Il avait cofondé le groupe FCA ! Jean Feldman, décédé la semaine dernière, était l'un des publicitaires mythiques des années 1970 et 1980 : la belle campagne Woolmark, « Nestlé, c’est fort en chocolat », ou l’inoubliable « Heureusement, il y a Findus », c'était lui. Depuis son retrait de la publicité, en 1993, cet élégant se consacrait à l'art.
C’était l’un des grands messieurs de la publicité française. Jean Feldman était le F de FCA !, cofondé aux côtés de Philippe Calleux et Marc Bourgery. FCA !, avec un point d’exclamation, pour « la surprise, l’étonnement instantanés, tout ce que souhaitait Jean Feldman, un des grands créatifs de la deuxième moitié du XXe siècle, avec Philippe Michel et Jacques Séguéla », écrivait son compagnon de toujours, Philippe Calleux, dans notre numéro des 50 ans de Stratégies (Stratégies n°2100). Les premiers gains de budgets d’envergure coïncident d’ailleurs avec la naissance du magazine, en 1971 : l’agence décroche coup sur coup Vittel et la Woolmark. FCA !, sous la houlette de l’intuitif Jean Feldman, devient une usiné à campagnes mythiques : avec des images fortes, comme les moutons formant le logo de la Woolmark ou le fromage Chaumes, mêlé à la chaleur du blé blond, et des slogans qui marquent : « Nestlé, c’est fort en chocolat », ou l’inoubliable « Heureusement, il y a Findus ».
«Faire du Swatch dans l'univers de la décoration»
En 1993, après des années de bonheur publicitaire, Jean Feldman vend son groupe à Publicis, et prend son congé de la publité. Artiste, peintre, sculpteur, il est devenu ce qu'il avait toujours été : créateur. « J'ai senti que mon temps était terminé, je n'ai aucun regret, je n'avais plus envie, ce qui m'avait exalté avait disparu… c'était trente ans de "non-repos", mais un souvenir merveilleux... », explique-t-il, plus tard, dans un article aux Echos. La créativité ne lâche pas pour autant celui qui porte, chevillée au corps, une quête artistique. Jean Feldman devient artiste, peintre, sculpteur. Tout en pilotant une petite société de conseil, Wings, à travers laquelle cet éternel curieux continue à humer l’air du temps. Dans un article de 1998 de Stratégies, il se définit au passage comme «la sentinelle de L'Oréal», à qui il prodigue quelques conseils, et aussi comme un architecte du futur. «Mon rêve, c'est de voir 150 millions de personnes assises sur un siège que j'aurais dessiné», confie-t-il, avouant ambitionner de faire du «Swatch dans l'univers de la décoration».
«J'ai eu la chance de traverser le siècle à une époque où la publicité était en état de grâce. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile et je détesterais l'idée de m'accrocher à une activité à laquelle je ne suis plus indispensable. J'ai recréé un monde, je continue à jardiner l'imaginaire, je réinvente des univers tous les jours», résumait Jean Feldman, qui avait alors soixante-cinq ans. «Comme ça, je vois la vie en rose !», s’émerveillait ce publicitaire, tout sauf cynique, imaginatif et insatiable rêveur.