Aegis Media France est à nouveau dans la tourmente. Depuis le départ d'Eryck Rebbouh et Bruno Kemoun fin 2003, la pépite française du groupe médias anglais n'a jamais retrouvé une réelle stabilité managériale et commerciale. Le 15 juin, le communiqué venu de Londres annonce un nouveau chapitre avec la nomination, à effet immédiat, d'un président pour la France en la personne de Simon Francis, PDG d'Aegis Media Europe, Moyen-Orient, Afrique (EMEA).
Officiellement, cette annonce suit la démission de Guillaume Multrier, directeur général depuis avril 2009, qui a décidé de se consacrer à des projets entrepreneuriaux. Ce dernier avait pris les devants quelques heures avant la publication du communiqué londonien en informant lefigaro.fr qu'il quittait ses fonctions, ne précisant pas, toutefois, comme il l'avait fait dans un mail interne un peu plus tôt, l'arrivée de Simon Francis, ex-Saatchi & Saatchi et OMD.
Sur le site du Figaro, Guillaume Multrier, qui a créé en 2007 le groupe Webedia (Purepeople, etc.) reconnaissait qu'«il devenait difficile d'être à la fois à la tête d'une agence médias et de plusieurs activités dans les médias». Ce risque de conflit d'intérêt est l'une des raisons invoquées en interne pour expliquer son départ. En réalité, depuis la nomination de Simon Francis à l'échelon européen en février dernier et, surtout, le réalignement de la France sur l'international autour de cinq «power brands», la reprise en main était scellée. Même si Aegis Media France n'a jamais communiqué sur ce réalignement, le groupe est désormais organisé autour de cinq marques: Carat et Vizeum pour le conseil médias, Posterscope pour les activités «out of home», Isobar pour le digital et AM Prospect pour le marketing à la performance.
Plusieurs éléments de friction
D'autres éléments expliquent la «démission» de Guillaume Multrier. La perte de grands comptes (Coca-Cola, les budgets Web et print du Crédit agricole...) et peu de «new business» en digital, ont fragilisé le groupe toujours profitable, mais en perte de vitesse. Blue AM, joint-venture sur le «brand content» lancé avec Europa Corp, la société de Luc Besson et Christophe Lambert, a dû être un autre élément de friction. D'abord parce qu'il élargissait le spectre du groupe sur la communication publicitaire à la seule initiative de la France et surtout parce que ce qui aurait pu être testé discrètement comme une innovation fut un échec retentissant, à la mesure du battage médiatique et du budget investi. Dans la même veine, le réseau social de l'UMP, Les Créateurs de possible, fut aussi un fiasco très médiatisé.
On peut encore citer la nouvelle organisation de l'activité digitale propre à la France, répartie entre Isobar et Aegis Media Kube. Cette dernière structure, spécialisée dans le «content», le digital et l'achat plurimédia, n'existe dans aucun autre pays. Elle a été confiée à Florence Trouche, par ailleurs CEO d'Isobar, entité démantelée et redevenue une simple Web Agency avec l'agence Internet Planète Interactive et l'agence marketing mobile Marvellous. Une situation inédite qui a entraîné le départ du directeur général d'Isobar, Mathieu Morgensztern, pour Digitas et avant lui, celui des deux directeurs généraux adjoints, Fréderick Bénichou et Jean-Sébastien Hongre.
Enfin, le management de Guillaume Multrier était controversé notamment depuis la mise à l’écart mi-2010 de Thomas Le Thierry, devenu président non exécutif de Carat et Vizeum, en charge de Vizeum monde. Interrogé par Stratégies, Simon Francisa indiqué qu'il «travaillerait pendant les prochains mois, aux côtés de Damien Harnist, Florence Trouche, Pierre Desangles et Thomas Le Thierry. Les trois premiers, respectivement «chief executive officer» de Posterscope, d'Isobar et directeur général de Carat, étaient déjà dans le comité de direction d'Aegis Media animé par Guillaume Multrier.
Simon Francis ajoutant «avoir engagé un consultant pour traiter le dossier du départ de Guillaume» et de sa succession.