Comment se porte le groupe ?
Notre groupe est en croissance constante depuis sa création il y a dix ans. La seule année difficile aura été 2015 avec l’effondrement de la bourse de Shanghai. FF Group en 2017, c’est 72 millions de dollars de chiffre d’affaires pour 7 millions d’Ebitda et nous tablons sur 75 millions de dollars pour 8 millions d’Ebitda en 2018. La répartition est équilibrée entre l’Europe, les États-Unis et la Chine. Mais le revenu issu du marché américain est déjà légèrement supérieur et devrait creuser l'écart en 2019.
Qu’en est-il des activités à l’international ?
Notre vision internationale s’est avérée payante. Après avoir réussi à Shanghai puis à New York, nous vivons un départ prometteur à Los Angeles avec des projets concernant cinq marques. Nous avons aujourd’hui une bonne gestion de notre masse salariale et de notre profitabilité. Notre modèle, ce sont des structures créatives, légères, rapides, agiles, profitables et surtout connectées.
Faut-il comprendre que le marché américain constitue la priorité du groupe ?
C’est notre priorité en ce moment. C’est un marché de 200 milliards de dollars contre 80 pour la Chine. Pour l'instant, FF US travaille surtout pour des marques américaines (HP, Google, Marriott, Spotify, Beats…), mais nous accordons une attention toute particulière aux marques françaises qui veulent travailler avec nous. La France reste notre pays d’origine et de cœur.
Comment s’est déroulée l’implantation en Chine ?
FF Shanghai a connu un succès fulgurant en cinq ans. Nous venons d’emménager dans des locaux de 1500 m2, dans le même district de Hongkou. Nous restons tous deux très proches de la Chine où nous nous rendons tous les deux mois. C’est le second marché mondial et notre place en Chine nous apporte une crédibilité auprès des marques américaines. Nous avons récemment ouvert notre espace à des start-up qui nous permettent d’offrir une proposition commerciale plus complète à nos annonceurs. Le business de FF Shanghai est à 90 % tech.
Quelle est finalement la stratégie adoptée par le groupe ? A-t-elle fait l’objet d’évolutions récentes ?
En réalité, nous n’en avons pas. C’est-à-dire que nous écoutons avec attention et nous adaptons très vite. Nous suivons nos intuitions et nos envies au gré des rencontres. Nous avons ouvert des bureaux en Chine parce que nous sommes tombés amoureux de ce pays. FF est un projet émotionnel et humain. Nous faisons toujours les bons choix avec le cœur et les mauvais avec la tête. La nouvelle signature de FF est d’ailleurs « Think with your heart » (Pensez avec votre cœur). Il y a toutefois une volonté : celle de rester performants malgré l’extraordinaire révolution de notre industrie et son passage en « mode projet ». Shanghai, New York et Los Angeles sont déjà positionnées sur ce modèle. À Paris, plus conservateur, la mutation est en cours.
Quelles sont concrètement les synergies entre les quatre offices ?
L’une de nos priorités est de développer systématiquement les synergies entre les quatre villes. La tentation naturelle de chacune d’elles est de penser qu’elle est le centre du monde… Nous luttons chaque jour avec l’aide de nos managers pour développer le sentiment d’appartenance à une seule entreprise. Chelsea Steiger par exemple, vient d’arriver en tant que directrice de création américaine. Elle est basée à FF Los Angeles, mais comme nos autres directeurs de création, elle travaille pour l’ensemble du groupe. Nous avons entre deux et quatre directeurs de création par ville. Ils ont accès à des briefs locaux mais aussi à certains briefs des autres villes du réseau. Nos quatre communautés créatives sont connectées et travaillent ensemble
On a le sentiment que le groupe a fait évoluer son modèle au fil du temps.
Le plus gros changement de ces dernières années est que nous sommes passés d’un projet d’agence parisienne autour de Fred & Farid à un projet de communauté créative internationale très inclusif pour nos clients. Le positionnement de FF évolue constamment. Notre pire ennemi c’est le confort. Il ne faut jamais s’installer dans une routine.
Qu’en est-il du fonctionnement ?
Tout comme notre positionnement, notre fonctionnement est en évolution constante. Fred et Farid à Paris… Puis Fred à Shanghai et Farid à Paris… Puis Fred sur Los Angeles et Shanghai, et Farid sur Paris et New York. Aujourd’hui nous sommes dans le même pays, aux États-Unis, et gérons ensemble les quatre villes. Nous voyageons ensemble et animons les business reviews chaque lundi.
Quelle stratégie adoptez-vous sur le volet social media ?
Nous avons un social studio dans chacune de nos agences. C’est utile car cela permet de produire rapidement des contenus bon marché pour nos annonceurs, sans compromettre la qualité créative. Evidemment, ce n’est pas une source de revenus solide car les budgets sont très limités mais les annonceurs aiment bien ça.
Où en est le portefeuille clients à l’heure actuelle ?
Nous travaillons pour une cinquantaine de marques dans le monde. Nous sommes notamment partenaires des Gafa et BAT [Baidu, Alibaba et Tencent] et l’essentiel de notre revenu provient du secteur de la tech. Nous avons la chance de travailler avec des géants chinois et américains (TMall, TaoBao, Google, Tencent, Vivo, Amazon, HP, NetEase, Alipay, Youku, Huawei, WeChat...) mais aussi des licornes (Airbnb, Spotify, Didi, Ele.me…).
La perte d’un budget comme la Société Générale a dû être difficile à gérer pour FF Paris ?
L’aventure Société Générale est un immense succès pour FF. Il est très rare qu’un annonceur reste sept ans dans la même agence, surtout avec un contrat de trois ans. C’est une performance dont nous sommes très fiers, encore plus dans le contexte de l’affaire Kerviel. Notre plateforme «L’esprit d'équipe» a fait un excellent travail sur la marque, mais aussi sur l’entreprise. Quant à l’aspect financier, le revenu de la Société Générale était de 1,8 million d’euros annuel pour FF, mais avec un contrat de départ totalement intégré (traditionnel, content, social media, websites, RP...), donc une rentabilité très faible voire négative certaines années. C'était le type de contrat que nous acceptions au lancement de l’agence mais qui n’est pas viable dans la durée.
Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le modèle FF s’essouffle ?
La réussite provoque toujours beaucoup de jalousie à Paris, notre marché d’origine. Nul n’est prophète en son pays. Heureusement, nous ne rencontrons pas la même hostilité à Shanghai, New York ou Los Angeles. À l’international, la réputation de FF est excellente, tant en termes de business que de création. Nous n’avons jamais gagné autant d’awards que ces dernières années et sommes l’un des seuls réseaux indépendants à voir ses quatre offices récompensés régulièrement. FF c’est presque 900 awards depuis ses débuts. Notre énergie est aujourd’hui multipliée par quatre.
On vous entend de moins en moins prendre la parole ensemble dans les médias.
C’est une vision parisienne. Le groupe FF est très présent dans les médias, mais depuis trois ans, nous avons fait le choix de changer le nom de l’agence en passant de Fred & Farid à FF pour laisser la place aux managers des quatre villes. C’est tout l’esprit de notre communauté créative et c’est essentiel pour la suite de notre projet. Nous sommes aujourd’hui CEO d’un réseau international indépendant. Notre parole est donc plus rare et plus orientée sur la vision. À Paris, notre leader créatif Olivier Lefebvre est présent dans les médias. Nous l’encourageons dans ce sens, comme nous encourageons tous nos managers à s’exprimer dans le respect de leurs domaines d’expertise.
L’ouverture de nouveaux bureaux est-elle à l’ordre du jour ?
Nous sommes toujours à l'écoute d’opportunités dans d’autres villes. Nous en avons étudié plusieurs (Pékin, Tokyo, Mumbai, Hong Kong, Séoul, Singapour, Moscou, Berlin, Londres, Lagos, Rabat, Abidjan, Johannesburg, Bogota, Mexico, Sao Paulo…). Mais le plus important ce ne sont pas les villes, ce sont les gens. Avec qui peut-on réellement construire ? Voilà la vraie question. Aujourd’hui avec Paris, Shanghai, New York et Los Angeles, nous sommes déjà un excellent partenaire pour les marques françaises voulant s’exporter.
Chiffres clés
72 En millions de dollars, le chiffre d’affaires du groupe en 2017 (pour un Ebitda de 7 millions).
75 En millions de dollars, le chiffre d’affaires prévisionnel du groupe pour l’exercice 2018 (pour un Ebitda de 8 millions).
200 Le nombre de salariés du groupe, qui s'appuie également sur les freelances (États-Unis) et les sous-traitants (Chine) pour une activité représentant actuellement près d'une centaine de collaborateurs supplémentaires.