Pour l'occasion, Jeanne Taillard (25 ans) et Timothy Alexandre (26 ans) étaient assortis, vestimentairement parlant. Dans des tons pastel, leurs personnalités solaires ressortent. À croire qu’ils se sont appelés la veille pour assortir leurs tenues... Et au bout de quatre ans, ils commencent à bien se connaître. Rencontrés sur les bancs de Sup de Création, ils ont exécuté de nombreux briefs ensemble. Très vite, ils se sont rendu compte que leurs personnalités « matchaient » bien. Ils en sont déjà au stade où ils répondent les mêmes « punchlines ». D’ailleurs, à la question « dans dix ans, vous vous voyez toujours en team ? », ils lâchent en cœur : « Pour l’instant, on est bien ». Gros fou rire. « J’avoue que je ne réfléchis pas trop à mon avenir. Savoir ce que je ferai dans un an, c’est mon maximum », reconnaît Timothy Alexandre, directeur artistique. Comme ceux de leur génération, les créatifs ne se projettent pas forcément à vie dans la même voie. « Honnêtement, je me vois mal exercer toute ma vie dans la pub, j’aimerais bien me rediriger vers la mode ou les vitrines de magasins, je trouve la scénographie des vitrines très cool. Mais cela reste des rêves lointains », explique Jeanne Taillard, conceptrice-rédactrice. Pour l’instant, le team s'épanouit pleinement dans son environnement. «DDB est une belle agence, tant nationalement qu’internationalement, elle représente un “plus” dans notre CV. Pour l’instant on est dans la pub et on s’amuse bien», concède Jeanne Taillard.
Bébés de la pub
Les curriculums vitae du duo se remplissent d'ailleurs rapidement... Dans la catégorie « Prix », peu de teams créatifs peuvent se vanter d’avoir remporté des Lions aussi tôt dans leur carrière. Trois prix en tout lors des derniers Cannes Lions pour leur opération « UberToys », dont deux bronzes et un argent. « On est super contents, l’agence avait parié sur cette campagne et ils ont eu raison. Après seulement deux années de travail, c’est gratifiant », sourit le DA. « Nous pensons déjà à l’année prochaine. Les prix, c'est un peu comme les tatouages, finalement : quand tu remportes ton premier trophée, tu en veux quinze de plus ! », relance Jeanne Taillard. La collection de récompenses compte déjà, hormis les Lions, les nombreux prix nationaux et internationaux que le team a remportés : onze au total. « Nous sommes au bon endroit, au bon moment », résume avec humilité la conceptrice-rédactrice.
Pour ces bébés de la pub, 2019 était l'année du premier bain cannois. « Tu as l’impression d’être à Las Vegas, tout est un peu trop kitsch. De grosses soirées, de grosses marques… Quand on voyait les panneaux publicitaires lumineux sur le Palais des festivals, on se croyait à Times Square », décrit Jeanne Taillard. Vécu comme une découverte, le festival reste un point de rencontre incontournable pour la planète pub. Même si le microcosme publicitaire s'avère un rien intimidant... « Au milieu de ces centaines de personnes, tu tâtonnes un peu, tu guettes une connaissance. Déjà, nous avons appris à resauter entre nous, Français. Mais nous aurions bien aimé échanger avec les gagnants internationaux», explique le directeur artistique.
Unanimité
Cette année exceptionnelle se conclut, à l'orée de l'été, avec ce nouveau prix : le Prix Stratégies des Jeunes Créatifs. Une victoire remportée à l’unanimité au sein de la rédaction de Stratégies. « Les campagnes choisies représentent l’énergie de nos années chez DDB, c’est le fruit d’un travail en équipe et on est super heureux d’être récompensés. Nous étions tout de même en face de certains teams plus vieux et plus aguerris, qui ont aussi réalisé des supers campagnes ! », estime Jeanne. En toute transparence, lors des interviews des autres teams, nombreux sont ceux à avoir prédit leur propre défaite après avoir vu les noms de Jeanne et Tim dans les inscrits. « Je ne sais pas si nous nous sommes fait un nom, mais je sais qu’on a des potes », réagit Jeanne Taillard, toujours sur le ton de l’humour. Pour autant, les créatifs sont conscients qu’ils ne vont être propulsés du jour au lendemain dans l'organigramme créatif de l’agence. Dans la pub, l’ascension-éclair est un mythe. « Au-delà des Lions, nous avons encore beaucoup à apprendre », reconnaît la conceptrice-rédactrice.
« Un pouvoir entre nos mains »
L’an passé, le team gagnant de CLM BBDO, Théophile Robaglia et Joseph Rozier, mettait en avant les devoirs de la nouvelle génération de créatifs : celui d’alerter et de conscientiser, à leur échelle, sur les sujets sociétaux. Mais est-ce véritablement le rôle des marques ? « Les marques ont bien évidemment leur rôle à jouer. La plupart des gens sont exposés à la publicité, c’est plus simple pour leur parler. Même si en général, ils critiquent la nullité des campagnes dont ils pensent qu’elles ne servent qu’à vendre des pâtes, des nuggets ou des aspirateurs… Nous avons quand même entre nos mains un pouvoir ; celui de faire passer des messages », explique Timothy Alexandre. Dans leur campagne GRTgaz, les créatifs ont saisi l’opportunité d’éduquer les visiteurs sur la possibilité de produire du gaz uniquement avec des déchets organiques durant le Salon de l’Agriculture. Même si le sujet n’est pas très glamour de prime, le duo a adoré traiter ce brief qui parle de transition écologique. Intégrer des propos écologistes, féministes, transgenres… c’est leur combat. D’ailleurs, l'une des campagnes dont ils auraient aimé être les auteurs porte sur la transidentité, au Japon : un film pour la marque de maquillage de Shiseido. « L’histoire se déroule dans une classe où tu crois voir des femmes, alors qu’en réalité, il s’agit d’hommes grimés. Tout est de bon ton, tant dans la réalisation que dans le choix des acteurs, la musique. J’en suis restée bouche bée », se remémore Jeanne Taillard. Quid de ceux qui pensent que le duo surfe sur la mode ? « Peut-être, mais c’est une bonne mode à suivre ! », leur répond le team. Toujours en chœur.
Les autres teams nommés :
- Moritz Maus et Sebastian Regfeldt (BETC)
- Camille Montoya et Sandra Muller (Castor & Pollux)
- Clément Maillot et Nicolas Biscaras (CLM BBDO)
- Guillaume Denis et Matthieu Hamon (Havas Paris Seven)
- Edouard Rech et François Charles (McCann Paris)
- Marie Carrasco et Timothée Le Maître (TBWA Paris)
- Brice Garcia et Victor Feuillat (WNP)