Leur transfert, leur union et/ou leurs campagnes font les belles heures de cette rentrée publicitaire française. Pour certains, il s'agit de découvrir de nouveaux visages, pour d'autres de revenir au pays ou de susciter du «buzz» international. Preuve que la création française se renouvelle, se revigore et que certaines agences, comme BETC ou H, n'hésitent pas à s'offrir des talents seniors à l'année. Une bonne nouvelle pour les enseignes hexagonales que beaucoup décrivent, depuis la crise économique, uniquement composées de directeurs de création seuls aux manettes et de teams créatifs juniors aux turbines. Entre les deux, de moins en moins de talents seniors, les premières victimes du «dégraissage» économique en cours depuis quatre à cinq ans. Cette rentrée «haut de gamme» prouve aussi que la création reste un enjeu fort. C'est le cas d'Euro RSCG 360, une agence jusque-là peu réputée pour son excellence dans ce domaine. Enfin, le succès de l'automne revient aux benjamins de chez Buzzman, qui ont à leur actif le dernier gros «tube» digital français, Tipp-Ex. Portraits.
Le duo senior
Damien Bellon et Fabien Teischner - BETC
L'un est directeur artistique, l'autre réalisateur. Signe particulier: un couple qui sent bon le neuf. Et pour cause, les deux créatifs n'étaient a priori pas faits pour se rencontrer. En 2005, Damien Bellon quitte la France pour tenter l'aventure anglaise avec son partenaire, le concepteur-rédacteur Thierry Albert. En passant chez DDB London et Mother, le team français se fait un nom au pays de l'excellence publicitaire (campagnes Harvey Nichols, Financial Times, Coca-Cola, etc.). Mais la famille Bellon n'a pas fait le saut outre-Manche. Et les allers-retours en Eurostar, ça use… Retour au pays, donc, à quarante et un ans, avec la ferme intention d'y revenir en Rolls-Royce, autrement dit d'entrer chez BETC Euro RSCG. L'idée séduit Stéphane Xiberras, coprésident de l'agence, en charge de la création. Mais celui-ci imagine plutôt un duo. Or, à trente-six ans, le créatif et réalisateur Fabien Teischner a également envie de tenter sa chance hors de DDB Paris (films INPES, Volkswagen, etc.). Le nouveau team prend ses marques autour d'une idée commune: «Nous ne voulons pas faire de la publicité classique. Nous voulons la croiser avec les univers artistiques, comme la musique ou la photographie.» En somme, une création publicitaire à l'anglo-saxonne, à l'instar de Fallon, Mother ou Wieden & Kennedy, que BETC possède, pensent-ils, dans son ADN. Ils ont bien l'intention d'être utilisés par leur nouvelle agence pour faire des choses hors format.
Les «buzzeurs»
Tristan Daltroff et Louis Audard - Buzzman
Comment enchaîner après le «tube» international qu'a été l'opération Tipp-Ex? Sur You Tube, leur chasseur et leur ours ont enregistré pas moins de 25 millions de visiteurs uniques. Et après plus de quarante jours de campagne, Tipp-Ex continue de figurer parmi les «charts» (tops) publicitaires d'Internet, comme le film «Old Spice» ou celui des bébés rollers d'Evian. Âgés respectivement de vingt-neuf et vingt-six ans, le concepteur-rédacteur Tristan Daltroff et le directeur artistique Louis Audard ont encore des paillettes dans les yeux en racontant leur expérience du succès. «On n'arrivait pas à comprendre ce qui se passait dans les premières heures. C'était complètement dingue de vivre un tel buzz de l'intérieur», confient les deux créatifs… pas du tout spécialisés dans le digital. «Pour cette campagne, nous avons regardé ce qui plaisait le plus aux internautes, les vidéos qui cartonnaient. Nous avons mixé tous ces ingrédients et réussi à les surprendre», confie Tristan Daltroff. Passés auparavant par l'agence Muchi-Muchi de 2008 à 2010, ce team a intégré l'agence Buzzman avant l'été dans le plus grand secret. Ils ont ensuite démarré fort. Trop fort? «On leur a dit qu'ils ne pouvaient que faire mieux maintenant. Et ça, pour l'agence, c'est plutôt une bonne nouvelle!», lance Georges Mohammed-Chérif, directeur de la création de Buzzman. Depuis les campagnes Hotmail et Windows 7 sont venues les distraire de Tipp-Ex.
Les Italiens
Marco Venturelli et Luca Cinquepalmi - H
«Ils sont où, les Italiens?», s'interroge tout haut Gilbert Scher, coprésident et directeur de la création de H, à la recherche de son team créatif dans les couloirs de l'agence. Depuis leur transfert d'Euro RSCG Milan cet été, tout est fait pour que ces stars internationales se sentent à l'aise chez H. Le concepteur-rédacteur Marco Venturelli (trente-trois ans) et le directeur artistique Luca Cinquepalmi (quarante ans) sont passés par les plus grandes agences italiennes des groupes Publicis, JWT et BBDO. «Nous voulions tenter l'aventure en France. C'est une chance pour nous de nous confronter à une créativité différente et réputée», explique Marco Venturelli. «Même si les choses évoluent, les créatifs italiens ne bougent pas encore beaucoup. Le seul biais pour “s'exporter” est de travailler pour des marques internationales», ajoute Luca Cinquepalmi. Depuis leur arrivée chez H, «il fait froid» sont quasiment les seuls mots de français qu'ils maîtrisent, mais peu importe. C'est leur talent qui intéresse Gilbert Scher: «Je les voulais à domicile pour animer le budget Citroën international.» En effet, les deux créatifs italiens sont déjà de grands spécialistes de la marque-phare de l'agence H. Grâce à leur film «Shopping» («Le Parking», dans sa version française) pour la Citroën C3 en 2009, ils ont raflé des prix internationaux pour Euro RSCG Milan. Leur film «Le Cien», pour la Citröen C3 Picasso, a également été diffusé en France en mai. «Mais ils ne vont pas travailler que pour Citroën, confie Gilbert Scher. Ils viennent aussi en renfort sur les prospections de l'agence.»
Importateurs de création
Virginie Lepère et Hugues Pinguet - Euro RSCG 360
Voici un team qui va devoir relever un sacré défi: mettre la création au cœur de l'agence Euro RSCG 360. C'est le projet de Pascal Allard, nommé au début du mois de juillet PDG de l'agence, qui n'est pas réputée pour son excellence créative. «Cela correspond à un mouvement global dans la publicité. Certaines agences partent de la création pour additionner ensuite les métiers du digital ou du CRM. D'autres, comme nous, font le chemin inverse», analyse Virginie Lepère. Cette conceptrice-rédactrice et planneuse a passé l'essentiel de sa carrière en Belgique, notamment chez Duval Guillaume. Elle assure en avoir retiré «une très grande souplesse créative» et «une culture de la publicité intégrée depuis quinze ans déjà». Son nouvel acolyte, lui, est bien connu du marché français. À trente-neuf ans, Hugues Pinguet, est un directeur artistique bardé de prix, en poste chez BETC jusqu'en mars 2010. «Chez Euro RSCG 360, on a toutes les expertises sous la main comme le digital, l'édition, les marketing services, le design. On va essayer de trouver la meilleure manière de les imbriquer avec la création», explique-t-il. Cinq ans que ces deux directeurs de création se croisent et s'apprécient, avec l'impression de regarder dans la même direction. Les mêmes opérations, comme «Le meilleur job du monde», les inspirent. L'heure est venue des travaux pratiques.