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Le laboratoire d’innovation et de tendance de Benetton sera désormais dirigé par un nouveau trio dans lequel figure Alessandron Benetton lui-même. État des lieux de la Fabrica à l’aube d’une nouvelle ère.

Lorsque le soleil d'automne brille à Trévise, dans le nord de l'Italie, les façades ocre de la Villa vénitienne Pastega Manera, siège du laboratoire d'innovation et de tendance de Benetton, s'illuminent. C'était le cas le mercredi 7 novembre pour la présentation officielle de la nouvelle Fabrica (le nom de ce laboratoire signifie «atelier» en latin) ou plutôt de son nouveau triumvirat.

Alessandro Benetton, le nouveau patron de la marque aux couleurs unies (cf. «Benetton passe au rejeton» dans Stratégies n°1677 du 3/5/2012), devient président, tandis que deux Anglo-Saxons la rejoignent. C'est d'ailleurs la toute première fois qu'un directeur général de Fabrica n'est pas italien, puisque Dan Hill, designer polyvalent passé par la BBC et le bureau d'études Arup, est nommé à ce poste. Paul Thompson, directeur du Royal College of Art de Londres, présidera le nouveau conseil consultatif du laboratoire, dans un rôle de superconseiller artistique.

Avant d'assister à la conférence de presse, on admire les arbres et les colonnes qui se reflètent dans les deux miroirs d'eau qui jouxtent les entrées des anciennes bâtisses. Une architecture revisitée par l'architecte Tadao Ando et dont les finesses ne se limitent pas à l'extérieur, puisque l'alignement des colonnes se prolonge jusqu'à l'intérieur.

 

Un laboratoire transdisciplinaire

Pour rejoindre cet Eden créatif, créé en 1994 par le fondateur Luciano Benetton et le photographe Oliviero Toscani, mieux vaut être jeune et talentueux. Sélectionnés sur dossier, les artistes-candidats d'au plus 25 ans passent deux semaines de tests, avant que les heureux élus ne décrochent une résidence d'un an, durant laquelle tous les moyens financiers et technologiques de Fabrica sont mis à leur disposition.

Chacun des départements créatifs occupe une partie de la bâtisse autrefois réservée aux domestiques mais devenue, sous la houlette des Benetton, un édifice atypique qui mélange architecture classique et moderne. Le département design, supervisé par le consultant français Sam Baron, travaille à la fois sur des projets expérimentaux et des commandes. «Notre but n'est pas d'être au service de la marque de mode Benetton, mais il arrive que nous collaborions ponctuellement pour des séries spéciales», précise ce dernier. Cette année, lui et son équipe ont ainsi planché sur «Still Lights», une collection de sept pièces, des meubles ou des installations, inspirée des grands principes de la photographie.

La «transdisciplinarité» prônée par Fabrica amène à parcourir les lieux d'une discipline à l'autre. Le département interactif, entièrement masculin, est peuplé de «nerds», dont les looks évoquent les tenues des personnages de la série anglaise The IT Crowd. La démonstration de leurs réalisations est faite au moyen d'un Ipad doté d'applications développées par leurs soins.

L'espace de «design visuel» est sans doute celui qui se rapproche le plus d'une agence de communication classique. Il œuvre principalement pour des grandes causes ou des organisations non gouvernementales comme l'OMS, l'Unicef (Keep Kids Safe) ou encore des associations à but non lucratif comme Teachers without Borders, dont il vient de repenser le logo. Un escalier plus loin se trouve l'édition, qui fabrique le magazine saisonnier et thématique Colors. Le prochain numéro s'intitulera «Going to market» et racontera en photos d'incroyables histoires de consommation.

Si l'ambiance générale est plutôt studieuse, une énergie particulière se dégage d'une curieuse pièce située à l'extrémité de la bâtisse. On y découvre le Cubain Erik Ravelo, créateur de la campagne «Unhate» de Benetton (cf. Benetton tente d'embrasser... son passé dans Stratégies n°1656 du 24/11/2011), entouré de ses oeuvres. Si l'homme apparaît passionné, enthousiaste et dépourvu d'arrogance, son style pourrait être qualifié de «créativité guérilla». Il a ainsi suspendu un Christ à un poteau électrique de La Havane afin de conjurer les coupures de courant qui plongent la ville dans le noir.

Erik Ravelo s'est aussi rendu en Libye pour y apporter une colombe de la paix de quatre mètres de long, fabriquée avec des balles de guerre, dans le cadre de la campagne Unhate. Sa dernière œuvre s'appelle Lana Sutra et consiste en des installations de personnages en laine qui reproduisent des positions du Kama-sutra...

 

Une nouvelle équipe dirigeante

Après un intermède par la bibliothèque dont la particularité est d'être remplie d'étagères en colimaçon, il est temps de se diriger vers la salle de cinéma. Le spectacle n'est pas tant à l'écran que dans la salle, où l'athlétique Alessandro Benetton saute sur son siège, entouré de ses collaborateurs les plus proches. Quelques minutes plus tard, dans l'auditorium qui donne sur les miroirs d'eau, il présente la nouvelle équipe dirigeante de Fabrica... dont il fait partie. «Cette nouvelle organisation se superpose aux nouvelles technologies et interactions entre les gens», déclare-t-il. En Italie, une rumeur voulait que Fabrica ferme certains de ses départements créatifs. «Ces changements sont la démonstration du contraire», assure-t-il.

Le nouveau directeur général, Dan Hill, insiste sur la transdisciplinarité du laboratoire. «Elle se traduira par de la réalisation de films, des campagnes sur les réseaux sociaux ou des œuvres d'art», explique-t-il. Quant à Paul Thompson, il met l'accent sur le réseau international, dont Fabrica doit tirer profit: «cet établissement doit être une "unfinishing school" [en Angleterre, une "finishing school" est une école de bonnes manières pour jeunes filles], à l'image de la campagne Unhate».

Interrogé par Stratégies sur ses projets, Dan Hill n'écarte aucune piste. Fabrica restera-t-elle l'agence de Benetton? «Rien ne changera à ce sujet, indique-t-il. Mais nous pourrons aussi travailler pour des marques commerciales, fabriquer des produits et concevoir des services. Il ne s'agit pas d'atteindre un retour sur investissement au sens de la rentabilité financière, mais plutôt de produire une valeur de partage.»

S'il n'exclut pas de participer à des compétitions d'agences selon la disponibilité de ses effectifs, il ne considère pas Fabrica comme une agence de communication en tant que telle. «Nous ressemblons davantage à une start-up qui défie l'ordre établi, relève-t-il. Fabrica est assez unique en son genre.»

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