«Imaginer, c'est hausser le réel d'un son». Un mantra placardé sur un mur des bureaux de Sixième Son. Depuis une dizaine d'années, l'agence prend discrètement ses marques dans le secteur du design sonore, affichant une marge brute de 2,5 millions d'euros pour 2012. Un secteur qui se professionnalise, nombre de marques cherchant à se forger une identité musicale propre. Pour la première fois, Sixième Son a publié les résultats de ses comparatifs, qu'elle réalise en interne depuis 1996.
Premier secteur passé en revue par Sixième Son, la grande distribution, avec quatorze enseignes. Parmi les mieux notées: Intermarché, Système U et E. Leclerc. «L'enjeu essentiel dans ce secteur, c'est d'avoir une constance sonore. Système U ou Intermarché ont la même signature sonore depuis des années. A l'inverse, Carrefour a eu huit identités sonores en douze ans», constate Michaël Boumendil, président de l'agence.
Autre question pour ces marques de grande distribution, comment créer une cohérence entre l'identité sonore de leurs points de vente et celle de leurs spots TV et radio? Car si les premiers sont leurs relais de communication historiques, elles ne sont autorisées à faire de la publicité télévisée que depuis 2007.
Plagiat général
Bon point pour Intermarché, «elle a une musique de film dans son dernier spot publicitaire, mais avec sa signature sonore historique». Déception en revanche pour Monoprix, «à l'identité sonore faible, alors que l'on aurait pu s'attendre à plus, vu tout le travail fait sur son packaging», poursuit Michaël Boumendil.
Cet exercice comparatif de «stratégies sonores» a aussi été mené sur une vingtaine de groupes financiers (banques et assurances). Un secteur où la communication a évolué au rythme des changements de positionnement de marques, des fusions et des acquisitions.
«Il y a vingt ans, les spots TV des marques étaient rythmés par de la musique classique, comme pour Société générale. Depuis environ 2005, on a soit des identités sonores emphatiques, soit le “phénomène lessivier” pour certains, avec une identité sonore légère», regrette Michaël Boumendil. Telles la Maaf et la Matmut.
Si le secteur a fait des progrès dans l'utilisation de la musique, l'étude relève cependant peu d'adaptation aux univers des marques. Telle Caisse d'Epargne, qui «propose une “Banque nouvelle définition”, mais dont l'identité sonore trop nostalgique ne véhicule pas de valeurs d'innovation». En revanche, l'étude distingue Axa, Crédit mutuel et Banque populaire pour leur univers sonore cohérent, mais aussi des «pure players» tels que B for Bank, «qui a adopté des codes sonores forts».
Enfin, du côté des dix-huit marques de parfums et de cosmétiques décryptées, les codes sonores très identifiés à l'univers du luxe prédominent. Non sans risque, entre «les marques jouant la carte de l'intemporel via des arrangements orchestraux (Billie Holiday pour Chanel, Singing in the Rain pour Guerlain) et les marques qui s'adressent à une clientèle plus jeune et vont chercher des musiques avec beaucoup d'impact: Justin Timberlake chez Givenchy, Julian Casablancas chez Azzaro...», détaille l'étude.
Autre faiblesse, une «tendance au plagiat général et à la surexploitation de valeurs musicales très sûres». «On retrouve même des artistes sur des publicités concurrentes, tel Gainsbourg», remarque Michaël Boumendil.
Encadré
Méthodologie
Pour réaliser son étude, où elle a attribué des notes sur cinq, l'agence Sixième son a pris en compte cinq critères: l'identité forte de l'univers musical et sonore de la marque, la cohérence de son exploitation musicale entre ses différents supports (musiques dans les spots TV et radio, sur la chaîne You Tube, le site corporate, les points de vente), la cohérence de son exploitation sonore dans le temps, ainsi que le positionnement de la marque plus ou moins affirmé grâce à son univers musical.