Alors que s’est refermée la page des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’organisation des JO 2030, dans les Alpes, est-il « raisonnable » ? La condition sine qua non : l’événement doit être au service de l’intérêt général.

Avant l’été, et encore maintenant, de nombreux acteurs trouvaient irresponsable d’organiser les Jeux olympiques de 2030 dans les Alpes françaises. Les sondages différaient dans leurs résultats, selon les sondeurs et les médias, mais nous savons que l’adhésion était moindre que pour les JO de Paris 2024 et que près de 85 % des Français pensent que l’organisation des compétitions de ski devrait être repensée pour tenir compte du réchauffement climatique*.

Alors que Michel Barnier vient de donner l’engagement de l’État Français le 2 octobre dernier, on peut se demander en conscience s’il est véritablement responsable d’organiser les Jeux olympiques d’Hiver en 2030 ?

Au lendemain des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, peu de décideurs remettent en question l’intérêt de l’organisation de tels événements de très grande envergure, tout comme dans le domaine des foires, personne n’imagine supprimer le Salon de l’Agriculture essentiel pour la filière agricole, soutenue par la majorité des Français. Au strict plan économique et social, une récente note du cabinet Asterès estime que les Jeux de 2030 devraient générer 3,6 Md€ de valeur ajoutée, près de 1,6 Md€ de recettes fiscales et la création de quelque 48 000 emplois.

Soyons responsables, pas de slogan inutile

Certaines voix s’élèvent pour soutenir l’organisation de « Jeux Verts ». Méfions-nous de ce type de punchline, utilisée par les organisateurs eux-mêmes, car les Jeux olympiques d’hiver ne seront jamais verts au sens de la neutralité carbone. Même si des mesures ambitieuses sont prises, mettre en œuvre les infrastructures nécessaires puis faire venir les athlètes, les médias et les spectateurs sur les sites de compétition, sans parler des activations déployées par les marques partenaires, générera inévitablement des émissions de GES et des impacts sur les milieux naturels de montagne.

Dans une interview à La Tribune le 26 septembre dernier, le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, s’est dit favorable à l’organisation par le France de cette compétition à condition qu’ils puissent montrer « qu’on peut faire des Jeux synonymes de protection et d’amour de la montagne ». Cette nuance semble essentielle car oui, il y a sans doute une opportunité pour limiter sensiblement les externalités négatives et faire en sorte que ces Jeux olympiques et paralympiques d’Hiver 2030 dans les Alpes soient responsables et donc « compatibles avec le respect des limites planétaires et bénéfiques aux territoires et à leurs populations ». C’est cette condition que pose un collectif de 20 ONG dans une tribune publiée en novembre 2023, qui édicte 17 conditions pour y parvenir.

C’est désormais une obligation : avant d’organiser un événement, il faut se poser la question de son utilité, de la limitation de son impact et des conditions pour y parvenir. Notre enjeu collectif consiste à renforcer la soutenabilité des événements sportifs ou culturels mais aussi d’impliquer toutes les parties prenantes. Pour qu’un événement soit soutenable, il faut qu’il soit à la fois durable et qu’il génère un impact positif sur le plan social et sociétal. Et ce n’est pas un jeu à somme nulle : les bénéfices sociaux et économiques engendrés par telle ou telle manifestation ne peuvent pas compenser les dommages causés à l’environnement… Il faut travailler sur les deux piliers.

Se focaliser sur la baisse des émissions des GES

Il est indispensable de se focaliser sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES). Comme ce fut le cas pour Paris 2024, ce sera l’un des chantiers prioritaires de 2030 avec un focus particulier sur les transports qui constituent la principale source d’émission des GES. Aurions-nous aujourd’hui le métro jusqu’à Orly sans les JO de Paris ?

Les JO vont accélérer le développement d’infrastructures ferroviaires en montagne, contribuant ainsi à décarboner le transport des spectateurs majoritairement européens, et à terme, du tourisme en montagne. Cette redynamisation des territoires alpins les rendra moins dépendants du ski. En travaillant sur le volet environnemental, on agit sur le volet social.

Autre gros chantier, celui de l’enneigement. Afin de limiter la consommation d’eau et d’énergie liées à la production de neige de culture, il est préconisé de retenir que les pistes qui disposent d’un taux d’enneigement fiable supérieur à 150 jours/an à l’horizon 2035. Avec une neige naturelle, les fluctuations des pistes seront plus importantes au cours d’une même manche de compétition, ajoutant ainsi un aléa extra-sportif, se heurtant parfois aux cahiers des charges techniques très stricts des instances sportives.

Les futurs Jeux de 2030 sont une opportunité unique de mettre en œuvre une véritable transition des territoires de montagne, permettant de faire évoluer l’industrie du tourisme d’hiver, d’anticiper les enjeux sociaux engendrés par le réchauffement climatique et de préserver les écosystèmes. C’est une demande de tous les acteurs de la montagne et de la société : l’événement doit être au service de l’intérêt général.

Et cet intérêt général est également servi par la capacité de ce type d’événement à favoriser le collectif et le vivre ensemble, deux raisons de vivre de l’Homme. Nous l’avons vu tout cet été pendant les Jeux, dans les sites olympiques, les fans zones ou au Club France. Nombre de Français ne voulaient pas que cette parenthèse enchantée s’arrête. Nous avons plus que jamais le besoin de nous réunir autour d’une passion, d’une émotion, d’une performance sportive ou culturelle.

Si nous arrivons ensemble à mettre un symbole aussi fort que les JO au service d’une transition profonde, efficace, emprunte de sobriété et de justice sociale, la France aura eu raison d’organiser les Jeux de 2030 dans les Alpes. C’est un long chemin fait d’une ambition collective mais avec l’humilité des petits pas pour y arriver.

* sondage Odexa pour Winamasx et RTL en novembre 2023

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