Malgré la crise sanitaire, l’année 2021 a été porteuse pour les agences de RP, qui ont accéléré leur digitalisation et se sont épanouies dans le conseil aux entreprises.
Ces deux dernières années ont mis en exergue la légitimité des relations publics, une discipline qui était jusqu’alors encore assez mal comprise par les marques et leurs dirigeants. « Le covid a agi comme un révélateur de la dimension essentielle de notre métier », estime Marc Chauchat, CEO de BCW, l'un des grands acteurs du secteur. « L’année 2020 comme l'année 2021 ont été positives sur les enjeux corporate, avec un accompagnement des entreprises dans les gestions de crise, et une partie conseil qui s’est fortement développée », détaille Pascale Azria, présidente du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP). Dans un contexte où les relations entre les marques et leurs publics étaient chahutées, « le métier de RP dans sa complétude, et pas seulement au travers les relations presse, a été un partenaire pour éclairer la situation, via les départements data et analyse, et pour faire preuve de réactivité », applaudit Marc Chauchat, dont l’agence du groupe WPP a monté « en dix jours » la campagne « J’aime mon bistrot » en avril 2020, une plateforme de soutien aux bars et restaurants.
Employee advocacy
« On a eu une activité très corporate, boostée par la crise », confirme Pierre-Hubert Meilhac, head of PR & influence d’Ogilvy Paris. « Le grand enseignement pour les marques et les entreprises, ça a été la prise de conscience de l’importance de l’interne, simplement parce que la sécurité des employés était en jeu », poursuit-il. « Durant la crise, les stratégies d’engagement interne ont été très demandées », complète Marc Chauchat. « On a beaucoup développé l’employee advocacy », ajoute Céline Angelini, fondatrice de l’agence Marie-Antoinette. Cette stratégie marketing consiste à former les équipes afin de transformer les salariés en ambassadeurs pour porter des discours positifs sur leur entreprise. Pour Charles-Antoine Colomb et Cécile Granat, managing directors d’Hopscotch PR, il y a eu « une premiumisation » des relations publics, davantage tournées vers le conseil stratégique. « On n’a jamais été aussi proche des décideurs », assurent-ils. Cela se traduit, par exemple, par la gestion de leurs contenus éditoriaux sur LinkedIn ou Twitter car « incarner la communication par un dirigeant permet une mise en récit plus efficace des engagements d’une entreprise », louent-ils à l’unisson.
« Avant la crise, on avait des difficultés à vendre des formations de média-training aux dirigeants. Aujourd’hui, c’est entré dans les mœurs et on sent une envie de communiquer pour s’imposer comme concurrent légitime sur leur marché », témoignent Gaëlle Legris et Marianne Felce-Dachez, fondatrices de l’agence Léon. « Le métier a changé ces dernières années. Notre rôle n’est plus uniquement de conseiller les entreprises dans leurs prises de parole externe, mais aussi de les accompagner dans leur transformation ou leur évolution au sein de leur écosystème », analyse Caroline Saslawsky, présidente-fondatrice d’Idenium. « Durant cette période de remises en question, nous avons clarifié les discours de marque ou positionnement d’entreprise avec nos clients », poursuit-elle. Depuis plusieurs années, les entreprises questionnent leur impact sociétal et « la crise sanitaire a accentué le rôle des entreprises et leur capacité à faire évoluer le monde », dit Pierre-Hubert Meilhac. « Les marques doivent porter un message », ajoute Nathalie Roland, fondatrice de Blondie Paris.
Réinventer les formats
Les missions des RP se sont aussi recentrées sur le pragmatisme. « Dans les périodes de crise, il faut savoir proposer des formats moins coûteux. On a dû réinventer les formats, tout en gardant notre patte créative », explique Céline Angelini. Les agences RP ont ainsi renouvelé leurs offres, principalement pour la partie événementielle (conférence de presse, lancement de produit…) avec, pour beaucoup, la mise en place de plateaux TV. « Les opportunités se sont déplacées sur le digital », note Pascale Azria, dont l’agence Kingcom a réalisé deux live shopping pour Moulinex avec Cyril Lignac en novembre 2020 et mai 2021.
Pour ce qui concerne les événements physiques, les agences doivent composer avec des « stop and go ». « Il y a eu plusieurs événements en présentiel entre mai et novembre 2021. Avec l’arrivée d’Omicron, nous avons décidé de décaler les rendez-vous », expliquent Meriem Kadari et Douha Cherif, fondatrices de l’agence 3icom. « On avait de jolies perspectives en fin d’année mais, avec l’arrivée du variant, on a revécu la même chose qu’au début de la crise sanitaire avec des clients qui prennent peur », ajoute Céline Angelini. « Aujourd’hui, tous les événements sont prévus en physique et digital, c’est une adaptation pour ne pas se laisser prendre de cours », explique Pascale Azria. Quant au basculement vers le tout virtuel, Thomas Marko, directeur de Thomas Marko & Associés, n’y croit pas : « L’homme est un animal social et se rencontrer est un besoin sensible. On sent une aspiration des entreprises au retour des événements physiques. »
Cette adaptation digitale a également eu lieu dans la relation aux journalistes, ce qui a pu rendre les collaborations plus efficaces. « Là où avant le covid, pour une conférence de presse en présentiel, on comptait une quinzaine de journalistes présents, le format visioconférence permet d’avoir une vingtaine de journalistes connectés », détaillent les fondatrices de 3icom. Pourtant, l’aspect virtuel des relations médias déplaît à certains professionnels. « La visioconférence apporte de la solennité, ça enlève tout l’aspect informel », déplorent les fondatrices de l’agence Léon. « Quand tu vois un journaliste autour d’un déjeuner, tu prends plus le temps d’échanger », abonde Nathalie Roland. « Il est plus difficile de joindre les journalistes dans leur rédaction avec la généralisation du télétravail, d’où l’importance d’avoir un réseau qualifié », constate pour sa part Sabrina Curto-Laverny, fondatrice de SCL Conseil, qui remarque aussi que les entretiens one-to-one en visioconférence « font gagner du temps à tout le monde ». Concernant les portages en rédaction, certaines agences les ont tout bonnement abandonnés. D’autres font le choix d’envoyer moins de colis, au domicile des journalistes qui le souhaitent.
Boom du marketing d'influence
Mais les relations médias ne sont-elles pas en train d’être détrônées par l’influence ? « Il y a eu un boom du marketing d’influence durant la période, avec des lancements 100 % influence », constate Pierre-Hubert de Meilhac, qui reste circonspect quant au fait que l’influence puisse supplanter les relations médias. « Les clients étrangers valorisent encore les relations médias », donne-t-il pour raison. « Les achats liés aux influenceurs et aux actions média sont passés de 150 000 euros en 2018 à 1,4 million en 2021 », se félicite Philippe Lucas, PDG de Wellcom. Avec l’influence, les RP se sont ouvertes aux stratégies de « paid social » : des collaborations payantes avec des influenceurs et une amplification payée. Avec cette formule, « il est beaucoup plus facile d’avoir un ROI clair », ajoute Pierre-Hubert de Meilhac.
Le ROI des RP est parfois un sujet litigieux : il n’est pas toujours évident de prouver l’efficacité d’une activation RP avec des chiffres, contrairement aux investissements marketing ou publicitaires. « Notre travail de pédagogie auprès des clients peut être sapé par des agences qui vont faire des promesses quantitatives avec, par exemple, des logiciels censés automatiser nos métiers avec des packs pour des communications qui seront non ciblées, sur des bases non qualifiées, avec des contenus non pertinents. Il y a un non-respect du journaliste, tout ça pour mettre "on a envoyé X communiqués" sur des reportings », avance Gaëlle Legris. Si Pascale Azria déplore ce type de pratiques « antinomiques avec l’essence même du métier », elle juge que « si les outils enrichissent l'analyse des consultants, ils ne remplacent pas la relation au coeur du métier qui a vocation à faire évoluer la considération, la teneur des conversations, et que tout ça se mesure ».
Les agences ont ainsi réfléchi à rationaliser leurs standards, à l’instar de BCW, qui a mis en place sa méthodologie « Moving’perf », une plateforme à disposition des consultants qui agrège plusieurs indicateurs sur les objectifs fixés avec le client. L’agence Monet & Associés a, elle aussi, pris une longueur d’avance en mettant à profit le gain de temps du télétravail pour développer en un an un dashboard baptisé « Keep An Eye ». Celui-ci doit permettre aux clients de « suivre des KPIs de manière transverse » en agrégeant des datas en temps réel. En bêta-test, l’outil devrait être ouvert à tous les clients de l’agence en avril prochain. 2022 pourrait bien être l’année où sera ringardisé le reporting PDF.