À partir du 26 juillet 2024, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris devraient offrir un coup de projecteur planétaire à la filière événementielle française. Mais la fête ne profitera pas à tous les acteurs. Un article également disponible en version audio.
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La date est entourée en rouge dans les calendriers des professionnels de l’événementiel : le 26 juillet aura lieu la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, orchestrée par le groupement d’agences Paname 24, qui lancera la saison olympique en France, 100 ans après l’édition parisienne des JO de 1924 (et les Jeux féminins de 1922). Un événement sportif historique, globalement perçu d’un bon œil par la filière, qui se tient prête à démontrer son savoir-faire au monde entier. « Le moment est très attendu, avec un spectacle inédit sur la Seine. Du jamais-vu puisque les précédentes cérémonies d’ouverture ont toujours eu lieu dans des stades. C’est là, à mon avis, que s’exprime la French touch événementielle », commente Stéphane Abitbol, secrétaire général de Lévénément, l’organisation professionnelle désormais représentative des agences conseil en communication événementielle. « Le spectacle imaginé et voulu par Thierry Reboul [directeur exécutif de Paris 2024] et Thomas Jolly [directeur artistique de Paris 2024] relève de la prouesse », complète Stéphane Guerry, coprésident de Havas Events.
Quant à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, elle est prévue le 28 août sur les Champs-Élysées et place de la Concorde. Pour élaborer ces deux spectacles, qui pourraient réunir plusieurs centaines de milliers de spectateurs, dépassant ainsi largement les capacités d’un stade, les équipes issues des agences qui forment la joint-venture Paname 24, c’est-à-dire Havas Events, Auditoire et The Banner (qui réunit Double 2, Ubi Bene et Obo), ont été délocalisées. Elles travaillent en vase clos et sont tenues à une confidentialité très stricte. « En tant que codirecteur général de Double 2, je n’ai pas accès à ce lieu et ne sais rien de ce qu’il s’y prépare », confirme Florent Depoisier. « Les collaborations sont fréquentes dans l’événementiel entre acteurs ayant des expertises complémentaires. Mais c’est la première fois que nous nous associons entre agences de cette taille », explique Stéphane Guerry. Paname 24 n’est pas le seul groupement d’agences à avoir remporté de tels marchés olympiques. D’autres agences (RNK, Olbia Conseil, Lafourmi et Double 2) se sont associées pour décrocher l’appel d’offres du relais de la flamme olympique.
Tenir les promesses
« Un événement comme les JO, c’est une opportunité exceptionnelle pour le pays et nos métiers en général », se réjouit Philippe Pasquet, coprésident du syndicat Unimev et directeur général de GL events Exhibitions. Briller sera le maître-mot cet été. « Les Français s’attendent à ce que nous, producteurs d’événements, soyons à la hauteur des promesses du Cojo [Comité d’organisation des JO] », ajoute le directeur général de Double 2. « Pour nous, l’enjeu, c’est aussi de nous faire identifier par des prospects, de préférence des grandes marques », confie Cyril Estarellas, le président-fondateur de l’agence indépendante S2R Starbrand. Après avoir mangé son pain noir durant les années covid, le secteur événementiel, en rebond depuis 2021, devrait être porté en 2024 par cet épisode d’ampleur internationale. « Peut-être 10 % à 15 % des agences travaillent à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques sous la direction du Cojo », évalue Stéphane Abitbol. C’est le cas de GL events, qui a par exemple remporté l’organisation des épreuves équestres dans les jardins du château de Versailles. « Notre profession va permettre que les compétitions se déroulent dans les meilleures conditions, avec une attention portée sur la durabilité et la sobriété », insiste Philippe Pasquet.
« Il y a une montée en charge depuis le mois de novembre. Notre carnet de commandes est déjà 20 % plus rempli qu’en 2022 », informe Cyril Estarellas, qui assure qu’il n’est pas trop tard pour planifier un événement sur la période. Au contraire, les budgets étant votés en janvier, beaucoup de demandes sont attendues par les professionnels pour les mois de février et mars. « L’achat média va être saturé et, pour émerger, les marques vont se tourner vers l’événementiel », prédit le dirigeant. Les agences qui ne participent pas à l’organisation des Jeux peuvent être sollicitées par les fédérations, les équipes olympiques, les partenaires officiels ou encore tous les acteurs qui ont l’intention de surfer sur l’actualité sportive en organisant, par exemple, des olympiades en interne. « On commence à discuter avec nos clients pour l’organisation d’événements corporate sur la thématique des JO », fait savoir Benoît Malphettes, cofondateur de l’agence Frénésie. Ce dernier s’attend aussi à avoir, dans les prochaines semaines, des interlocuteurs étrangers. « Ils vont juger notre capacité à les satisfaire », prévient-il.
« La qualité de l’accueil et du réceptif sera aussi, dans une moindre mesure, une démonstration du savoir-faire événementiel », estime pour sa part Stéphane Guerry. D’ailleurs, la France a répété son rôle de pays hôte à l’automne dernier, avec la Coupe du monde de rugby et ses 600 000 touristes internationaux accueillis durant cette période en Île-de-France. Pour les JO, l’Office de tourisme de Paris prévoit un volume de visiteurs légèrement supérieur qu’en temps ordinaire : 11,3 millions pour les Jeux olympiques et 3,8 millions pour les Jeux paralympiques, soit un peu plus de 15 millions cumulés, dont près de 14 millions de Français. L’organisme table sur une probable « substitution des touristes habituels par les touristes des Jeux olympiques et paralympiques ». « À Londres en 2012, il n’y avait pas eu de boom de fréquentation ; en revanche, ceux qui venaient pour les JO étaient prêts à payer beaucoup plus cher : les prix avaient grimpé de 100 % et davantage, et ils sont restés plus élevés les années suivantes », remarque Vanguélis Panayotis, président de MKG Consulting, interrogé en juillet par l’AFP.
Lieux en tension
« Il n’y a pas que le prix du ticket de métro qui va doubler, alerte Benoît Malphettes. Et on ne sait pas comment les prix vont redescendre après les Jeux paralympiques. » Les prix de l’hôtellerie sont en train de flamber avec des nuitées multipliées par quatre, d’après une enquête du Parisien menée auprès de douze établissements. Concernant les prix des lieux événementiels, l’information n’est pas aussi facilement accessible, ceux-ci étant négociés en gré à gré. Pour Philippe Pasquet, il est difficile d’établir une comparaison dans la mesure où, cet été, ils seront « bookés pour une ou deux semaines ». « Oui, il y aura certainement un peu de tension pour trouver des lieux, concède-t-il. Et il y aura de la perturbation pour des événements récurrents ». « La bande passante événementielle risque d’être saturée sur les ressources physiques et humaines », alerte Benoît Malphette. « Du 15 juin au 15 septembre, ce sera certainement plus compliqué de produire des événements mais ça ne sera pas infaisable », nuance Florent Depoisier.
Les producteurs de spectacle expriment tout de même leurs inquiétudes par la voix du Prodiss, le syndicat du spectacle musical et de variété. Début décembre sur Franceinfo, Malika Seguineau, sa directrice générale, s’est alarmée d’une perte de 150 millions d’euros de recettes de billetterie en raison des Jeux olympiques. Elle cite le Stade de France, Paris-La Défense-Arena et l’AccorArena, qui vont être réquisitionnés pour des compétitions sportives et donc être inaccessibles durant plusieurs mois. « Le secteur du spectacle vivant sera directement impacté par des concerts non programmés ou délocalisés du fait de l’indisponibilité des grands équipements, et des festivals réduits, décalés ou délocalisés voire annulés par décision préfectorale », renseigne-t-elle. Elle pointe aussi du doigt les restrictions de circulation, qui risquent de compliquer l’accès aux salles dans Paris. Un professionnel en agence fait également remonter à Stratégies que pour certaines grandes villes, il sera plus difficile d’obtenir un dispositif de sécurité pour un événement musical car toutes les forces seront mobilisées sur les JO.
Autre problème de taille : la pénurie de main-d’œuvre dans l’événementiel. « Les responsables et directeurs de la logistique sont difficiles à trouver, y compris en freelance, du fait de la demande générée par les JO. Les profils liés au planning manquent aussi », faisait déjà savoir en octobre Muriel Blayac, présidente de Lévénement. « Quand on a des problèmes de recrutement, c’est qu’il y a de l’activité », commente Philippe Pasquet, qui préfère voir le verre à moitié plein. Car, indiscutablement, pour l’ensemble des professionnels, 2024 marquera l’avènement du secteur. « 99,9 % des marques et annonceurs qui ne sont pas partenaires des Jeux vont batailler pour marquer leur présence. L’événementiel qui était jusqu’à présent mis en bout de la stratégie des moyens, va devenir le point nodal », espère Florent Depoisier. « Cet été, le public sera là pour le sport mais surtout pour le plaisir. Il sera à la recherche de moments exceptionnels et ludiques », argumente de son côté Cyril Estarellas. « Les JO vont créer un sentiment de liesse national mais il y a aussi beaucoup de gens qui ne sont pas fans de sport et qui vont vouloir qu’on leur parle d’autre chose », esquisse Benoît Malphettes.