Mouvement
Gérald Sauvageon, ancien directeur broadcast de Google rejoint Smart, pour y développer l’offre vidéo et TV adressable. Stratégies revient avec lui sur son rôle dans cette entreprise française.

Vous arrivez chez Smart, en pleine transformation de l’écosystème TV, avec la loi sur la publicité segmentée. Quel sera votre rôle sur ce sujet ?

Gérald Sauvageon : La digitalisation de l'écosystème TV démarre tout juste. Avec la transformation des usages, c’est le marché mondial de la publicité TV (200 milliards de dollars), qui changera en profondeur. En France, les contraintes de la réglementation seront en partie levées d’ici la fin d'année et un certain nombre d’acteurs vont devoir s'équiper pour proposer du ciblage sur les spots TV. Les opérateurs en particulier vont devoir rendre les flux IPTV adressables tout en continuant à offrir une excellente expérience à leurs clients. Les régies, elles, devront s’adapter aux spécificités locales. Tout ça, c’est le contexte. Moi, je rejoins Smart, qui a la technologie pour répondre à tous ces besoins, avec l’accompagnement et les ressources locales nécessaires. Mon rôle sera d’évangéliser la proposition de Smart à l’échelle internationale, et de collaborer avec les équipes locales pour accélérer le développement commercial, que ce soit chez les broadcasters, les entreprises de telécommunication et OTT. Aux Etats-Unis, le marché OTT est déjà bien lancé par exemple, et Smart y a d'importants clients sur l’adserver et le SSP vidéo. Nous avons aussi des projets en cours en Asie et en Amérique Latine.

 

Que pensez-vous du projet de loi tel qu’il a été présenté récemment ? Est-il conforme à ce que vous attendiez sur le marché ?

G.S : Le projet de loi, tel qu’il a été présenté, ne présente pas de grosses surprises - si ce n’est le retard pris sur le calendrier législatif. Il correspond dans les grandes lignes à ce que nous avions imaginé. Le décret est désormais entre les mains du CSA et dans ces dernières annonces, Franck Riester semblait confiant sur un vote du projet de loi audiovisuel avant l'été. Tout le monde table désormais sur une « industrialisation » de la pub adressée en 2021. D’ici là, le cadre qui a été fixé nous permettra de démarrer les expérimentations réelles dès la rentrée 2020. Au-delà des limitations sur les messages publicitaires ciblés (interdiction du repiquage d’adresse en fin de spot publicitaire), les enjeux réels concernent le positionnement des différents acteurs et le partage de la valeur.

Car n’oublions pas que le volet TV segmentée, à la demande des patrons des groupes audiovisuels, est légitime pour leur permettre de combattre à armes égales avec les plateformes (ie Google Search, Youtube sur la vidéo). L’objectif est non seulement de permettre aux acteurs de la grande distribution de toucher leurs audiences locales, mais également de faire tomber les barrières à l’entrée pour offrir à des annonceurs à petit budget, l’accès au média TV. Le tout en maîtrisant parfaitement la répétition (le capping) et le séquençage des messages.

 

Vous avez investi dans Kontest devenu maintenant Fastory. Etes-vous toujours actionnaire de cette entité ?

G.S : Oui j’ai effectivement investi dans la société Kontest en 2014 avec le fonds d’investissement 3T Capital et Olivier Mathiot, Président de The Camp et co-fondateur de Priceminister. Kontest proposait une solution clé en main de création de jeux de marketing en ligne. Basés sur les jeux concours, qui ont été un excellent moyen de qualifier et collecter des données sur les réseaux sociaux, ils n’étaient pas vraiment adaptés au mobile car à l’époque, le desktop était majoritaire dans les usages. Aujourd’hui, 75% de l’audience des réseaux sociaux provient du mobile, les stories sont partout, avec plus d’un milliard de consultations chaque jour, et le marketing devient plus personnalisé, plus segmenté avec une nécessité forte de créer de l’engagement. Alors en 2019, Kontest est devenu Fastory. Après 2 ans de R&D, la société a repositionné son offre avec une toute nouvelle plateforme, qui répond beaucoup mieux aux enjeux du mobile. Fastory travaille aujourd’hui avec tous types d’annonceurs, que ce soit des secteurs Banque et Assurance, Entertainment, Sport ou E-Commerce, avec des clients tels que la Macif, Warner Bros ou encore Rakuten.

 

L’interactivité/le jeu est-il toujours envisagé, selon vous, dans l’avenir de la publicité TV ?

G.S : La publicité TV accélère sa mutation sous de fortes pressions : une très forte fragmentation de la consommation des contenus qui se fait sur plusieurs écrans et à différent moment de la journée (Mobile, Box, Boitiers OTT, TV connectée, Console de jeux…), un usage croissant des plateformes OTT et qui va s'amplifier dans les prochaines années (Disney, Salto…), mais également la montée en puissance de la VOD avec de la publicité (AVOD) sur les offres payantes. Il va donc falloir tout réinventer, tout en respectant l’expérience utilisateur. Cela passera notamment par une meilleure connaissance du public via le login et par une personnalisation de la pression publicitaire. Aux Etats-Unis par exemple, les plateformes veulent diviser par deux la durée des publicités sur leurs audiences clefs. Par ailleurs, des nouveaux formats émergeront. Je pense notamment au placement de produit déjà utilisé par Netflix, qui, grâce à la convergence de la TV, du digital et la data va devenir interactif et conversationnel. Le marketing direct TV va lui aussi devenir possible. Ce marketing personnalisé et segmenté sera moins perçu comme de la publicité par les utilisateurs.

 

Vous arrivez dans une entreprise qui a pour habitude de se battre contre l’entreprise de laquelle vous venez. Avez-vous l’impression de changer de camp ?

G.S : Après plus de 15 ans passés chez Doubleclick et Google, c’est surtout l'opportunité de retrouver l’excitation d’un projet neuf et ambitieux. Smart et Google sont en effet concurrents, mais avec des positionnements et une proposition de valeur différentes. Il y a une tendance de fond sur le marché avec de plus en plus en d’acteurs média qui souhaitent garder le contrôle de leur activité publicitaire et protéger leurs atouts : leurs données, mais aussi leurs contenus. Cela est d’autant plus vrai dans l'écosystème TV qui accélère sa digitalisation. Smart bien positionné pour accompagner cette transformation, et je suis d’autant plus ravi de pouvoir contribuer à la prochaine étape de croissance d’une entreprise française !

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