Christian Blachas m’a recrutée à Stratégies en me posant quatre questions et je crois n’avoir su répondre à aucune, ce qui m’a permis par la suite de rassurer tous les futurs postulants à la rédaction du magazine. Mais il faut croire qu’il avait su trouver du potentiel en moi, puisqu’il m’a tout de même embauchée, après un déjeuner bien arrosé auquel s’était joint Marc Blonde, le rédacteur en chef de l’époque. Cela a donné lieu à une très longue collaboration qui a débuté de manière assez folklorique. Christian avait juste oublié de me prévenir – les contingences matérielles ne l’intéressaient pas du tout – que Stratégies quittait le 1er arrondissement de Paris pour le square de Vergennes dans le 15e et surtout, que le standard téléphonique et les meubles avaient déjà déménagé. Résultat : nous nous sommes retrouvées avec France Cavalié (qui était alors responsable de la newsletter et que je devais remplacer) à faire l’édition du lendemain au milieu d’un brouhaha de téléphones sonnant aux quatre coins de la pièce et à organiser les infos sur une chaise. Cela l’a bien fait rire, persuadé que quelles que soient les conditions, on y arriverait, car il avait tendance à faire confiance. Et quand vous lui aviez prouvé que vous méritiez sa confiance, il n’y avait pas un papier de cigarette qui pouvait se glisser entre lui et vous. Les territoires de chacun définis, il avait l’intelligence de les respecter et renvoyait systématiquement à la personne appropriée pour prendre la meilleure décision et l’appuyer ensuite, en interne comme à l’extérieur, car il défendait systématiquement ses équipes.
Décrocher la lune
Dire que Christian était créatif est une lapalissade. Il fourmillait d’idées, c’était par moment épuisant mais tellement stimulant ! Il savait remonter à bloc les équipes pour qu’elles soient prêtes à aller décrocher la lune, ce qui a permis à Stratégies de monter un nombre de coups a priori improbables et de publier nombre de scoops. Tout lui était prétexte à rebondir. Jamais il ne revenait d’un déjeuner, d’un match de foot avec l’équipe de la pub ou d’une quelconque réunion sans en avoir retiré une information à creuser ou une idée de dossier. Il avait aussi le chic de faire accoucher les autres de leurs idées et, comme sa porte était toujours ouverte, tout le monde pouvait lui faire part d’une suggestion. Combien de fois suis-je entrée dans son bureau en lui disant : « Je sens qu’il y a quelque chose là, mais je n’arrive pas à l’exprimer » ! Deux minutes à discuter avec lui et c’était lumineux. Y’avait plus qu’à ! Car la décision prise, on ne traînait pas. Comme n’a pas traîné la décision de faire passer Stratégies du quinzomadaire à l’hebdomadaire, le jour où Campaign a eu des velléités de lancer une version française. La résolution a été bouclée en même pas trois jours, le temps de deux réunions, l’une avec le cofondateur de Stratégies, Alain Lefebvre pour le côté stratégique et financier, et l’autre avec les rédacteurs en chef et la responsable de la newsletter pour bâtir le numéro idéal.
Christian aimait l’agilité, la créativité et donc la bonne pub, celle qui crée de la surprise, de l’attention, de l’envie, de l’engagement… Il nous a laissé un bel héritage !