Au terme d'une consultation, la banque en ligne Fortuneo (Crédit mutuel) a retenu l'agence JWT Paris. Un nouveau budget que cette dernière a logé dans sa nouvelle agence J. Créée en 2010 pour servir le budget nouvellement acquis de BMW, J, forte d'une trentaine de personnes, ne sera donc pas restée longtemps une agence monoclient. «Ce n'était d'ailleurs pas notre intention initiale, lance Frédéric Winckler, président de JWT Paris. J est une agence destinée à accueillir nos budgets locaux ayant une approche intégrée. C'est un laboratoire pour tester un nouveau mode d'organisation».
Rares sont en effet les agences conçues spécifiquement pour un client à conserver ce statut. Hormis les agences «in house» (intégrées chez l'annonceur), comme Innocean de Huyndai ou Cheil de Samsung, la plupart de celles lancées par les réseaux publicitaires ont soit réintégré leur agence-mère (Pentamark/BBDO pour Chevrolet, Chemistri/Leo Burnett pour Chrysler, etc.), soit élargi leur portefeuille de clients, comme Team Detroit fondée en 2006 par WPP pour Ford. Le groupe présidé par Martin Sorrell a d'ailleurs «industrialisé» le modèle: agence ad hoc créée en 2004 pour Samsung, Infatico lancée en 2008 pour Dell… toutes deux disparues depuis. «Les clients rêvent tous d'une agence pour eux seuls. Centraliser les tâches est un moyen de faire des économies, pour le client comme pour l'agence», note Bernard Petit, ex-président de VT Scan, qui dirigea de 1996 à 2000 une agence pour la division pet-food de Nestlé au sein de McCann.
Ces dernières années en France, le phénomène a fait des émules, essentiellement pour des raisons de conflit de budgets. En 2005, Havas crée Providence pour gérer son nouveau client, le Crédit agricole, BETC travaillant alors avec BNP Paribas. Deux ans plus tard, Publicis, qui vient de gagner Orange, dote sa filiale Dialog, agence de SFR, d'une entité autonome dévolue à ce dernier baptisée Red qui, depuis, collabore avec Ricola, Fnac ou Playstation. En 2009, Havas City (future Rosapark) est créée pour Monoprix, BETC gérant à l'époque Carrefour. Peu après, K4 est lancée pour le même Carrefour par Publicis Conseil, qui vient de remporter le budget alors qu'elle travaille depuis 2007 avec Intermarché.
Les dossiers complexes exigent aussi parfois des structures spécifiques. C'est le cas d'Havas Energy, lancée en 2009 pour gérer la refonte des sites du groupe EDF. «La complexité du projet, mené conjointement par EDF, Havas et une société d'ingénierie, nécessitait de centraliser les activités. Pendant deux ans, une centaine de personnes ont travaillé sur le dossier. Elles sont encore une dizaine aujourd'hui», déclare Jean-Marc Huleux, vice-président d'Euro RSCG C&O, chargé du budget EDF.
Logique de«hubs» mondiaux
Quoi qu'il en soit, seuls les grands comptes – au minimum deux millions d'euros de revenus à la clé – autorisent ce genre d'initiative. L'exemple français le plus emblématique reste Citroën. Depuis la fusion RSCG-Eurocom en 1991, la marque aux chevrons (client historique de RSCG) a toujours exigé qu'une agence lui soit affectée, même si Peugeot, géré par Eurocom, appartient au même groupe (PSA). «Citroën a toujours été un Etat dans l'Etat avec sa propre agence, de RSCG à H en passant par Scher Lafarge, GBHR et Leg», lance Jacques Séguéla, vice-président d'Havas, qui estime que ce type d'offre va se développer car «la publicité n'est pas un hypermarché, mais un centre commercial avec plusieurs boutiques. Et c'est ce qu'attendent les clients».
«Mais, attention à y raccrocher d'autres budgets pour éviter l'appauvrissement créatif de l'agence», prévient le patron de la création d'Havas. Nicolas Bordas, président de TBWA France, est plus catégorique encore: «Une agence ne peut pas vivre durablement avec un seul client. Soit elle développe son portefeuille, soit elle est très intégrée dans le groupe, ce qui lui permet de renouveler ses équipes.» Ce dernier modèle est celui adopté par TBWA pour G1, agence de Nissan cofondée en 2000 avec Hakuhodo et Media Arts Lab, réservée depuis 2006 à Apple et désormais présente aux Etats-Unis, Grande-Bretagne, Japon et Chine. «Cette logique de “hubs” mondiaux va se généraliser au sein des groupes du fait de la mondialisation des campagnes, de leur digitalisation et des enjeux globaux de la communication corporate» conclut Nicolas Bordas.