En 2004, lorsque le créatif Lars Bastholm ouvre l'avant-poste de l'agence Akqa à New York, son vilain bureau dans le bas de Manhattan fait face à un mur. Sept ans plus tard, le nouveau maître des lieux, David Bentley, reçoit ses visiteurs français du centre de veille et d'analyse Atelier BNP Paribas au dixième étage d'un immeuble de la rue Varick, du très chic Soho.
L'agence digitale Akqa (All Known Questions Answered, «la réponse à toutes les questions connues») a réussi son atterrissage dans la cour des grands. Elle est devenue la référence digitale de Coca-Cola, fait la fête avec la vodka Smirnoff, entretient de bons contacts avec Gap, court aux côtés de Nike et dépense une bonne partie du budget publicitaire de Visa. L'émetteur de cartes de crédit investit en effet 20 millions de dollars par an via Akqa. David Bentley, un grand Anglais transfuge de Viant, aime à souligner l'approche globale de sa compagnie «parce que les clients le sont».
L'indépendant attire bien des convoitises
L'agence Akqa est née de la fusion en 2001 d'Akqa, un spécialiste londonien du Web, de Magnet Interactive, une boutique Internet de Washington, et de Citron Haligman Bedeccare, une agence de publicité de San Francisco. Très vite, les trois partenaires étendent leur horizon à New York, Amsterdam, Berlin, Shanghai. Histoire de mieux coller à leurs clients internationaux: Fiat, Volkswagen, HSBC, Charles Schwab, etc. Et ils affichent avec fierté leur indépendance. Même si Akqa est très courtisée par les grands réseaux publicitaires désireux d'intégrer son savoir-faire digital. «Nous sommes sur la liste de souhaits de nombreuses agences, assure David Bentley. Martin Sorrell, le patron de WPP, a essayé de nous acheter six fois en dix ans.» Le japonais Dentsu a offert 600 millions de dollars l'an dernier. Et le très «aimable Maurice Lévy» de Publicis «nous veut parce qu'il a décidé de posséder tout ce qui est digital».
Mais, pour l'instant, la direction d'Akqa préfère s'en tenir au statu quo, dans l'ombre de son partenaire financier General Atlantic. Le fonds d'investissement de Greenwich, tout près de New York, a acheté la majorité du capital de la société pour environ 250 millions de dollars en 2006. Avec cet argent frais, la direction de l'agence a pu faire quelques emplettes tel Search Rev, un spécialiste en marketing des moteurs de recherche, et elle a construit sa division achats et médiaplanning. Elle a aussi beaucoup grossi. Mais David Bentley n'aime guère parler chiffres.
L'agence emploie 1 000 salariés, un effectif sans cesse croissant. Et se veut toujours à la pointe de la créativité. David Bentley cite ainsi le travail effectué pour Visa. Son concurrent American Express gagnait du terrain auprès des petites et moyennes entreprises grâce à sa présence sur les sites Inc.com et Entrepreneur.com. Les stratèges d'Akqa ont décidé de répliquer en créant le propre site de Visa, entièrement dévolu aux petits patrons. Objectif: leur donner la parole, les laisser raconter à leurs pairs leurs difficultés, faciliter les échanges, donner des conseils... 250 000 patrons de PME sont dorénavant membres du réseau.
La Toile lui va si bien
De même, Smirnoff a développé son offre sur la Toile aux côtés d'Akqa, en demandant aux amateurs de quatorze pays différents de montrer au monde entier leurs folles nuits de plaisir. Le 27 novembre 2010, les internautes ont échangé sur Facebook leurs meilleures photos nocturnes. Le fabricant de Vodka y a gagné 2 millions de nouveaux amis. Et la fréquentation de son site a bondi de 300% par rapport à l'année précédente.
Gap, enfin, a tenté de renouer le dialogue avec ses clients sur Internet, avec la campagne «Born to fit». Les publicitaires d'Akqa ont demandé aux consommateurs de prendre des photos de leurs jeans, de composer des tenues de pied en cap, en mélangeant Gap et d'autres marques. Les Américains se sont pris au jeu sur Twitter, You Tube et Facebook. Gap a vu sa présence croître de 180% sur Facebook, 37 millions d'internautes ont joué avec «Born to fit». Mais les ventes en magasins se sont révélées plus décevantes. La meilleure des campagnes ne peut se substituer au produit...