Sur la une, un cactus turgescent surgit de l'objectif d'un appareil numérique. Non, vous n'avez pas l'esprit mal placé. The Good Life, nouveau titre du groupe Ideat, se positionne clairement entre masculinité triomphante et high tech. Dos carré, papier mat, le trimestriel piloté par Laurent Blanc sera en kiosques le 19 octobre et se réclame d'influences anglo-saxonnes comme le Monocle de Tyler Brûlé (fondateur de Wallpaper) ou Intelligent Life, publié par The Economist. Un modèle qui, selon l'éditeur d'Ideat, «n'a pas pour l'heure d'équivalent sur le marché français».
Jamais de people, jamais de politique, jamais de sportif en couverture. Tel sera le credo du nouveau trimestriel, qui entend, selon son fondateur, «se démarquer vraiment des masculins». «En kiosques, nous aimerions être disposés aux côtés des news magazines, explique-t-il. Nous nous positionnons comme un magazine "lifestyle" nourri de culture économique globale.» Le premier numéro a réuni entre 80 et 90 pages de publicité, pour une diffusion escomptée de 60 000 exemplaires.
Depuis le déclin des «lads mags» (FHM, Maximal, etc.), c'est sur le front du haut de gamme, plus attrayant pour les annonceurs, que les éditeurs tentent de séduire ces messieurs. The Good Life réitérera-t-il la «success story» de GQ?
Alors que, chez Condé Nast, l'on tablait, lors de son lancement il y a trois ans, sur une diffusion de 40 000 exemplaires, le mensuel flirterait plutôt aujourd'hui «avec les 80 000, voire les 90 000 exemplaires», annonce son éditeur, Louis Orlianges. La diffusion France payée du mensuel a bondi de 14% au premier semestre 2011 (vs premier semestre 2010) et le titre gagne 800 abonnés par mois (sur un total de 19 680 abonnés).
«Nous avons constaté une accélération des ventes depuis notre nouvelle formule, lancée en 2010, date à laquelle nous avons intensifié les sujets d'investigation et de grands reportages», souligne Louis Orlianges, qui décrit le Gentlemen's Quarterly français comme «un titre généraliste haut de gamme, articulé autour du style au sens large».
Il avait jeté le gant au moment de la sortie du magazine de Condé Nast, en se vendant au prix cassé d'un euro et en revoyant sa maquette et son contenu éditorial. Aujourd'hui, L'Optimum (DSH 2010-2011: 37 631ex.) a certes vu sa diffusion baisser depuis l'arrivée de son rival, mais Benjamin Eymère, directeur éditorial des Éditions Jalou, se dit «satisfait» des performances du titre.
«L'Optimum n'est pas tout à fait le même produit que GQ, estime-t-il. Nous sommes très ciblés, très luxe, plus mode et moins "mainstream".» Un exemple? «Nous n'hésitons pas à faire nos unes avec des acteurs pas forcément connus du grand public, comme Tahar Rahim.» Au sein du titre, qui vient de recruter le directeur artistique... du GQ Italien, Aldo Bulscalferi, on dit se sentir «plus proche d'Esquire», autre masculin anglo-saxon fameux.
Il fait figure de troisième homme dans cette algarade entre mensuels masculins: Sport & Style, supplément du quotidien L'Équipe (Groupe Amaury), est passé en mars dernier d'une périodicité trimestrielle à une périodicité mensuelle. Histoire d'offrir aux annonceurs des opportunités plus fréquentes.
«Nous n'avons pas besoin d'aller chercher les lecteurs en kiosques, reconnaît Katia Kulawick, rédactrice en chef du titre. Comme nous nous adressons à un public très large, les 500 000 lecteurs de L'Équipe, nous tentons de ne pas être trop segmentants, en étant à la fois compréhensibles du plus grand nombre dans nos sujets sport et dans nos sujets mode.»
Sans s'interdire une once de provocation. La future couverture de Sport & Style s'attachera à une pratique de shopping bien particulière avec cet angle sulfureux: quels objets peut-on acheter en double pour sa femme et pour sa maîtresse? Diantre. Si le titre a à cœur de «couvrir des sujets typiquement mode, dans l'air du temps», comme le précise sa rédactrice en chef, il est particulièrement lu lorsqu'il traite «de high tech, d'automobile et de voyages».
Y a-t-il encore des places à prendre dans la presse masculine haut de gamme? Il est vrai que le segment est relativement nouveau. Il y a encore quelques années, la presse masculine se partageait entre dandysme et humour potache. Les Brummell des années 2000 peuvent se reconnaître dans des titres de niche comme Monsieur (Éditions Montaigne, diffusion non contrôlée par l'OJD).
De l'autre côté du spectre, la presse masculine populaire, davantage connue pour ses bimbos et son humour a connu un inexorable déclin: le poids lourd du genre, Entrevue (SCPE) est passé de 501 418 exemplaires France payés en 2005 à... 113 993 exemplaires (DSH 2010-2011)! Autre titre masculin historique, FHM (Éditions 1633) a vu sa diffusion se réduire quasiment de moitié (158 985ex. en 2005, 83 208 en 2010-2011). Des «lads mags» aux magazines stylés, l'évolution semble inéluctable.
Sous-papier
Têtu, tenace mais pas borné
À 15 ans, Têtu souhaite devenir adulte. Le mensuel gay (DSH 2011-2010: 31 497ex.) a lancé en septembre une nouvelle formule. Format agrandi, papier plus brillant, chemin de fer éclairci... Mais surtout, selon son rédacteur en chef, Gilles Wullus, «une vraie stratégie économique». il est vrai que Pierre Bergé, propriétaire historique du titre, a bien failli jeter l'éponge. «Mais Pierre est attaché à la survie de Têtu, explique Gilles Wullus. Il a choisi de le garder, de donner aux équipes les moyens d'en faire un magazine qui marche.» Comment faire? «Nous avons des places à prendre d'un point de vue publicitaire, estime Gilles Wullus. Et pour cela, nous entendons monter en gamme, tout en gardant notre positionnement masculin et sexy.» Les unes événementielles, comme la couverture d'octobre 2010 avec Catherine Deneuve, devraient s'intensifier. Une application Ipad sera lancée début octobre. Gilles Wullus est confiant: «Nous réalisons un chiffre d'affaires publicitaire de 1,5 million d'euros. Nous pouvons sans doute gagner un million de plus.»