«La publicité est devenue un métier de jeunes. À 40-45 ans, un créatif ou un planneur est déjà considéré comme vieux. C'est une industrie où le nombre d’expériences construit le succès. Désormais, c’est la jeunesse qui compte. Notre activité gaspille la créativité au prétexte de l'âge», déplore l’ancien président d’Havas Worldwide, Ricardo Monteiro. Face à ce constat, il a souhaité ramener un peu d’humanité à un travail qui consomme et jette les talents. Son projet ? Construire une maison de la publicité en plein cœur de la capitale portugaise où se côtoieraient anciennes et nouvelles générations. « Juste avant de prendre ma retraite, il y a un peu plus de trois ans, j’ai dit aux journalistes que je voulais ouvrir une maison pour les publicitaires en fin de vie. En France, les systèmes de sécurité sociale et de retraite sont assez solides, dans les autres pays européens c’est plus compliqué. »
Témoin des difficultés financières et parfois de la solitude de ses confrères et consœurs retraités, Ricardo Monteiro souhaite rendre hommage à ces créatifs oubliés. En effet, la maison offrira un centre de soins pour 40 publicitaires à la retraite, équipé d'un centre médical et d'un centre de physiothérapie. À leurs côtés, de jeunes étudiants – une trentaine – pourront profiter de logements. Pour être éligibles, ils devront exprimer un intérêt pour la pub et vouloir travailler dans une agence. « Il y aura un comité pour les maisons de retraite et les résidences universitaires et nous déciderons par vote des futurs habitants. » Créer de la transmission pour ne pas perdre ces précieux savoirs, telle est la mission que s’est donnée Ricardo Monteiro.
Auberge de jeunesse de la pub
À la suite à de nombreuses discussions avec le maire de Lisbonne – que Ricardo Monteiro connait bien – et trois ans de négociation, un terrain a été cédé à l'association Casa do publicitário, dont il est le président pour les 75 prochaines années. 6000 mètres carrés en haut d’une colline qui surplombe le Tage et l’Atlantique. Pas mal pour finir ses vieux jours. « Nous sommes désormais dans l’étape de la levée de fonds, je vais prendre mon projet sous le bras et sonner aux portes d’Havas, de Mark Read, de Publicis pour leur demander d’investir et j’espère qu’ils soutiendront ce projet. » Qui sait, ils seront peut-être les futurs locataires... Ce sont 14 millions d’euros à trouver d’ici à trois ans. Une fois la maison construite – en plus d'investissements divers –, les habitants et les associations complèteront l'équilibre financier avec un loyer.
Un architecte renommé dans le milieu, Manuel Aires Mateus, développera le projet « pro bono ». Il aura pour mission de concevoir les studios pour les jeunes et les chambres pour les retraités. Il devra aussi reproduire le musée de la Publicité, qui existe déjà. « Je veux que ça soit comme une agora où tout ce petit monde pourrait se croiser, échanger. » Une sorte d’auberge de jeunesse créative nouvelle génération, ouverte aux publicitaires du monde entier. À long terme, Ricardo Monteiro aimerait voir d’autres maisons de la pub se construire.