Hommage à Cathy Leitus
Lionel Lévy était journaliste management à Stratégies puis reporter freelance. Il se souvient de Cathy Leitus, qui était bien plus qu'une collègue.

Combien de personnes véritablement extraordinaires rencontre-t-on dans une vie ? Une ? Deux ? Peut-être trois ? Aucune ? J’ai eu l’honneur de connaître Cathy Leitus.

Cathy était journaliste dans l’âme, curieuse de tout, journaliste presque par nature. Elle adorait son métier.

Lors de mon premier jour à Stratégies, je l’ai croisée en coup de vent, «hyper pressée» (tu l’étais systématiquement). Le coup de vent s’est transformé en tsunami, nous avons parlé deux heures. Cathy était entrée dans ma vie. Sans frapper. Comme une évidence.

Grand reporter, tu déboulais à pas d’heure dans la rédac, façon tornade.

Tu étais assise juste derrière moi. Tu parlais fort, éclaboussais l’open space de ton rire tonitruant, recherchais sans cesse le débat. Autant dire que je bossais rarement quand tu étais là, mais qu’est-ce que j’apprenais, comme je me nourrissais de nos discussions, de nos réflexions, de ta façon d’appréhender le monde…

Je me souviendrai toute ma vie de tes interviews. Que de tranches de rigolades et leçons de journalisme. Pour avoir les bonnes infos (tu les obtenais toujours), tu savais utiliser tous les registres : le rentre-dedans, la connivence, l’ingénuité… Les interviews duraient souvent très longtemps. Avec toi, rien n’était jamais neutre, tout était important. Il te fallait tout comprendre, tout décortiquer, tout disséquer. Et tu n’hésitais jamais à pousser, quand il le fallait, tes interlocuteurs dans leurs retranchements.

Mais le plus extraordinaire est que tu réussissais à instaurer avec chacun d’entre eux un rapport spécial, une sorte de fil invisible en forme d’intimité. C’était fascinant.

Tu nous empêchais de tourner en rond

Même rigueur et obstination pour la rédaction de tes papiers. Combien de nuits blanches ? Tu soupesais chaque phrase, chaque mot pour trouver le plus juste. Tu aimais bâtir les articles, les sculpter, travailler et retravailler la narration, le plan…

Alors c’est vrai qu’entre les interviews et les papiers, tu prenais ton temps. Tu rendais systématiquement tes articles en retard, ça rendait folle la rédaction technique, mais tes papiers étaient remarquables, toujours bien informés et d’une grande richesse.

Je me remémore aussi nos conférences de rédaction : ta sagacité, tes objections, tes questions qui fâchent... Tu nous empêchais de tourner en rond. Ton avis était fondamental, tous d’ailleurs te le demandaient car tu étais capable de repérer les différentes dimensions d’un sujet à la vitesse du haut débit. Depuis plus de 20 ans à Stratégies, tu étais devenue son âme et l’une des principales garantes de la ligne éditoriale du magazine. Stratégies était ta vie et Stratégies, pour beaucoup, c’était d’abord Cathy Leitus.

De façon naturelle, tu étais aussi devenue la représentante du personnel. Devant la direction, tu n’hésitais pas à aller au combat quand il fallait défendre un poste ou un collègue. Dans un gant de velours, mais toujours d’une main ferme. Et tu arrivais à tes fins. 

Tu pouvais ferrailler de mille façons, à fleurets mouchetés comme en mode bulldozer.

Cathy la joyeuse combattante ne se cachait jamais. Jamais.

À Stratégies et ailleurs, combien de personnes as-tu accompagnées, aidées, protégées, Cathy ?

Tu savais écouter, comprendre et conseiller. En parlant à tous. À Stratégies, des collègues jusqu’à la direction en passant par l’homme de ménage et la standardiste, tous avaient un lien particulier avec toi, car tu savais rendre chacun unique.

Une publicité pour la vie

Tu portais en toi l’héritage de certains penseurs juifs. Chez Spinoza, tu empruntais le «conatus», cette force en mouvement, capable de tout emporter. À la façon de Levinas, tu appréhendais l’autre pour ce qu’il était et le célébrais dans son altérité. Cet autre, qui est un mystère, échappe toujours. Toi Cathy, tu cherchais sans cesse à le saisir.

Avec cette façon bien à toi de te sentir responsable de nous tous, tu nous as tous saisis…

Si l’on se sentait si bien à tes côtés, c’est sans doute aussi pour ta capacité à colorier le monde, à rendre ses couleurs plus éclatantes. Tu donnais aux petites choses du quotidien une musicalité, une dimension supplémentaire. Idéaliste et optimiste, tu posais sur le monde et sur les autres un regard émerveillé.

Et puis, avec toi, on rigolait tant. Tu étais à toi toute seule une publicité pour la vie. Comme ta maison l’était pour la joie. Toujours de la musique, des chants, des rires, pas d’horaires et des jeunes, plein de jeunes. Des enfants et leurs amis qui font leur soirée chez et avec leurs propres parents. Vous avez déjà vu ça ailleurs, vous ? Unique. C’était comme ça chez Cathy et Laurent. Nous t’avions appelé Cathy Soleil, le cœur et l’œil du monde, avec pour rayons tes enfants. Les trois merveilleux Jérémie, Benjamin et Michka. Car enfin Cathy, tu étais une mère aussi. À faire pâlir celle de Romain Gary...

Tu nous manques Cathy, mais un esprit ne meurt jamais. Tu seras toujours à nos côtés.

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