Mon meilleur souvenir de Stratégies ? Le jour où j’en suis parti ! Je sais, dit comme cela, c’est très désagréable et un tantinet provocant, mais c’est l’un des jours dont je me souviens le plus. C’était en mars 2010, après 14 ans, plus de 600 numéros au compteur - tous bouclés avec passion, et l’envie irrésistible de passer à autre chose, de tourner la page, selon l’expression consacrée. Dans le genre «Ouffff, ça c’est fait !».
J’ai choisi ce souvenir parce qu’il faut souvent attendre la fin d’un cycle pour réaliser combien il a compté. Avec ses échecs (quelques-uns…), ses succès (plein aussi), ses rencontres (beaucoup), des amis pour la vie (je ne les cite pas pour ne pas faire de jaloux), des faux amis, des coquilles oubliées dans des textes, des brainstormings de titres et des unes (merci Julien) par centaines, et bien sûr des articles, des reportages, des interviews...
Parmi mes souvenirs marquants, je me souviens, pêle-mêle, d’un voyage à Hong-Kong à suivre Séguéla («Papy court toujours») qui faisait la tournée des agences Havas en Asie, d’un retour de New York en Concorde avec Jean-Marie Dru (TBWA) pour le lancement d’un livre sur la disruption (je sais, jusque-là, ça ressemble à un fil Instagram d'influenceur), des mardis matin réservés à l’écriture de l’édito, des bouclages du mardi soir, plus de 600 donc, souvent très tard, des unes refaites à l'arrache pour coller au plus près de l’actualité, et bien sûr de la «niouse», devenue Stratégies News. Je me souviens de sa version papier, quelques dizaines d’exemplaires distribuées par coursier tous les matins. Au début, on découpait même les paragraphes pour les coller sur des feuilles A4.
Il y a eu aussi, en vrac, les réunions interminables sur des nouvelles formules (je ne les ai pas comptées), des suppléments par dizaines, dont certains très improbables, d’autres réunions «sur le web» naissant, les médias sociaux, des embauches, des suppressions de postes, puis de nouvelles embauches et de nouvelles suppressions de poste, et même une grève de la rédaction !
Je n’ai pas oublié non plus mon premier Grand Prix Stratégies de la publicité comme co-animateur à l’Olympia avec Emmanuelle (ah, le compte à rebours distillé dans l’oreillette avant d’entrer sur scène et nous, liquéfiés, en coulisses…), ce qui me permet aujourd’hui d’annoncer fièrement que «j’ai fait deux fois l’Olympia, une fois Bobino, les Folies Bergères…».
Je me souviens des jurys des mêmes Grands Prix avec le gratin de la création partout en Europe avec TF1. Côté remise de prix, je n’ai pas vérifié mais je mériterais d’être dans le Guiness Book du nombre de prix remis dans le monde.
Avec le recul, j’ai un faible aussi pour le numéro anniversaire des… 30 ans de Stratégies, avec sa une de Marie-Catherine Dupuy, sur le thème «on a tous 30 ans», qui en avait déjà alors un peu plus. Je me souviens lui expliquant maladroitement le concept au téléphone et de sa réponse : «Ça va, j’ai compris !». C’était il y a donc 20 ans. Déjà ? Vraiment ?
Je suis tellement content que Stratégies fête ses 50 ans ! Dans ma grande prétention, je me dis que j’ai aussi contribué à ce tumultueux et long parcours, comme tous ceux passés pas ce creuset de la presse, à commencer évidemment par son fondateur, Christian Blachas. Dans les années 2000, la rivalité CB News-Stratégies, c’était un peu comme les clasico PSG-OM, sauf qu’on jouait le match chaque semaine.
Bref, Stratégies a été la grande affaire de ma vie professionnelle. D’abord comme freelance pour Stratégies Méditerranée, quand il y avait une édition grand sud, puis mon premier vrai job à plein temps à Lyon, en 1988, dans l’édition Rhône-Alpes, où j’ai remplacé Anne Magnien, partie faire de la télé avec Blachas, justement.
Je suis resté un an à Lyon, j’ai quitté Stratégies puis y suis retourné quelques années plus tard. C’est peut-être pour cela que je n’ai jamais vraiment cru que ce deuxième départ, en 2010, était définitif, et que je le classe aujourd’hui parmi mes souvenirs mémorables ! Car comme l’on dit, «Stratégies un jour, Stratégies toujours !».