Lundi 6 juin, devant le 26-bis, rue François Ier, dans les beaux quartiers de Paris. Des centaines de personnes patientent devant les studios d'Europe 1. Le retour de l'émission À la recherche de la nouvelle star? Perdu! Ce jour-là, la radio organise un casting pour recruter ses chroniqueurs de l'été.
Chaque candidat dispose de deux minutes trente pour convaincre, le temps d'un billet d'humeur. À l'arrivée, quatre heureux élus, âgés de 28 à 44 ans, sur un total de 718 participants. «Nous ne doutions pas de la pertinence de l'opération, mais difficile de savoir à l'avance si le concours allait inspirer les gens. Le résultat est au-delà de nos espérances. C'est bien la preuve que la radio, et particulièrement Europe 1, fait encore rêver», se félicite Bruno Gaston, directeur des programmes.
Trente ans après les premières radios libres, à croire que le pouvoir d'attraction du micro ne faiblit pas. Reste que les motivations ont peut-être changé. «Dans les années 80, on faisait de la radio pour le plaisir de parler dans le micro. On savait qu'on ne gagnerait pas d'argent avec ça, ni qu'on deviendrait célèbre. Depuis, la radio s'est professionnalisée», estime Difool, célèbre animateur de Skyrock.
Dans les écoles de journalisme, les professionnels notent une certaine stabilité des effectifs de la filière radio. Au Centre de formation des journalistes (CFJ) comme à l'École supérieure de journalisme (ESJ), un quart des étudiants choisissent chaque année cette spécialisation, en moyenne. «Aujourd'hui, les mordus de radio aiment surtout le reportage, moins la présentation», explique Pierre Savary, directeur des études de l'École supérieure de journalisme de Lille.
Une voie ouverte aux mordus du média
Côté débouchés, les choses ont également changé, précarité du média oblige. Car si 90% des diplômés entraient à Radio France il y a dix ans, «c'est beaucoup moins un rêve aujourd'hui car c'est de plus en plus long et compliqué d'intégrer le planning de la Maison ronde», poursuit Pierre Savary. À eux donc les radios privées, aidés par les fameuses bourses dont la profession a le secret. Lorsqu'ils ne choisissent pas de partir à l'étranger, comme pigistes pour une station locale ou correspondants pour un média français.
«Contrairement au secteur de la télévision, personne, à commencer par les webradios, n'a pris le relais des principales radios d'information en termes d'embauche», regrette Christophe Deloire, directeur du CFJ.
Reste que la part des nouveaux titulaires de la carte de presse travaillant sur les ondes progresse d'année en année. Selon l'universitaire Christine Leteinturier, maître de conférence à l'Institud français de presse (IFP), 10,2% étaient employés en radio en 2008 contre 9,4% dix ans plus tôt et même 7,1% en 1990. «La situation professionnelle des premières demandes de carte dépend beaucoup plus des offres du marché que des goûts des jeunes entrants», relativise-t-elle toutefois.
Directeur du Studio École de France, qui forme tant aux métiers du journalisme qu'à l'animation et à la réalisation, Sylviano Marchione estime pour sa part que l'essor de la télé-réalité a amené vers le média radio des jeunes davantage attirés par la célébrité express que par le micro lui-même. «Ce phénomène a duré environ deux ans. Les jeunes ont très vite compris que ce n'était pas la voie pour devenir célèbre.»
De leur côté, les régies assurent qu'elles ne rencontrent pas de difficulté particulière pour recruter de jeunes professionnels sur la commercialisation des espaces en radio. «Parmi ceux qui postulent, beaucoup sont attirés par le média lui-même. Ceux qui ne le connaissent pas sont curieux de le découvrir», explique Anne-Flore Le Gal, directrice des ressources humaines de Lagardère Publicité.
D'autant que la radio offre une certaine souplesse du point de vue commercial et des prolongements numériques de plus en plus déterminants. «Il y a aussi une grande richesse des formats sur ce média», estime Jérôme Dessaux, directeur commercial radio de TF1 Publicité, régie du GIE des Indés Radios. Une raison de plus pour séduire les jeunes professionnels, qui visiblement ne rêvent pas tous de télévision et d'Internet.