Difficile d’être créatif en communication corporate. Cette idée reçue, Laetitia Collot, associée fondatrice de l'agence Épithète, la confirme. « Nos interlocuteurs ont parfois du mal à se voir différemment. Issus de grosses ou de petites entreprises, ils peinent à sortir de ce prisme-là », explique-t-elle. Résultat, les propositions les plus osées peuvent être délaissées au profit de partis pris plus habituels. « Les annonceurs ne se focalisent pas tant sur le risque que sur la légitimité ou la justesse de la campagne : est-ce qu’ils l’assument ? Est-ce qu’elle leur ressemble ? Ils ont tout de même intérêt à ce qu’elle soit vue », précise Jean-Charles Caboche, vice-président de BETC et président de BETC Corporate qui a, par exemple, orchestré une campagne pour Facebook, visant à améliorer l'image du réseau social en mettant l’accent sur son engagement à l’égard des start-up. Une approche qui évite, aussi, d’ouvrir la voie au woke washing.
Au-delà d’une tendance à un certain nombrilisme, d’autres éléments expliquent cette frilosité. « La culture du corporate est souvent une culture de l’information, qui se situe du point de vue de l’émetteur. C’est "moi qui parle de moi". Elle ne prend pas en compte les besoins des gens, leur ressenti », souligne Jean-Charles Caboche.
Banques d’images
À cela s’ajoutent, selon le dirigeant, deux autres facteurs. D’une part, une publicité corporate peut s’adresser à une variété de publics (interne, externe…) ayant des intérêts différents, ce qui empêche des choix radicaux. D’autre part, il arrive que les moyens ne soient pas au rendez-vous. Avec, par exemple, le recours à des banques de données pour les visuels ou la bande-son des campagnes.
Mais la situation évolue. « Il y a enfin une maturité sur le fait que la communication interne et externe soit commune. Même en communication financière, des choses plus créatives apparaissent », constate Laetitia Collot. « Il y a deux ans, les Cannes Lions ont créé la catégorie Sustainable Development Goals Lions avec l’ONU. C’est un signe très fort », précise Jean-Charles Caboche. Et des solutions existent. Du côté d’Épithète, « nous allons vers de l’identitaire en termes de photo, de typographie », relate sa dirigeante, qui conseille d’avoir son propre fonds d’images. « Cela permet d’être juste. C’est le choix des photos avant le poids des mots », explique-t-elle. « Nous relions les comportements responsables vis-à-vis de la société ou de la planète, sur lesquels les entreprises veulent aujourd’hui communiquer, avec le métier de l’entreprise. La première attente est qu’elle fasse bien son métier », détaille Jean-Charles Caboche. Seul ce croisement permet de ne pas tomber dans un message générique. Une attente qui pourrait devenir d’autant plus criante après la crise.