Comment se porte aujourd’hui Criteo, après des prévisions de chiffre d’affaires en baisse de 22% pour 2018 [une stagnation a finalement été enregistrée] et une chute du titre en Bourse ?
Il y a deux lectures. La lecture boursière donne l’impression que ça ne va pas. Alors que l’entreprise gagne de l’argent, fait de la marge, grossit, a récemment racheté trois entreprises. Notre taux de rétention client est de l’ordre de 90%. Ces résultats marquent le fait qu’il y a une attente de la Bourse par rapport à la prochaine étape. Nous travaillons à un ajustement de notre positionnement. Nous voulons mettre en place une plateforme publicitaire de l’internet ouvert.
Cette lecture est très portée sur le fait que le cours de Bourse a induit ce repositionnement. C’est normal. Mais sinon, telle est la vie de l’entreprise. Nous avons trouvé notre business model, proposé le meilleur produit, connu un point d’orgue avec l’introduction au Nasdaq, avant d’ouvrir plusieurs nouveaux chapitres, en cherchant, tout d’abord, à être les meilleurs sur un autre produit. La diversification était plus efficace si elle s’accompagnait d’une réflexion autour de ce positionnement.
C’est autour de ce projet que vous travaillez avec Jean-Baptiste Rudelle, fondateur de l’entreprise, de retour aux manettes au printemps 2018 ?
Il y avait un besoin client non plus seulement sur la conversion [via le retargeting, le métier initial de Criteo] mais aussi sur la considération (autrement dit, le fait de générer des visites qualifiées) et de notoriété (faire découvrir l’offre). Nous avons ainsi un produit de considération, Criteo Customer Acquisition. Il est déjà disponible et en perpétuelle amélioration.
Par ailleurs, nous avons mis en place un dispositif pour monétiser les données des retailers. Nous avons, depuis 2016, réalisé trois rachats, dont HookLogic et Storetail. De quoi construire une technologie permettant aux retailers de mettre à disposition leurs données pour les marques, au CPC et au CPM, via des inventaires publicitaires. En 2019, nous allons intégrer cette offre dans notre plateforme.
Une évolution forte, depuis 2016, est à noter. La technologie est mise à disposition des commerçants. Nous sommes une technologie de retail média. Les clients peuvent l’utiliser seuls ou non. Nous assumons ce côté self-service. Notre actualité est d’expliquer notre évolution en tant que plateforme publicitaire de l’internet ouvert.
Criteo tombe sous le coup de la taxe Gafa telle qu’elle est définie aujourd’hui. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Nous comprenons très bien la démarche de dire que les entreprises qui font du business sur le territoire doivent y payer leurs impôts. Nous comprenons la logique, d’autant que nous payons des impôts en France, que notre siège social est en France (à Paris, dans le neuvième arrondissement). Maintenant, nous sommes attentifs à la forme que cela va prendre. Un dialogue est établi sur le sujet. France Digitale, dont nous sommes membre, a pris des positions là-dessus. Nous sommes attentifs à la suite. La première mouture [de la taxe] tombe de manière systématique, sans regarder ce qui est payé par ailleurs. Nous comprenons ce que nous avons vu mais ces premiers éléments méritent d’être retravaillés.
Quel regard portez-vous sur RTB House, acteur polonais arrivant en France, qui veut vous concurrencer sur votre terrain ?
C’est un nouveau concurrent frontal. Nous pouvons aussi avoir des concurrents indirects, qui peuvent être des partenaires (Google, Facebook). Nous avons toujours eu des concurrents directs (Next Performance, par exemple). Là, la question, c’est que c’est nouveau en France. Mais sur d’autres marchés, c’est une solution additionnelle concurrente. Il arrive que l’on soit les deux derniers en A/B test chez nos clients. Mais ce sont des situations que nous avons toujours rencontrées.
Comment voyez-vous évoluer le marché, notamment du retail ?
Voici un avis élaboré après quelques heures au One to One Monaco. La question de l’omnicanalité est une préoccupation pour nos clients. L'industrie ne sait pas si bien faire. Car sur le plan technique, c’est assez lourd. Il faut lier les informations du monde physique et du monde digital. Par ailleurs, cette liaison doit être immédiate.
À cela s’ajoute l’aspect organisationnel et la question de faire collaborer et de piloter les personnes qui travaillent sur le site Web et en magasin. Ce qui pose aussi des questions juridiques. Il y a quelques années, même si ce sujet de l’omnicanalité était sur la table, il y avait moins ce sentiment d’urgence. Nous regardons les premières entreprises qui l’ont fait.
Au-delà de l’omnicanalité, le deuxième mot clé est la question des solutions de paiement. Plusieurs de mes clients allaient ou devaient réaliser des rencontres sur le sujet. Le troisième est le retail média (j’assume le côté biaisé). Nous y contribuons fortement. C’est un mouvement de fond cette année.
Chiffres clés
2700. C’est le nombre de collaborateurs de Criteo dans le monde.
80. C’est le nombre de marchés sur lesquels l’entreprise est présente, au travers de 30 bureaux.
19 000. C’est le nombre de clients de Criteo.
2,3. C’est, en milliards de dollars, le chiffre d’affaires de la société.