Les agences vous paraissent-elles armées pour affronter le contexte actuel?
Gilles Colomb. Aujourd'hui, beaucoup d'agences moyennes et indépendantes sont en position de vente. Elles ont subi une baisse à la fois de leur rémunération et de leur trésorerie. Les plus touchées sont les agences de marketing services, de publicité, à l'exception de quelques nouveaux entrants, comme Fred & Farid, Herezie ou Les Gros Mots, et de design, hormis celles spécialisées en architecture commerciale, comme Saguez & Partners, Malherbe Design ou Team créatif.
Quelle issue ont-elles pour survivre et à terme recréer de la valeur?
G.C. Un nouveau format d'agence est à inventer. Les agences sont certes moins payées, mais elles le sont surtout différemment, essentiellement à la tâche avec des systèmes de rémunération variable auxquels il va falloir s'adapter. La montée du digital et sa capacité à offrir une meilleure mesure des actions menées ont développé le paiement au résultat.
Cela veut-il dire que les agences digitales sont en meilleure posture?
G.C. Non, loin s'en faut, et c'est une aberration du marché. Ces agences, qui comptent pas moins de quarante métiers différents en leur sein et délivrent des prestations d'une grande complexité, n'ont pas trouvé le moyen de vendre leurs services à leur juste valeur. Elles sont aujourd'hui sous-rémunérées. Du coup, elles délocalisent le développement technique en Inde ou en Europe de l'Est. Elles doivent absolument reprendre la main sur leur marché et modifier leur modèle économique. Une nécessité qui vaut d'ailleurs pour l'ensemble des agences, au-delà du digital.
Mais quel est ce modèle d'agence à inventer?
G.C. Il s'agit de mettre en place des plates-formes ouvertes ne conservant en interne qu'un noyau dur d'experts en stratégie de marque, de contacts et de contenus. M&C Saatchi GAD, Les Ateliers Devarrieux ou Grenade & Sparks ont déjà emprunté cette voie. L'expertise médias redevient centrale dans ce modèle d'agence. On ne peut pas dissocier la stratégie des contenus de celle des contacts. De toute façon, les clients, plus que jamais en quête de résultats, vont pousser en ce sens.
Et tout le reste est à externaliser?
G.C. Oui. Que ce soit les savoir-faire technologiques et de développement, notamment pour le digital, la production, le développement commercial et la création. L'idée est de ramener la masse salariale des agences, représentant aujourd'hui environ 60% de leur charge totale, à 40% ou 50% maximum. Mais cela nécessite une très grande rigueur dans la gestion de ces prestataires. Ces derniers sont appelés à constituer, en tant qu'entrepreneurs individuels offrant un talent et un savoir-faire spécifique, un nouveau marché de deuxième ligne au service des agences.
Encadré
C Beautiful se lance dans les fusions-acquisitions
Fondée en 2007 par Gilles Colomb, aujourd'hui entouré de sept associés et collaborateurs, tels Stéphane Méjean, ancien directeur financier de LVMH, et Cécile Badouard, fondatrice de Marketing Channel, C Beautiful s'est spécialisée dans le conseil en stratégie de développement dans le secteur de la communication. Sa nouvelle offre en fusions-acquisitions vise à accompagner les agences en situation de vente ou d'acquisition («business plan», assistance à la négociation, accompagnement post-opération, etc.). Parmi les dernières opérations réalisées par C Beautiful: la fusion de Grenade et IRM, qui a donné naissance à Grenade & Sparks, le repositionnement de Profile PR et le lancement de Wissmee.
