L'ex-présidente du pôle TV de Lagardère rejoint France Télévisions pour en coordonner les programmes. Seule femme dans un état-major d'hommes, elle sera la tête chercheuse de contenus innovants.

 

Chez Lagardère, on attendait Jean-Pierre Cottet pour diriger les programmes de France Télévisions. C'est finalement celle que celui-ci avait nommé à la tête des chaînes jeunesse du groupe il y a cinq ans, Emmanuelle Guilbart, qui vient épauler Rémy Pflimlin en tant que directrice générale déléguée aux programmes.

Simple comme un coup de fil? L'intéressée assure qu'elle ne connaissait que «de très loin» le nouveau président de France Télévisions. Pourtant, ce 16 août, au retour de vacances en Grèce, c'est bien à elle qu'a téléphoné le patron alsacien. Sa mission? «Encadrer l'équipe de programmes, insuffler de l'innovation, harmoniser les chaînes et introduire de la modernité», répond la dirigeante de quarante-trois ans, également en charge de France 4.

«Il y a un vrai travail à faire sur le positionnement des chaînes pour éviter les concurrences internes, complète-t-elle. Et on peut avoir une vision moderne et contemporaine de la culture en étant moins patrimonial et moins classique.»

Claude-Yves Robin, son alter ego à France 2, est plus précis: «Elle a été choisie car c'est une femme énergique, excellente négociatrice, comme elle l'a prouvé au sein de la centrale d'achat de Canal+ ou à l'international. Et elle a piloté plusieurs chaînes chez Lagardère, qu'elle a su particulièrement bien identifier en montrant une capacité à rebondir et à défendre le territoire de chacune.»

Arrivée en octobre 2005 pour prendre la présidence des chaînes jeunesse de Lagardère et assurer le lancement de Gulli, Emmanuelle Guilbart s'est en effet imposée dans l'audiovisuel par son marketing d'antenne. Experte dans l'art de positionner une chaîne dans un bouquet TV, elle n'a pas son pareil pour réfléchir en termes de segmentation, de foyers ciblés ou de mutualisation. «Mon souci est de défendre l'intérêt général et l'intérêt particulier en même temps», lâche-t-elle.

«Ne surtout pas décider en fonction d'études»

Une dynamique qu'elle a tirée de sa longue expérience de treize ans au sein du groupe Canal+, où cette jeune diplômée de l'Edhec, titulaire d'un mastère de l'ESCP, s'est frottée autant à l'édition qu'à la distribution de chaînes.

Après une étude sur le câble aux Etats-Unis, elle débarque en 1990 au département international du groupe à péage, alors à l'apogée de son rayonnement. Elle s'impose par son audace, en partant quatre ans en Pologne pour créer Canal+ Polska. «C'est là que j'ai appris mon métier, raconte-t-elle. Pendant un an, je faisais des allers-retours toutes les semaines pour emporter l'appel d'offres. On faisait du lobbying, des road-shows dans toutes les villes polonaises, il fallait travailler avec la filière cinéma pour qu'elle nous soutienne.»

Puis elle assure la direction adjointe des acquisitions cinématographiques du groupe Canal+, où elle négocie avec les majors les «output deals»: «Tous les coups sont permis», se souvient-elle. Une expérience qui lui est utile quand Canal+ récupère la centrale d'achat du du groupe Nethold, dont elle reprend les outils pour négocier les droits.

Isabelle Parize, alors PDG de Canalsat, lui confie ensuite sa direction des programmes, où elle fait l'apprentissage de la distribution de chaînes en bouquet. Elle en ressort avec une conviction: «Il ne faut surtout pas décider en fonction d'études. Il y a une part d'envie et d'audace essentielle.»

La présidente du pôle TV de Lagardère le prouve à Gulli, quelques années plus tard, où elle décide de s'éloigner de l'éducatif après avoir gagné la confiance des parents… pour jouer la carte de l'impertinence en access et en prime time afin de séduire les 11-14 ans. De même, elle impose le nom de June pour remplacer Filles TV: «Les études nous suggéraient Voyelles mais je voyais le piège: c'était trop bien pensant.»

Quid de France Télévisions ? Cette mère de trois enfants, de 6 à 13 ans, ne renie rien de son discours contre l'interdiction de la publicité dans les programmes pour enfants («C'est démagogique, il y a cinquante mille choses à faire avant contre l'obésité»). C'est pourtant bien de facto ce vers quoi l'amènera la loi sur le groupe public à la fin 2011. Sauf si, comme c'est probable, un moratoire de deux ans est décidé.

«Le chantier sur l'identité des chaînes se fera avec ce calendrier en tête», reconnaît-elle. Mieux vaut sans doute s'épargner la pression de la publicité avant – c'est l'un des projets de Rémy Pflimlin – de lancer à France 2 un feuilleton quotidien qui défrise.

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