Les marques de grande consommation ont du mal à s’adresser à la cible des hommes.

Métrosexuel, übersexuel, voire gastrosexuel: une étiquette chasse l'autre quand il s'agit de qualifier l'homme en tant que cible marketing. Néologisme inventé au début des années 2000 par le journaliste britannique Mark Simpson, le métrosexuel à la David Beckham est un homme qui revendique sa part de féminité. Et donc plus ouvert à la notion de soins, une évolution que les géants de la cosmétique n'ont pas loupé, multipliant les gammes de produits «for men» (lire page 37).

En réaction est apparu l'übersexuel, expression due à la publicitaire américaine Marian Salzman, qui se caractérise par un refus de l'androgynie et la mise en avant de la virilité (barbe de trois jours, chemise ouverte sur les poils). «Nous sommes dans une phase de “resexualisation” de la société, dans laquelle l'homme réaffirme sa virilité. Mais il s'agit d'un macho adouci, dépourvu d'agressivité», tempère-t-on au pôle homme de Mondadori Publicité, dont l'étude «Mister H» va sortir en novembre.

D'après cette étude, les hommes cherchent d'abord de l'expertise et de la maîtrise, et refusent les stéréotypes dont les affublent les médias. «Plus de 73% ne se reconnaissent pas dans la façon dont la publicité les met en scène» explique la directrice des études. Pourtant, les consommateurs masculins aiment les marques et leur sont fidèles. C'est même un gage de qualité pour 75% d'entre eux.

Mais ni les industriels de la grande consommation ni les distributeurs ne font les efforts nécessaires pour conquérir cette cible. «Les supers et hypermarchés sont conçus pour favoriser le butinage, qui est plutôt féminin, alors que l'homme est un chasseur, qui veut saisir rapidement le produit. Les allées étroites et la linéarité sont plus favorables au butinage, les têtes de gondole plus conformes au comportement masculin qui veut un signal fort», décrypte Bertrand Chovet, directeur général d'Interbrand Paris.

Entre besoins et gadgets

Dans la grande consommation, on ne constate aucune réelle volonté de s'adresser à l'homme. «Pourtant, certains produits, comme le dentifrice, pourraient faire l'objet de proposition en adéquation avec les besoins masculins», pense Bertrand Chovet. Dans l'univers des boissons, Powerade ou Gatorade ont décliné avec succès les caractéristiques masculines: vitesse, technicité, fluorescence, performance. Mais aucune grande marque de sodas ou jus de fruits n'a embrayé. «Les industriels n'ont pas du tout travaillé cet aspect et on peut le regretter», ajoute le directeur général d'Interbrand.

Avec la popularité des émissions culinaires à la Masterchef, les fabricants d'électroménager commencent à s'intéresser à la cible masculine. Le groupe Seb, par exemple, a repositionné sa marque de petit électroménager Krups. «Le parti pris de cibler les hommes faisait partie de leur réflexion stratégique pour Krups, alors que d'autres marques du groupe comme Rowenta ou Téfal sont plus axées sur la famille», précise Brice Auckenthaler, associé du cabinet spécialisé en innovation Tilt Ideas. Une initiative qui s'est traduite par un nouveau cahier des charges pour les designers chargés de développer des formes adaptées aux hommes. Les valeurs masculines ont été travaillées pour faire de Krups la marque des experts, des passionnés de cuisine. «Les hommes qui font la cuisine veulent des objets avec du caractère, de la personnalité», pense Brice Auckenthaler. Les machines à expresso, en partenariat avec Nespresso, privilégient ainsi l'acier et les couleurs techniques (noir, bleu, rouge).

Ce gastrosexuel, homme jeune et aimant cuisiner, dernier avatar en date de l'homme occidental, est une cible qui devrait intéresser d'autres marques d'électroménager ou d'alimentation. Pour Jordan Lebel, professeur en marketing à l'université Concordia de Montréal (Canada) et spécialiste en alimentation, «les hommes aiment les gadgets. Ils vont alors s'équiper du mieux qu'ils peuvent, sans limite. Ils dépenseront sans compter dans le secteur culinaire, beaucoup plus que les femmes.»

 

Encadré

L'homme et la beauté selon GQ

Le magazine GQ a réalisé une enquête «beauté» en mai dernier (374 abonnés interrogés, plutôt urbains et CSP+). Il en ressort que 49% d'entre eux utilisent de l'eau de toilette et 26% un soin du visage. Mais ils sont aussi 63% à mettre de la crème de jour, et même 18% à s'enduire de crème de nuit et de contour des yeux. Ils se parfument (71%) et sont plutôt fidèles à leur marque (55%). Prendre soin de leur peau leur apparaît normal (65%) et même indispensable pour 32% d'entre eux. Cet homme moderne est un consommateur à la fois fidèle (63% aiment acheter les produits d'une même marque) et avide de nouveautés (74% aiment découvrir de nouveaux produits). Près de 45% déclarent être influencés par la publicité dans leurs choix.

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