«Thierry et Faustin, ce sont des “makers”, des créateurs. Et en ça, ils ont exactement le profil des personnalités que nous cherchons à recruter», lance d'emblée Eric Quennoy, codirecteur exécutif en charge de la création de l'agence Wieden & Kennedy Amsterdam aux côtés de Mark Bernath. Dans la très réputée et ô combien design agence néerlandaise, se croisent des créatifs tout autant photographes, illustrateurs, musiciens que réalisateurs. Des talents aux origines également multiples: Américains, Anglais, Espagnols, Suédois ou encore Français. «Cette mixité créative est indispensable pour pouvoir répondre aux problématiques de nos clients mondiaux», ajoute Eric Quennoy. Au-delà des CV créatifs de Thierry Albert, 41 ans, et Faustin Claverie, 36 ans, le fait qu'ils soient également réalisateurs au sein du collectif Surrender Monkeys a donc été un atout pour les deux Français.
Leurs valises posées depuis 48 heures, ceux-ci sont déjà plongés dans une ambiance de travail certes détendue mais très soutenue. Et pour cause: ils reprennent à eux deux la direction de création du compte Heineken qui a permis à Wieden de glaner six Lions cannois en 2011 et 2012. «C'est une grande opportunité car un gros budget comme celui-là te permet de travailler avec les meilleurs talents sur le marché et le monde entier peut voir ta publicité», confie Thierry Albert.
A ce poste, ils succèdent à Eric Quennoy et Mark Bernath qui gardent, eux, les rênes de l'agence après avoir conçu, dans le passé, les très beaux films «Write the future» pour Nike ou «The entrance» pour Heineken. Si le nouveau quatuor semble déjà fonctionner, le passage de témoin ne sera pas aisé. «Heineken, c'est notre bébé», sourit Eric Quennoy. «Mark et Eric connaissent leur client sur le bout des doigts. Ils ont réussi à créer avec eux une relation qui s'apparente à un voyage créatif», confirme Thierry Albert. Le tout dernier film, «Crack the case» - hommage à l'univers de James Bond -, en est un nouvel exemple. «Une telle créativité est devenue rare avec la crise, la valse des directeurs marketing et la multiplication des prétests», estime Faustin Claverie.
Si la pression est forte, les deux créatifs français ont l'avantage d'être déjà rodés aux méthodes créatives anglo-saxonnes après un passage à Londres chez Mother puis VCCP. «Mother a été une école incroyable pour nous. Après être passé par là, tu es armé pour tout supporter et notamment des rythmes de travail épuisants», raconte Thierry Albert, d'abord en team avec Damien Bellon (BETC Paris) de 2008 à 2010, puis rejoint par Faustin Claverie en 2011. Chez Mother, ils ont notamment travaillé sur le budget Stella Artois.
Devenus bilingues, un avenir prometteur se dessine pour les deux créatifs français. «Londres nous a donné le goût de l'entreprenariat car, là-bas, de nouvelles agences se montent en permanence. A terme, je pense que la création va s'externaliser de plus en plus. Les agences vont continuer à être les gardiens de la stratégie d'une marque et, ensuite, elles iront chercher le meilleur en clip, en réalisation publicitaire, etc. Si on monte notre propre structure, ce sera dans ce sens-là mais sûrement en Asie, en Inde ou même en Australie», promettent-ils.
(encadré)
Au loin la France
Si Faustin Claverie suit encore de près l'actualité du marché publicitaire français, Thierry Albert avoue s'être déconnecté. «Vu de loin, le marché semble tellement verrouillé entre Publicis et Havas que cela décourage des Mother et autres Fallon d'ouvrir des antennes à Paris malgré des rumeurs persistantes. L'agence Buzzman est un des seuls noms français qui fait aujourd'hui envie à l'international», expliquent-ils. Ils regrettent d'ailleurs de croiser aussi peu de créatifs français dans les agences étrangères: «Ce n'est pas qu'un problème de langue, peut-être aussi un manque d'audace que l'on ne nous apprend pas. C'est dommage car notre savoir-faire est très respecté hors de l'Hexagone.»