Vous fêtez la première année d'existence de votre filiale française. Premier bilan?
Gurval Caer. Créée pour Danone, Blast Radius Paris, dirigée par Olivier Philippe, emploie aujourd'hui 25 à 30 personnes et compte parmi ses autres clients M6 Mobile et Boursin. Nous sommes en discussion avec Michelin, un client pour lequel nous travaillons sur 23 pays en Europe, afin de transférer à Paris les équipes (environ 20 personnes) qui lui sont dévolues et qui sont basées aujourd'hui dans notre bureau d'Amsterdam. Si ce rapatriement se fait, nous aurons ainsi la possibilité de nous repprocher de notre client et de travailler plus étroitement avec TBWA, l'agence de Michelin.
Présent au Canada, aux Etats-Unis et en Europe, à Londres, Amsterdam, Hambourg et donc Paris, quels sont vos autres projets d'expansion?
G.C. Nous n'avons pas encore d'agence en Asie. Or nous travaillons actuellement pour le marché chinois avec Nike Jordan pour les JO de Londres. Des membres de nos équipes collaborent sur ce dossier avec l'agence digitale Agenda, également filiale de WPP implantée à Shanghai. Cette agence qui compte 600 personnes a déjà travaillé avec nous pour des clients comme Nivea et Starbucks. Nous avons besoin d'une expertise locale afin, d'une part d'utiliser les plateformes technologiques chinoises différentes de celles de pays occidentaux (ils ont leur propres réseaux sociaux), d'autre part de nous adapter au consommateur chinois dont les ressorts sociaux sont différents. Pour les Chinois, Jordan est plus une icône occidentale qu'un joueur de basket.
N'envisagez-vous pas de vous doter d'une agence en propre sur place ?
G.C. Nous allons en effet créer une joint-venture avec Agenda, avec l'appui en back office de Wunderman. Blast Radius Agenda devrait ouvrir ses portes à Shanghai en septembre. Cinq à six personnes, des planneurs et des commerciaux, devraient participer à ce lancement. L'objectif de l'agence est d'accompagner sur le marché chinois nos clients américains et européens. Nous ne comptons pas prospecter sur place, sauf si des conflits de budgets apparaissent du côté d'Agenda.
Les annonceurs parlent tous de communication digitale, mais sont-ils vraiment armés pour prendre ce sujet à bras le corps ?
G.C. Quand les marques se posent la question de leur place sur le Web, elles s'aperçoivent très vite qu'elles doivent s'engager dans une mutation en profondeur de leur modèle marketing. Cela prend du temps. Starbucks a mis quatre ans à opérer cette mutation. Nike+, c'est huit ans d'investissement... Car contrairement à une campagne publicitaire traditionnelle, qui a un début, une fin et fonctionne avec une succession de campagnes, le digital nécessite une présence permanente sur le Web qui prend de plus en plus d'ampleur avec le temps et qui n'a pas toujours un impact média instantané. Et ce n'est sûrement pas une question d'outils. L'idée n'est pas d'avoir absolument sa page Facebook ou son appli, comme beaucoup de marques le demandent encore. Il s'agit avant tout d'entrer par une problèmatique de marque.
Cela veut-il dire qu'on peut se passer de Facebook ?
G.C. Les marques doivent accepter la réalité de Facebook, à savoir un réseau interpersonnel et un outil d'expression identitaire qui se forge par ce qu'on partage. Par exemple, une marque comme Apple est finalement quasi inexistante en tant que telle sur Facebook. Sa page officielle ne compte que quelque 6 millions de fans. Coca-Cola et Starbucks en ont respectivement 40 et 30 millions! Apple n'est pas une marque qui souhaite tisser des liens d'amitiés avec les gens. Elle se situe ailleurs, dans une dimension plus aspirationnelle. En cela, sa stratégie digitale est très intelligente car elle a fait le choix de ce que j'appelle les «PR 2.0» en privilégiant les relais que sont les influenceurs du Net.
Coca-Cola et Starbucks auraient-elles fait le mauvais choix ?
G.C. Non, car leur stratégie est différente. Starbucks est une marque par essence fondée sur la relation humaine. C'est tout de même avant tout un café, un lieu de rencontres. La marque utilise Facebook pour développer cette relation. C'est pareil pour Coca-Cola, une marque à la dimension sociale évidente: on consomme son soda souvent avec des amis. Dans cette optique, la valeur «média» de Facebook, ce n'est pas ses fans, mais les amis et les amis des amis de ses fans. Du coup, le fan doit être approché comme un média en tant que tel. L'objectif est d'activer le réseau du fan.
Et par quels ressorts l'active-t-on?
G.C. Une idée publicitaire ou de communication classique n'est pas forcèment la plus efficace en la matière. Le ressort émotionnel est moins pertinent sur le Web. Et je serais tenter de dire qu'il l'est également de moins en moins «off line». En tout cas, il n'est plus suffisant dans un contexte où la maturité des consommateurs est plus grande et où la concurrence est de plus en plus forte produisant une commmunication souvent indifférenciée. Aujourd'hui, une marque doit être un acteur social à part entière. Et le Web a accéléré le processus. L'exemple de Dove est emblématique de ces marques qui ont su se doter de valeurs claires et exprimer un point de vue. C'est là que se fait la différence.