Pour une fois, Gérard Caron n'a pas pris l'avion. La septième édition des Pentawards 2012, compétition mondiale qu'il préside chaque année depuis sa création, s'est tenue à Paris le 4 octobre. Une grande première qui réjouit ce globe-trotter du design, grande figure de la profession qui parcourt le monde pour enseigner son métier et conseiller les marques. Père fondateur de Carré noir, première agence française de design-marketing (filiale de Publicis Groupe), cofondateur des Enseignes d'or, les Césars de la distribution, rédacteur en chef d'Admirable design, e-magazine ouvert aux professionnels, il revient tout juste de Chine et d'Italie pour ses clients Lagardère et Nestlé. Après examen, pour les Pentawards, de 1 200 packs venus de 46 pays, Gérard Caron a détecté neuf tendances de la création packaging. Commentaires en images.
Gros plan
Diet Coke, vainqueur du prestigieux Diamond Pentaward, illustre une tendance au gros plan, à l'exagération. «Il s'agit de mettre en avant un attribut de la marque, de le grossir au maximum pour gagner en impact», commente Gérard Caron. Ici, Diet Coke et son agence américaine Turner Duckworth réalisent à la perfection l'exercice, avec ce cadrage serré sur les lettres K et D. Présenté sous forme d'édition limitée fin 2011, ce design a remporté un tel succès que Coca-Cola l'utilise aujourd'hui de façon permanente. Cette tendance est à l'œuvre sur de nombreux packagings, dont celui de Badoit couronné d'un Gold Pentaward et signé BETC. «C'est un travail sur les symboles qui sort des codes promotionnels, qui anoblit la marque et l'élève au rang d'icône», commente Christophe Pradère, président de BETC Design.
Surprise
Comment lancer une nouvelle marque d'oeufs? L'agence anglaise Springetts Brand Design a misé sur un concept inédit: des «Eggs for soldiers» ("Oeufs pour soldats") qui incarnent l'engagement du produit auprès de «Help for heroes», une association caritative pour militaires invalides ou malades. Le packaging, récompensé d'un Platinum Pentaward, joue sur le mot anglais «soldiers» signifiant aussi «mouillettes» et sur tous les codes de l'armée: couleur kaki, toile rugueuse, médailles en forme d'œuf. «Ici, tout est fait pour étonner, surprendre», commente Gérard Caron qui range dans cette famille d'autres créations originales, comme le dernier parfum pour homme Kokorico de Jean Paul Gaultier. Signé Interbrand France, ce Silver Pentaward tient davantage de la sculpture que du simple contenant. Autre exemple: le Silver Pentaward décerné à l'agence française R Pure Studio pour le parfum Urban Nature d'Esprit, aussi penché que la tour de Pise...
Démonstration
Un déodorant baptisé Hands Up doté de petits bras transparents se levant à la prise en main du produit. Cette idée ludique conçue par les designers de la société coréenne Etude House pour séduire les jeunes a fait mouche auprès du jury. «Ce PlatinumPentaward souligne l'utilisation du produit. On est dans la démonstration», indique Gérard Caron qui cite également, dans cette même tendance, un concept imaginé par une étudiante belge en design: un pack en forme de tête de chien tenant dans sa gueule un poulet en plastique...
Sérénité
«Regardez le flacon d'Avant-garde de Lanvin conçu par Centdegrés. Les parfums sont souvent clinquants, brillants voire agressifs. Avec ce Gold Pentaward, c'est l'inverse. On est dans l'épuré», analyse Gérard Caron. Doux, apaisant, zen... les packagings misent ainsi sur le calme et la sérénité, comme celui imaginé par Carré noir pour les capsules de lait en poudre Babynes lancé par Nestlé. «Un pack, d'habitude, c'est bavard, ça crie, ça appelle le consommateur, mais là, c'est l'inverse. Il s'agit d'attirer le consommateur par le creux. Sur des rayons très encombrés, forcément, cela ressort», ajoute Gérard Caron.
Théâtralisation
Des pieds dans une mer peuplée de crabes, de poissons et d'anguilles, mais protégés par une bonne paire de bottes Fisherman. Ce packaging plein d'humour pensé comme un présentoir revalorise un produit somme toute banal. «Le produit est mis en scène, en situation. Il est théâtralisé pour mieux attirer le consommateur. Dans un point de vente, il sort du lot», explique Gérard Caron. Une idée de l'agence Good du Kazakhstan qui rejoint les meilleurs packagings de la catégorie Platinum.
Raffinement
La tendance n'est pas nouvelle mais elle est, cette année, fortement représentée, notamment dans le secteur du luxe. Les packagings se parent ainsi de leurs plus beaux atours avec un grand souci du détail et des finitions: bouchons ciselés, rainures, petits points, mélange d'or et d'argent, d'aciers et de verre. L'heure est à la sophistication, comme avec cette bouteille de Baileys de l'agence anglaise Lewis Moberly récompensée d'un Gold Pentaward.
Détournement
Les packagings jouent le décalage et l'art du détournement. A commencer par ce coffret de champagne Veuve Clicquot couronné d'un Silver Pentaward. Imaginée par l'agence française Virojanglor, la célèbre boisson se présente sous les traits d'une boîte de sardine. Osé.
Réalisme
L'heure est à la transparence. D'où cet emballage de poisson montrant le produit au plus près de sa réalité. Ce Gold Pentaward de la société grecque Kefaloria Fisheries (agence Mousegraphics) dévoile le produit cru et cuit en photo. Un avant après qui met en appétit. «Une superbe idée très bien réalisée», commente Gérard Caron.
Culture
Rasoirs, préservatifs, briquets, canettes... Quel que soit le produit, les packagings s'inspirent à l'envie de l'univers de la bande dessinée, de l'illustration et des mangas. Objectif: séduire le consommateur et le fidéliser avec des séries à collectionner. C'est le cas d'Orangina Miss O qui a fait appel à Soledad Bravi, l'illustratrice fétiche du magazine Elle, pour relancer sa gamme light (agence P Référence Diadeis). Les packagings font également référence à la littérature ou à la peinture, comme l'emballage de ce chocolat vietnamien Marou de l'agence Rice Creative, également Bronze Pentaward, reprenant des motifs picturaux traditionnels du pays.
Les Pentawards 2012, Oscars du design packaging, analysés et commentés par le pape français de la profession, Gérard Caron.
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