À dix ans, certains écoutent encore des ritournelles bien enfantines. À cet âge-là, Edouard Rencker découvrait Dave Brubeck. Son père, grand amateur de jazz, «qui écoutait Otis Redding dans sa voiture sur les premières radiocassettes», l’emmène assister à un concert du compositeur de Take Five et Blue Rondo à la Turk. «Ce jour-là, je me suis pris une vraie claque», se souvient le PDG de Makheia Group –dont la mère, un temps danseuse professionnelle, fut filmée par Carné dans Les Tricheurs, au mythique Caveau de la Huchette. «Le jazz a bercé mon enfance, et reste ma madeleine de Proust.»
Depuis six ans, Edouard Rencker dirige Jazz Magazine, fondé en 1954 par Eddy Barclay et repris en 1956 par Frank Ténot et Daniel Filipacchi. Avec des airs gourmands, Edouard Rencker se souvient de son adolescence, passée à écouter, hormis du jazz, Led Zeppelin, Black Sabbath, mais aussi Weather Report, Supertramp et Les Rolling Stones. «Je lisais Rock&Folk, Best –aujourd'hui disparu– et Jazz Magazine. Je suis heureux d’avoir pu acquérir l’un des deux survivants!»
Il reçoit dans les locaux du titre envahis par les CD, sous les toits, rue Duphot. «Ce rachat m’a permis de marier mon amour immodéré pour la musique avec ma première passion : le journalisme.» La grand-mère d’Edouard Rencker a été une des premières reporters de guerre féminine : elle a couvert la fin de la Première Guerre mondiale, l’Indochine... «Elle m’a donné le virus de la presse, du grand reportage.» Après un passage à Sciences Po, Edouard Rencker sera à son tour journaliste économique pendant dix ans pour Le Monde, L’Express, Les Nouvelles littéraires... avant de fonder Séquoia en 1984, devenue en 2008 Makheia.
Producteur de concerts
À son arrivée, le titre est en fâcheuse posture: il perd 300 à 400 000 euros par an. Nouvelle formule, digitalisation, lancement de hors-séries... En trois ans, le magazine [DFP: 21 000 ex.] revient à l’équilibre et développe une nouvelle activité: la production de concerts. «Nous produisons des artistes confirmés mais aussi de nouveaux talents. C’est l’une des missions du journal.» Le portable d’Edouard Rencker retentit alors. Sa sonnerie, c’est aussi du jazz: «“Après la pluie”, par un pianiste merveilleux et injustement méconnu, Jean-Pierre Mas.»
Celui qui fréquente des communicants mélomanes comme Denis Gancel, président de W et pianiste émérite, ou l'ex-président de Wellcom Thierry Wellhoff, «très bon guitariste, surtout de bossa», vient de lancer un appel à contribution sur KissKissBankBank pour soutenir le journal et ses concerts. Alors qu'en fin d'entretien, Edouard Rencker énumère ses «chouchous», Bill Evans, Keith Jarrett, Herbie Hancock ou Chick Corea, l’on se rend compte tout à coup qu’on a oublié de lui poser une question toute simple: où est-il né? «Boulevard Sébastopol, pas loin de la rue des Lombards, où se trouvent tant de clubs de jazz...» Si ça, ce n’est pas un destin...
Dates-clés :
6 janvier 1959 : Naissance à Paris
1980 : Sciences Po Paris
1981 : Journaliste économique pour Dynasteurs [première verion des Echos], Le Monde, Les Nouvelles Littéraires, L'Express...
1984 : Fondation de Sequoia, au départ agence de presse puis agence d'édition d'entreprise
2008 : Fusion de Sequoia avec Médiagerance. Naissance de Makheia, qu'Edouard Rencker préside.
2014 : Rachat de Jazz Magazine