«Facebook et les autres réseaux sociaux ont fait entrer le marketing direct dans une nouvelle ère», affirme d'emblée Frédéric Colas, vice-président chargé de la stratégie internationale de l'agence Fullsix. Après celle des envois récurrents de courriers, puis l'arrivée de l'e-mailing qui a permis une baisse considérable des coûts d'envoi des messages, voici venu le temps du marketing social, dans lequel les clients devenus «fans» des marques se chargent eux-mêmes d'en faire la promotion.
«Avec l'explosion des réseaux sociaux, les gens passent de plus en plus de temps sur leur page Facebook ou sur Twitter: près d'une heure par jour, soit 13% de leur temps de connexion. La donne a changé», avertit Sandrine Plasseraud, directrice de We Are Social, qui se présente comme une «agence conversationnelle».
Aux États-Unis, Procter & Gamble a ainsi ouvert un «e-store» sur sa page Facebook pour sa marque Pampers, en partenariat avec Amazon pour la livraison. «Le groupe s'est appuyé sur la communauté des jeunes mères, dans laquelle l'entraide est très importante», explique Catherine Lautier, responsable business intelligence de DDB, elle-même ancienne proctérienne.
Mais ce «social CRM» ne fonctionne que si la marque considère l'internaute en tant que personne unique: il faut lui accorder une attention particulière, avec des promotions ou des contenus exclusifs. Un réflexe que les marques, habituées au marketing de masse, n'ont pas encore intégré.
Autres atouts des réseaux sociaux: la possibilité de cibler avec une précision inédite en marketing direct classique, puis de créer un effet démultiplicateur lorsque le consommateur devient fan et donc avocat de la marque auprès de son réseau de connaissances. «Si on ajoute les nouveaux outils de géolocalisation comme Facebook Places, on peut croiser les deux avantages. Envoyer une offre à un consommateur dans une zone donnée, et lui demander en contrepartie de "checker", c'est-à-dire d'indiquer à son réseau dans quel magasin il se trouve et quelle marque il achète», précise Catherine Lautier. «C'est une mécanique qui permet d'augmenter le trafic dans les points de vente, comme l'a fait McDonald's, qui propose des bons ou des promotions après plusieurs "check-in"», ajoute Emmanuel Devezeaux, directeur général chargé du numérique chez Proximity BBDO.
Conserver la maîtrise des données client
Mais avant de se lancer dans ce marketing relationnel d'un nouveau genre, mieux vaut en maîtriser les règles d'or (lire l'encadré). «Il faut déjà disposer d'un dispositif de relation client classique: Numéro vert, formulaire sur un site Web, etc.», rappelle Yan Claeyssen, coprésident d'ETO. Dans le même ordre d'idées, il conseille de «ne pas déconnecter l'animation de communauté des autres canaux de relation client».
Emmanuel Devezeaux met l'accent sur un écueil à éviter: laisser à Facebook ou à d'autres plates-formes la main sur les données client. «Faire du commerce sur Facebook, c'est bien. À condition d'utiliser Facebook Connect, une sorte de passeport qui permet d'utiliser son identifiant Facebook sur d'autres sites», recommande-t-il. Un avertissement réitéré par Catherine Lautier qui précise: «Il faut récupérer les données consommateur en opt-in grâce à Facebook Connect.»
Kiabi a payé cher le fait de ne pas respecter cette règle de base. Le distributeur de vêtements s'est fait expulser de Facebook en décembre 2010 pour avoir enfreint les règles promotionnelles du réseau social, perdant ainsi les données de ses 130 000 fans. Il a depuis rouvert une page avec succès, mais l'expérience fut douloureuse.
Nouveau et attirant, le «social CRM» ne doit pas devenir une obsession pour les marques, qui scrutent en permanence le nombre de fans de leurs concurrents. «Elles ont intérêt à l'envisager comme un complément à leur dispositif de marketing direct existant», estime Frédéric Colas, de Fullsix.
Mais le marketing social a un coût. Tous les spécialistes sont d'accord: il faut au minimum un poste à temps plein, en interne ou chez le prestataire, pour gérer l'animation de communauté. Yan Claessen préconise de former un employé déjà engagé dans la relation client, issu d'un centre d'appels par exemple. Sans oublier la production de contenus (images, vidéos, événements, storytelling) qui peut vite alourdir la note. «À l'année, il faut compter en dizaines, voire en centaines de milliers d'euros», avertit Emmanuel Devezeaux.
L'intérêt d'utiliser les réseaux sociaux dans une stratégie de relation client est évident. Mais les annonceurs doivent aborder ces nouveaux canaux avec prudence. «Il faut que les marques s'habituent aux médias sociaux et envisagent leur engagement sur le long terme», conclut Sandrine Plasseraud.
Encadré 1
Les règles d'or de la gestion de page Facebook
1. Mettre en place une animation professionnelle et proactive de la page de marque pour maximiser l'interaction entre elle et ses fans.
2. Poster plusieurs fois par jour (un post par jour minimum).
3. Assurer une fréquence de post régulière et ne pas s'arrêter de poster pendant une longue période.
4. Reposter les éléments clés à différentes heures de la journée pour maximiser leur impact.
5. Identifier quels types de contenus génèrent le plus d'interactions.
6. Trouver le bon équilibre entre les publications sur l'activité commerciale de la marque, son histoire et ses valeurs et celles célébrant les fans et leur activité.
7. Faire l'effort de créer des contenus remarquables et exclusifs.
(Source: Fullsix).
Encadré 2
Réussir son «social CRM»
1. Bien identifier les priorités de son marketing client.
2. Créer et animer sa communauté, soit sur son site Web, soit sur les réseaux sociaux.
3. Ne pas déconnecter l'animation de communauté des autres canaux de contact avec le client.
4. Identifier les clients potentiellement ambassadeurs de la marque.
5. Donner à ces ambassadeurs des moyens de cooptation.
6. Intégrer le nouveau cycle de la relation client.
7. Faire évoluer l'organisation du marketing client.
8. Travailler avec les bons prestataires.
9. Ne pas déléguer sa relation avec les fans auprès d'une seule plate-forme.
10. Mettre en place des indicateurs clés de performance.
11. Ne pas être intrusif.
12. Ne pas oublier les valeurs associées aux réseaux sociaux: transparence, humilité, ouverture.
(Source: ETO)
(Sous-papier)
The Blue Pill mêle «cashback» et réseaux sociaux
Xavier Delanglade, ancien directeur général de Fullsix, a créé The Blue Pill, un éditeur de solution de marketing direct numérique. Objectif: créer un élément qui va «générer un réflexe» chez le consommateur en contact avec une marque sur Internet ou devant sa télévision. Cette «marque promotionnelle multicanal», c'est le site Mon Happy Hour, équipé d'une application, d'une page Facebook et d'un flux Twitter. Ce site propose du «cashback» grâce à l'affiliation de 600 commerçants.
Second outil: une application mobile, en cours de développement en Israël et disponible en mai prochain, qui reconnaîtra les images animées et fixes, dont les publicités. En filmant une publicité avec son smartphone, l'application reconnaîtra le produit et proposera une promotion. Pour une publicité pour la Laguna de Renault, un essai dans la zone géographique du client sera proposé directement sur l'écran du mobile.
Convaincre les grandes marques
L'aspect social est matérialisé par une couche logicielle qui permet de faire du parrainage sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, courriel ou minisites de consommateurs). «Attention: la recommandation non personnalisée, comme un message sur son mur, ne fonctionne pas. En revanche, un message direct envoyé à ses amis, ça cartonne», explique Xavier Delanglade. Avec un coût de recrutement pour Mon Happy Hour d'un euro, The Blue Pill estime à 100 000 le nombre de membres nécessaire pour être rentable (50 000 aujourd'hui).
Reste à persuader les grandes marques de l'intérêt de ce concept qui mêle promotion pure et dure et marketing social. «Quand Danone viendra, on aura réussi», estime Xavier Delanglade.