de Paris, ou la transformation d’un ancien centre de tri postal en lieu culturel à Lille. Il signe aussi des boutiques (Isabel Marant, Lacoste…) et des espaces de bureaux, avec une thématique de réemploi. On le verra à l'oeuvre dans la réhabilitation de la Tour Montparnasse, prévue pour 2024.

Pierre Brault, l’art et la lumière

Designer ou plasticien, Pierre Brault, 30 ans, ne choisit pas et mène de front la création au service des marques et une activité artistique représentée par la galerie Bartoux à Paris. Diplômé de l’école d’art Penninghen en 2016, il est rapidement recruté par le studio de design et d’architecture de Courrèges, avant d’être contacté par Canal+ pour créer l’identité visuelle de l'émission L’info du vrai, animée par Yves Calvi. Son goût pour la lumière et la couleur lui vaut d’être sélectionné pour réaliser les affiches et les vidéos du festival Rock en Seine en 2018.

Il continue de travailler dans l'univers de la musique pour l’Olympia, Vald ou DJ Snake. À la tête de son agence, Pierre Brault collabore avec Zadig & Voltaire, Ladurée, Lacoste, PSG, Instagram, Back Market, La Prairie, Cartier… En tant qu'artiste, cet admirateur de Daniel Buren et Vasarely travaille le Plexiglas recyclé pour créer des formes géométriques qui jouent avec la lumière, dans une réflexion sur le temps et la nature. 

 

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