Vous pensiez le luxe comme ce secteur intouchable, qui affichait une croissance insolente là où toutes les autres industries se prenaient les pieds dans le tapis ? Think again. Les résultats des plus grands groupes en 2024 déçoivent, et la frilosité de l’économie chinoise donne des frissons au monde entier. L’année 2025 se présente à nous pleine d’obstacles, alors que faire ? C’est en revalorisant son lien à ses audiences devenues expertes, en prenant en compte leurs attentes et leurs effronteries que le luxe trouvera l’une des pistes de son salut.
Plus expertes que jamais.
Aujourd’hui, les marques de luxe ne s’adressent plus à leurs consommateurs, elles soumettent des idées, des opinions à des fans experts. Ça peut paraître radical, mais le niveau de “luxury literacy” atteint est sans précédent et a engendré une nouvelle génération d’experts qui s’abreuvent directement via les finsta ou des points de vue aussi tranchés que tranchants qu’on peut désormais lire sur Substack.
Riches de ce nouveau niveau d’expertise, les voilà à même de manipuler les références passées, présentes de votre marque ou même de spéculer sur son futur. La fin d’une confiance aveugle dans les plus grandes maisons, vient ainsi bouleverser la notion de brand loyalty si importantes jusque-là et ancrer un nouveau rapport désacralisé au luxe.
Les confins de l’hyper personnalisation
De cette nouvelle confiance, émerge une envie de prendre part à la conversation créative, d’utiliser les pièces de luxe – autrefois hautement statutaires en elles-mêmes, pour les hyper-personnaliser. Un peu comme de simples tableaux vierges sur lesquels on viendrait imprimer ce besoin de se raconter et de mettre en récit sa propre personne – ô combien existentielles dans notre époque troublée.
L’instrument de personnalisation par excellence, ce sont les charms – qu’on traduirait par breloques, souvent un peu kitsch et régressives. Désormais partout, ils consacrent cette volonté (presque arrogante) d’être considérés comme partie prenante du processus créatif (“j’accessoirise mon sac pour parfaire le travail du designer à mon image”), mais aussi ce rapport désacralisé aux produits de luxe qui ne sont plus vus comme fins mais comme moyens vers un autre statut, un autre soi à renouveler à l’envie selon la trend ou l’aesthetic du moment.
Mais les marques doivent bien comprendre que l’attrait du charms ne suffit pas (même à 380€ un scoubidou reste un scoubidou): c’est ce besoin de personnalisation poussée à l’extrême, d’accessoirisation maximaliste de soi, qu’elles doivent rendre possible.
Dupe moi si tu peux.
Pour suivre les tendances sans se ruiner, les dupes et pingti (des copies de grande qualité) sont désormais partout et ne sont plus perçus comme honteux par les jeunes générations mais au contraire comme une forme d’intelligence, une manière de hacker le monde du luxe à moindre frais. Une atteinte directe à l’IP des plus grandes maisons qui semblent être une fatalité : coupez une tête, dix en repoussent.
“If you can’t fight it, you may as well embrace it”, comme le disent les anglo-saxons, et force est de reconnaître que la meilleure manière de battre les dupes à leur propre jeu est d’adopter un nouveau point de vue.
S’inscrire dans les conversations d’abord. La dupe economy est un des sujets de conversations les plus vivants en ligne : on en parle, on les compare, on pose des questions. Bref, c’est une conversation à laquelle les marques ne doivent pas se soustraire. Créer une prise de parole qui viendrait court-circuiter cette logique peut créer de nouvelles opportunités. Olaplex a créé son propre dupe, Oladupé, fait monter la hype avant de révéler le poteau rose et pour revaloriser la composition inégalable de ses produits. Résultat : plus d’un million de dollars de media value autour de l’opé et un statut réaffirmé.
Mais il y a surtout de vraies opportunités à saisir, si et seulement si, les marques se laissent ENFIN aller à un peu d’autodérision et d’espièglerie. Un autre exemple payant a été celui de Marc Jacobs qui a bien compris que flairer les derniers dupes était aussi une manière de comprendre comment ses fans s'approprient les marques pour les faire évoluer bien loin des carcans trop rigides des grandes maisons. En s’alliant à Ava Nirui – une dupeuse new yorkaise des plus créatives, Marc Jacobs a su capitaliser sur cette espièglerie et cette fraîcheur en recalibrent une nouvelle offre (Heaven by Marc Jacobs) dans laquelle il s’inspire de toute la créativité de ces mécréants du luxe – pour en rire plutôt que d’en pleurer.