En préambule, soulignons que le concept d’agence conseil en communication régionale n’est pas approprié, il est même dépassé, selon certains acteurs interrogés. L’expression d’usage est « agence conseil en communication implantée en région ». Et, bien que Paris reste la première place de la communication du pays, la dichotomie entre la région capitale et les autres régions semble avoir disparu. « Les frontières se sont effacées sur le territoire. Les agences en région disposent des mêmes compétences, hormis certaines expertises spécifiques. L’annonceur est dans un choix raisonné d’agences pour leurs compétences, leur créativité. Le territoire est une variable », expose Julien Roset, président de l’Union des conseils en communication (UCC) Grand Sud. Ce que confirme Marion Andro, directrice associée de B Side (Nantes) : « Les annonceurs viennent nous chercher pour notre expertise en stratégie de communication RSE. Il y a aujourd’hui des compétences mixtes en région qui peuvent répondre à toutes les problématiques de communication. »
Croissance externe
Ces agences, bien qu’opérant pour des clients locaux, réalisent une part de leur activité en Île-de-France pour des entreprises nationales et internationales, même si les gros budgets sont toujours gérés par les grands groupes parisiens. Pour les concurrencer, certaines font le choix de la croissance externe pour se positionner sur des appels d’offres plus importants : « La constitution d’un réseau d’agences diversifiées permet de démontrer dans le temps notre fiabilité financière », explique Matthieu Forget, directeur associé d’AsUWish (Normandie). Force est de constater que la robustesse financière est toujours décisive sur les gros dossiers, mais aussi auprès d’entreprises en croissance. Pour le reste, si peu de différences subsistent entre les agences, quelques spécificités demeurent et semblent suffisamment stratégiques pour inciter des enseignes parisiennes à ouvrir des antennes locales. Le groupe Publicis, qui vient d’inaugurer son premier campus en région dans les Hauts-de-France, a d’ailleurs été pionnier avec Publicis LMA (Lyon, Marseille, Annecy). « Notre agence à Lyon s’est créée il y a quarante ans avec des clients locaux. La région Auvergne-Rhône-Alpes est un bassin économique majeur avec de grandes entreprises. Nous sommes dans la proximité géographique et culturelle, mais nous apportons aussi à nos clients la puissance du groupe et l’accès à toutes ses entités au profit d’un projet. La dynamique du groupe est impulsée au niveau local », indique Christophe Fillâtre, président de Publicis LMA. Dans cette perspective, Monet + Associés (Paris, Lyon, Bordeaux et Nantes) croit au modèle d’agence nationale qui dispose de bureaux à Paris et dans les grandes villes de France pour être proche de ses clients, de ses salariés, des KOL et des consommateurs. « De plus en plus de marques nous demandent d’être très présentes dans les médias et auprès d’influenceurs régionaux, voire en ultra-local », déclare Julien Monet, son président.
Privilégier les acteurs locaux
De fait, la proximité géographique mais aussi relationnelle et culturelle reste un facteur déterminant pour les entreprises locales dans leur choix d’agence. Et plus encore sur les territoires aux identités fortes. « Notre démarche est de connaître parfaitement la vision de nos clients, d’être proches de chez eux et en phase avec leur culture, cela fait particulièrement écho à ceux de Vendée et Bretagne », expose Pierre-Gabriel Gautret, dirigeant de Vingt Mille Lieues (Nantes et Vendée). Une vision confirmée par Fabien Rochette, CEO des Causantes (Neuilly, Lille, Lyon, Toulouse et Marseille) : « Certains annonceurs privilégient des acteurs locaux qui connaissent leur territoire et leur métier avec des profils très pointus, comme le secteur du retail dans le Nord. » Cette proximité s’établit également du fait de la taille humaine des entreprises : « Nous avons un accès direct aux dirigeants avec qui nous partageons un état d’esprit. Nous sommes dans une posture de bras droit. Leur ADN entrepreneurial explique leur volonté de travailler au quotidien avec des agences qui se confrontent à leurs enjeux », soulignent Clémence Campech et Laurie Tessier, cofondatrices de Pertinens (Bordeaux).
Être en lien avec les décideurs
L’implantation sur un territoire s’avère également pertinente pour des problématiques spécifiques comme la stratégie d’influence. « Notre métier est de faire le plaidoyer de grands groupes nationaux et régionaux auprès des décideurs économiques et politiques. Il est donc très important de connaître de manière précise les mécanismes de prise de décision, les parties prenantes influentes et le décisionnaire. Cela demande un ancrage territorial fort pour être efficace », explique Érick Roux de Bézieux, directeur associé en charge des régions de Thomas Marko & Associés. Jean-Marc Atlan, fondateur d’Ekno (Lyon), en atteste : « Depuis 2015 et la carte des treize nouvelles régions, la vie politico-économique s’organise sur différents territoires et les collectivités sont plus puissantes. Les entreprises ont plus besoin d’être en lien avec les acteurs politiques et les décideurs locaux. Les affaires publiques sont une activité en développement, avec un renforcement depuis le covid. » En effet, la crise sanitaire a accéléré la migration de profils parisiens en région. « Nous sommes aujourd’hui dans des schémas où l’intégration de talents dans nos agences se combine avec leur(s) projet(s) de vie », indique Fabien Rochette. S’ajoute la crise écologique qui favorise le retour de grandes entreprises en région et accentue la volonté des annonceurs, dans une démarche RSE, de faire travailler des agences localement.