Sept ans et déjà plusieurs vies. Depuis sa création en 2006, l'agence La Chose a traversé quelques zones de turbulences, vu le départ de la plupart de ses fondateurs (le dernier en date, Alain Roussel, vient de quitter l'aventure), perdu un client important (Ikea), raté une grosse compétition (BMW) et gagné des budgets structurants (Skoda, Grand Optical et Générale d'optique)...
Ainsi va la vie, pas toujours facile, d'une entreprise indépendante. Mais Pascal Grégoire et Eric Tong Cuong, ses deux emblématiques fondateurs, ont le moral. Et des ambitions importantes: doubler la taille de La Chose d'ici juin 2015. L'agence, bénéficiaire, emploie actuellement 50 personnes pour 6,3 millions de marge brute et 11 millions de chiffre d'affaires.
«Nous avions raison sur la vision - une agence de publicité holistique, capable d'implémenter le digital - mais il y a eu des couacs dans l'exécution de la stratégie, par exemple sur le CRM où nous ne sommes pas parvenus à faire ce que nous voulions», reconnaît Eric Tong Cuong. Il ajoute: «Nous sommes en train de construire des cas de communication, des “business cases”. La Chose commence à être identifiée sur certains gros clients, c'est important pour le développement ultérieur de l'agence, sur son créneau de "Building-Business Partner”.»
Pour Pascal Grégoire, «l'agence est aujourd'hui crédible, elle bénéficie d'une bonne image: c'est le moment de passer la deuxième». Pour ce faire, le duo s'est adjoint un copilote en la personne de Jean-Baptiste Lucas, nommé au poste nouvellement créé de directeur général. Ce quadragénaire est un pur produit de BETC où il a fait l'essentiel de sa carrière depuis 1997, travaillant notamment sur Ricard, la Française des jeux et Peugeot.
Jean-Baptiste Lucas éprouvait l'envie de «changer de style d'entreprise». «Le plus souvent, les agences conseillent leurs clients sans qu'elles se remettent elles-mêmes en cause. Elles fonctionnent la plupart du temps par cumul de compétences, ce qui nuit à l'agilité et à la rapidité nécessaires. L'intégration est devenue clé, or il faut pour cela limiter le nombre d'étapes et d'intervenants», note ce publicitaire habitué à manier et à agencer tous les moyens de communication, de l'édition au digital, de la publicité au CRM.
L'intégration, un vœu pieux? «Ça bouge chez les clients, soutient Jean-Baptiste Lucas, même si l'on rencontre des résistances: les tests, les moyennes de performance, etc., tout un système de réassurance à tous les étages. On manque encore de référentiels quant à l'efficacité de ces démarches et approches nouvelles. Mais l'obligation de résultat va dépasser la trouille...»
Le recrutement d'un directeur général ne signifie nullement que les deux fondateurs de La Chose prennent du recul. Ils demeurent opérationnels tout en se consacrant davantage au développement. Eric Tong Cuong va également se concentrer sur le prochain lancement d'un pôle luxe (l'agence, qui travaille depuis longtemps pour Maison Martin Margiela, lancera en septembre un nouveau parfum Fendi via une campagne print mondiale shootée par Jean-Baptiste Mondino).
Pascal Grégoire, lui, va développer la filiale production, baptisée Das Ding («The Thing était déposé», glisse le créatif dans un sourire). Cette société de production réalise tout le print et plusieurs films de La Chose; elle a aussi vocation à travailler dans l'univers des jeux, des applis, du clip, et même du cinéma (elle est associée au projet long-métrage de Laetitia Masson, dont la sortie est prévue pour septembre).
Encadré
Le tour de table d'une agence indépendante
Le départ d'Alain Roussel ne modifie pas le tour de table de La Chose, assure Eric Tong Cuong. Il reste actionnaire (14%) aux côtés d'Eric Tong Cuong et Pascal Grégoire (61% ensemble), Stéphane Richard, le président d'Orange (20% à titre personnel), Barka Zérouali, directrice de la communication (3%) et Sylvie Dao, directrice financière (2%). Jean-Baptiste Lucas, nouvellement directeur général, a vocation à devenir associé.