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Le Moyen-Orient ne dispose pas encore d'un marché publicitaire mature. En pleine agitation politique, les velléités des créatifs de la région sont pourtant de plus en plus fortes.

Début janvier, l'Égypte est encore calme. Vodafone diffuse une campagne qui, quinze jours plus tard, paraîtra bien prémonitoire. L'opérateur télécoms entend en effet redonner le pouvoir aux (consommateurs) égyptiens. «Le vieil acteur Adel Emam, qui apparaît dans le spot, n'avait jamais fait de publicité auparavant. Une preuve supplémentaire que le message “militant” de Vodafone reflétait une forte attente de la population…», raconte Rich Wakefield, directeur de la création de JWT Le Caire et seul représentant de la délégation égyptienne au Festival Mena Cristal, qui a eu lieu du 31 janvier au 4 février dans la station de ski libanaise Faraya Mzaar Kfardebian.

Secoués par la «révolution du jasmin», les créatifs tunisiens ont, malgré tout, répondu présent. Ils envisagent d'ailleurs avec beaucoup d'espoir l'impact de la «révolution» sur la future création publicitaire de leur pays. «Le mouvement de libération tunisien a émergé et s'est développé grâce aux réseaux sociaux. Désormais, plus aucun annonceur local ne pourra dire qu'il ne croit pas à la puissance du Web», explique Ahmed El Zoghlami, directeur de création de JWT Tunis depuis trois semaines. Ce dernier, qui évoluait jusque-là dans les agences françaises, parie sur les marchés émergents d'Afrique du Nord. «Les budgets sont plus limités qu'en Europe, mais tout est à construire. À présent, de nouvelles marques vont certainement entrer en Tunisie, comme Nike, Auchan ou même McDonald's», lance-t-il. Depuis quelques jours, plusieurs agences de communication tunisiennes ont montré l'exemple en créant «Ena Tounes» («Je suis la Tunisie»), calquée sur le modèle d'«I love New York», pour accompagner le soulèvement populaire et lui donner une identité positive.

Le Mena (Middle East North Africa), ce marché publicitaire allant du Maroc aux Emirats arabes unis, recouvre évidemment des situations diversifiées. En raison des barrières de langue ou de religion, rares sont les annonceurs arrivant à couvrir l'ensemble du marché. «Le positionnement d'une marque peut varier fortement d'un pays à l'autre, ce qui complexifie le travail des agences», souligne Bechara Mouzannar, directeur de la création au sein du réseau Leo Burnett Mena. Une marque comme Nivea a toutefois réussi à toucher neuf marchés locaux avec sa récente campagne «Angel Star».

La politique des grands réseaux

Historiquement, le Liban reste le berceau de la création publicitaire de la région, mais il est à présent talonné par l'Égypte et Dubai. L'an dernier, les spots TV et cinéma pour la chaîne télévisée Melody réalisés par Leo Burnett Le Caire ont été récompensés par deux Lions à Cannes. Une saga à l'humour typiquement égyptien qui se poursuit depuis. «La télévision reste le média de masse dans l'ensemble de la région, notamment en raison du faible taux d'alphabétisation de certains pays», explique Nicolas Geahchan, directeur de création chez JWT Beyrouth. «Aujourd'hui, Le Caire est devenu le Hollywood du Moyen-Orient», ajoute Rich Wakefield. Une petite agence indépendante, Elephant, et son directeur créatif, Ali Ali, ont fait également parler d'eux, à travers notamment la campagne «Like a Gum» (Lion de bronze à Cannes en 2010) pour la société Sima Food. Un exploit dans une zone où pèse plus que jamais la politique des grands réseaux (voir tableau).

Si Dubai est en plein boom publicitaire, la suspicion est cependant de mise concernant les créations émanant de cette ville des Émirats. La course aux prix internationaux a fait de cette cité la bête noire de certains publicitaires moyen-orientaux. «Aujourd'hui, la chasse aux fausses publicités est lancée et nous voulons développer une création réellement locale», estime Bechara Mouzannar, de Leo Burnett Mena. Et il y a de quoi faire. Un épisode récent est encore dans toutes les mémoires, celui du directeur de création Fadi Yaish, alors en poste chez FP7 Doha (McCann). Couronné avec son agence aux Lynx de Dubai en 2009, celui-ci avait dû reconnaître ensuite que les publicités primées étaient fausses, disqualifiant de fait son agence.

La saveur locale

Récemment encore, la campagne «Infinity» de l'opérateur télécoms Batelco a suscité le débat. Sorti en octobre 2010, le film – dont le coût atteint plusieurs millions de dollars – est la plus grosse production publicitaire du Moyen-Orient à ce jour. Une campagne réalisée par l'agence FP7 Bahreïn et dirigée par le même sulfureux directeur de création Fadi Yaish… «Au-delà de ce genre de polémique, ces grosses productions illustrent un autredanger pour la région: aller vers une production totalement dénuée de saveur locale, qui pourrait au final être réalisée n'importe où», détaille Guillaume Chifflot, vice-président et directeur de la création de Leo Burnett France, membre du jury du Mena Cristal.

Face au challenger dubaiote, le Liban défend âprement ses positions. Ainsi, en 2010, la campagne radio «The Hijack» réalisée par l'agence Leo Burnett Beirut pour l'opérateur télécoms Orascom a créé l'événement. Son principe: «pirater» six radios libanaises et interrompre leurs programmes afin de diffuser un message publicitaire faisant la promotion d'un nouveau service téléphonique. Buzz garanti. «Cette opération montre comment on peut renouveler la création sur un média ancien», raconte Bechara Mouzannar, de Leo Burnett Mena.

Globalement, le Moyen-Orient reste toutefois un petit marché. «Nous n’avons pas encore d'annonceurs matures prêts à investir des sommes conséquentes dans la publicité. Ils ne pensent pour l'instant qu'en termes d'image», constate Fouad Abdel Malak, directeur de la création d'Impact BBDO Dubai. Mais les publicitaires le promettent: les lendemains vont bientôt chanter pour la création moyen-orientale.

 

 

classement

Les dix agences les plus primées au Moyen-Orient (Cannes Lions, Lynx Dubai et Mena Cristal)

1 JWT Dubai (48 points)
2 Leo Burnett Beyrouth (38 points)
3 SMG Dubai (33 points)
4 JWT Beyrouth (27 points)
5 MEMAC Ogilvy & Mather Dubai (25 points)
6. Leo Burnett Le Caire (24 points)
7. TBWA-RAAD Dubai (23 points)
8. SMG Dubai (21 points)
9. Wunderman Dubai (20 points)
10. Elephant Le Caire (18 points)
(Source: Communicate Levant-Advertising Age)

 

 

Palmarès du Mena Cristal

En 2011, le Mena Cristal a rassemblé quelque 600 participants et 1 200 entrées en compétition, en hausse de 30% par rapport à 2010. Le jury présidé par Akira Kagami, président et directeur de la création de Dentsu, a consacré la campagne «Accessories Required» pour Harvey Nichols Dubai (agence Y&R Dubai), décorée du Grand Cristal et du Cristal Presse. La campagne «Hajj Nadi» pour Domino's Pizza (TBWA-RAAD Dubai) remporte le Cristal Film et la campagne «Alfa The Hijack» (Leo Burnett Beirut) le Cristal Radio. En Cyber, un Grand Cristal revient à l'ensemble des campagnes de Batelco réalisées par FP7 Bahreïn. Enfin, la campagne «All Terrain» pour la marque Kettaneh, de l'agence Impact BBDO Beyrouth, gagne le Cristal Outdoor.

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