TRIBUNE

A l'occasion de la cérémonie religieuse en l'honneur de Marie-Catherine Dupuy le 22 novembre, le cofondateur de BETC a écrit, au nom de la profession publicitaire, un texte qui célèbre la carrière de cette pionnière. Stratégies le publie en intégralité.

Chère Marie-Catherine,

Je veux partager avec Pierre-Marie, François-Marie, Victor, Camille, Jean-Marie, et tous tes proches, l’émotion profonde que je ressens après que tu nous as quittés. C’est très intime, pas très professionnel, mais j’espère que cela pourra traduire ce que ressent toute la profession.

Je pourrais dire que tu as changé ma vie, mais ce serait plus juste de dire que tu m’as fait naître une deuxième fois. Tu m’as adopté, et couvé, dans un coin de la petite agence que tu avais montée avec ton mari et des copains : BDDP. Tu as nourri le petit stagiaire que j’étais, m’as donné des lignes et des lignes à écrire pour des catalogues Michelin, des titres et des titres à trouver pour des napperons destinés aux plateaux Mc Do…

Je voulais écrire ? J'étais servi. Moi qui croyais avoir fait de bonnes études de lettres, en fait j’étais nul ! C’est trop écrit ! Taille ! Recommence ! me disait presque chaque jour la fée Marie-Catherine. C’est écrit avec les pieds ! On s’emmerde ! Et elle se mettait à ronfler comme si elle dormait tellement elle s’ennuyait.

Quelle fée ! Le genre de fée dont on n’ose pas rêver, qui fume, qui boit, qui danse et raconte des histoires salaces. Le genre d’histoires qui vous mèneraient directement en prison aujourd’hui si vous étiez un homme par exemple, et que vous les racontiez en réunion.

Marie-Catherine, chère fée, je n’ai mesuré que bien plus tard les pouvoirs extraordinaires que tu avais. Tu m’as transporté dans une autre galaxie, très loin de mes bases, on était plutôt publiphobe à la maison, on refaisait le monde dans les cafés, dans les livres, dans les meetings. D’un coup de baguette magique, avec toi, on pouvait envisager de refaire le monde autrement, toujours avec des idées mais en s’amusant. Elle me fait réaliser ce qu’est la publicité… Refaire le monde ! Refaire la moutarde, les soutiens-gorge, le whisky, la bière, les banques, les musées, les grands magasins… Je n’en suis toujours pas revenu… Refaire des pneus, un yaourt, des chaussettes, de la saucisse, des voitures, des ordinateurs. Allez… Et si on refaisait le ciel ? Le ciel ?! Oui, pourquoi pas ? C’est vrai qu’on mettait la barre très haut chez BDDP !

Au milieu de cet atelier, chef de la création du monde en cours de transformation : la fée Marie-Catherine. Autour d’elle des gens très brillants manient une langue acérée et des images qui tuent. Je travaille à l’époque avec mes amis Philippe, Antoine, Pascal, on essaie d'être à la hauteur. Mais sur le plan du style, elle va toujours plus loin que les autres : elle favorise des expressions tellement simples qu’elles savent heurter l’idée première et bien bête qu’on peut se faire de l’intelligence : Amora relève le plat. Hertz, La voiture, pas l’aventure. Pingouin, Les couleurs qui marchent. Donnez Danone. Je suis sidéré. J'apprends. J’observe… Et je fais gaffe : avec Marie-Catherine, surtout ne pas trop la ramener avec des raisonnements, des discours verbeux ou lourdingues. Elle efface toute pose d’un coup de cil, tout bullshit d’un coup de talon, ça dégage, on n’en parle plus. Il suffit de regarder la célèbre photo où elle pose avec ses trois associés et où on ne voit qu’elle, pour d’abord se rendre à l’évidence, : oui c’est une fée. Et surtout pour voir quel genre de fée c’est ! Au milieu des trois grands gaillards qui l’entourent, Boulet, Dru et Petit, c’est une vestale. Elle brille. Elle veille. Personne ne pourra s’endormir sur ses certitudes ou sur sa testostérone.

Contre l’esprit de géométrie, tu auras toujours défendu l’esprit de finesse, cet esprit que nous, créatifs, appelons la création : c’est la part la plus fragile d’une agence. Et la plus utile. C’est à cet endroit sensible que tu t’es battue pour notre métier, là où il est le plus attaqué. L’énergie que tu as donnée jusqu’au bout au Club des directeurs artistiques nous a touchés et impressionnés. Pour tout cela, tu auras pour toujours l’admiration de notre confrérie.

Marie-Catherine, tu m’as accueilli et formé dans l’agence que tu as créée, tu seras toujours présente dans la mienne. Grâce à toi, BDDP a réussi à créer une suite dans BETC. Tu nous as transmis à Éric et à moi, ton goût de la transformation et ton esprit d’aventure. Ces deux agences seront toujours sœurs dans mon cœur.

Pas facile d’hériter de ce que tu nous laisses. Pourtant, l’époque plutôt opaque dans laquelle nous sommes plongés réclame qu’on sorte la tête du bouillon, qu’on ait ton courage, ton bonheur à travailler, ta légèreté. Qu’on fuie avec toi le bla-bla, la fausse sensibilité et la fausse intelligence. Qu’en pensant à toi on se marre plus souvent !

Il va falloir qu’on se retrousse les manches !

Tu étais modeste, directe, élégante et foudroyante comme la publicité que tu aimais.

Chère Marie-Catherine, nous ne chouchouterons jamais assez ta mémoire si vive, tu es dans notre cœur.

Avec notre reconnaissance et notre amitié éternelles.

Rémi.

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