Un séminaire avec une majorité de chaises libres, un salon aux allées désertées, une convention sans public prêt à interagir avec les intervenants… C’est pour éviter ces situations que les professionnels de l’événement, face à la grève qui a débuté jeudi 5 décembre - indépendamment du fait qu’ils la soutiennent ou non, comme une grande partie de Français selon une série de sondages - s’interrogent sur la bonne manière de réagir.
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« Je pense que oui, il faut maintenir, car nous participons à la vie de la nation, explique Christophe Pinguet, cofondateur de l’agence événementielle Shortcut. La seule contrainte qui me pousserait à annuler un événement serait un fait de sécurité ».
Toutefois, « cela dépend de la typologie de l’événement, s’il peut être reporté ou pas », nuance Jean-Paul Brusq, directeur incentive de l’agence La Fonderie. A ses yeux, plusieurs critères sont à prendre en compte, à commencer par la typologie des invités. « Les personnes sont-elles obligées de venir (par exemple, les membres d’un conseil d’administration) ou est-ce laissé à la libre volonté des participants (par exemple, dans le cadre d’un événement de RP) ? Là, la question de l’annulation se pose de manière plus aigüe », illustre l’expert. D’autres critères entrent aussi en considération tels que la possibilité ou de reporter ou non, les frais engagés ou encore l’existence d’actions de communication alternatives. « On pourra par exemple décider d’orchestrer un lancement de produit plutôt en ligne », juge Jean-Paul Brusq.
« Communication et considération »
Dans les faits, la majorité des clients des agences que nous avons interrogées ont fait le choix de maintenir les événements qui étaient prévus le 5 décembre et les jours suivants. « Jusqu’à aujourd’hui, 90 à 95 % de nos événements ont été maintenus », lance Marc Fisher, président de l’agence FC2 Events. Soit une dizaine d’événements variés (séminaires, inventives, conventions…) devant réunir jusqu’à 500 personnes, à Paris et en province. « Tous nos événements ont été maintenus », indique lui aussi Christophe Pinguet de Shortcut. A savoir, cinq à dix manifestations de 200 à 400 personnes (convention, lancement de parfum, voyage de presse…), essentiellement parisiennes. « Nous avions des congrès médicaux de prévu qui ont été maintenus », confie à son tour Jean-Paul Brusq de La Fonderie.
Une décision de maintien qui ne va pas sans certaines précautions à prendre, notamment en matière d’information des participants. « Nous avions répertorié tous les numéros utiles des gares, taxis et aéroports qui ont été communiqués aux exposants et aux visiteurs », explique Anne-Marie Baezner, directrice générale des sites lyonnais du groupe GL events, à la manœuvre pour la tenue de Paysalia, salon du paysage, qui s’est tenu du 3 au 5 décembre à Lyon. Une action menée alors qu’une cellule avec toutes les parties prenantes du tourisme d’affaires a été mise en place pour savoir comment réagir à la situation. Mêmes dispositions prises chez Shorcut : de façon générale, « nous avons fait une communication plus importante que d’habitude sur comment venir à l’événement », relate Christophe Pinguet. « Pour les congrès médicaux, nous avons fait un énorme travail de repositionnement dans l’acheminement des participants », renchérit Jean-Paul Brusq. « Communication, transparence et considération », résume Anne-Marie Baezner.
« Marges de sécurité »
En parallèle de ce travail de communication, les organisateurs ont également porté leurs efforts sur l’optimisation de la qualité de service. « Nous avons mis en place un parking gratuit le jeudi pour inciter à venir, explique la directrice générale. Même si le phénomène de grève est beaucoup plus neutralisé dans les territoires qu’à Paris, cela rassure tout le monde ». Faciliter au maximum le transport, cela a aussi été l’optique de FC2 Events : « Nous avons affrété des bus pour une réunion d’assureurs à Nantes la semaine dernière », témoigne Marc Fischer.
Côté logistique, il faut aussi border les choses. « Nous avons pris des marges de sécurité, fait venir les personnes le mercredi au lieu du jeudi pour un événement organisé le vendredi et doublé les équipes pour certains événements », développe Christophe Pinguet. « Pour les prestataires, nous avions aménagé les horaires pour le montage et le démontage, avancé de 18 heures à 16 heures, pour favoriser les retours », expose Anne-Marie Baezner. « Pas de blocage de routes ni manque d’essence mais le équipes partaient trois heures plus tôt, complète Marc Fischer. Sachant qu’on part toujours tôt dans nos métiers… »
Au final, la participation à ces événements a plus ou moins pâti de la grève. La fréquentation du salon Paysalia n’aurait pas souffert. Tout le monde ne bénéficie pas des mêmes retours. « Nous avons perdu en moyenne 10 à 15 % de personnes sur nos événements », estime Marc Fischer. « Pour beaucoup de Français, il y a un engouement à aller travailler, y compris en télétravail. Les Français se sont arrangés », a observé, lui, Christophe Pinguet. Grève ou non, son agence donne également la possibilité de suivre les événements qu’elle organise en streaming. « Cela n’a pas été plus suivi durant la grève… »
Un enjeu d’image
Autres problématiques, autres réponses. Si certaines entreprises maintiennent leurs manifestations, d’autres font le choix inverse. C’est le cas pour une société dans les pneumatiques que devait accompagner l’agence Extreme Event pour un séminaire de 250 personnes prévu à Amsterdam. « Nous avons étudié la faisabilité budgétaire du report. La décision a été prise le 11 décembre. Le séminaire sera reporté fin janvier ou début février », rapporte Amélie Trierweiler, deputy general manager de l’agence. « Nous avons aussi compté avec quelques annulations surtout quand l’événement concernait un public étranger afin d’éviter de mettre les gens dans une situation compliquée au cas où ils ne pouvaient pas rentrer chez eux », raconte de son côté Marc Fischer.
Une question de « confort » pour les participants, donc. Mais aussi un enjeu de réputation. « La question s’est posée de savoir si en raison d’une grève française, il fallait annuler un événement où la moitié à deux tiers de participants venaient d’ailleurs, de Belgique et des Pays-Bas. Quelle image cela allait-il leur renvoyer ? », analyse Amélie Trierweiler. Même problématique pour cette association cliente de FC2 Events qui a annulé une soirée avec ses adhérents à la Défense. « Il s’agissait de montrer qu’ils tiennent compte des difficultés de chacun dans sa vie quotidienne », témoigne le dirigeant de l’agence.
Enfin, le troisième argument mis en avant se situe du côté de la « raison d’être » des événements. « Notre métier, c’est que les gens se rencontrent. En organisant une plénière, un team buiding avec des équipes inter-pays et une soirée dance floor, nous voulions du partage, de la convivialité, de l’esprit d’équipe au cœur de l’événement, dépeint Amélie Trierweiler. Nous aurions pu mettre en place un live pour les participants qui n’auraient pas pu se déplacer mais ce n’était pas l’idée ».
« Des interrogations pour janvier »
Quoiqu’il en soit, dans ce cas de figure, les entreprises concernées ont eu à compter avec des frais d’annulation, pouvant être élevés, en dernière minute. Contractuellement, en effet, la grève n'est souvent pas considérée comme l'un de ces imprévus permettant un remboursement total.
Et la suite ? Alors que la poursuite du mouvement se profile, elle ne semble pas s'annoncer, pour l’événementiel, sous les meilleurs auspices. Chez FC2 Events, « pas mal » d’annulations ont déjà été décidées pour la semaine du 16 décembre. A La Fonderie, « nous commençons à avoir des interrogations pour janvier », confie son directeur incentive. D’où la recherche de solutions d’adaptation. « Nous venons d’annuler un gros événement d’une marque auto prévu à Bordeaux. A la place, nous ferons un film avec les principaux messages. Des tournées régionales et une convention nationale sera organisée plutôt fin janvier », témoigne Marc Fischer.
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