Le pouvoir d'achat est redevenu la deuxième priorité des Français en mars 2011, devant la santé et la retraite, selon le baromètre mensuel TNS Sofres pour La Croix-Covéa Finance, qui compare leurs principales préoccupations. Ils sont 52% (+ 2 points) à le placer en tête de leurs inquiétudes, même si cela reste loin derrière la question de l'emploi et du chômage (74%).
Dans ce contexte, l'annonce par le gouvernement d'une prime de 1 000 euros pour les salariés semblait arriver à point nommé. Une proposition soutenue avec vigueur par le président de la République, Nicolas Sarkozy, lors de son déplacement au Havre, le 21 avril.
Mais ce dispositif, qui aurait dû recevoir un large écho positif des salariés et des syndicats, n'a pas convaincu. Certes, aucun institut de sondage ne s'est encore lancé dans le délicat exercice de mesurer l'adhésion des Français à ce bonus. Et pour cause: «Ses contours ne sont pas encore assez définis et l'on ne peut pas mesurer quelque chose qui évolue en permanence», explique Guillaume Petit, directeur de clientèle chez TNS Sofres.
Pas de concertation
D'autant que les tergiversations, entre l'annonce initiale de la prime par François Baroin, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, le recadrage de Christine Lagarde, ministre de l'Économie, puis la reprise en main du dossier par Nicolas Sarkozy, font que les Français finissent par juger moins le dispositif lui-même que la communication qui l'accompagne.
En l'occurrence, le résultat est plutôt raté. À l'instar du commentaire de l'internaute «MPC60» sur Lemonde.fr: «Une "prime" uniquement pour les entreprises qui versent des dividendes à la hausse en 2011 à leurs actionnaires, une "prime" où les 1 000 euros ne sont pas un minimum mais un maximum, une prime dont sont exclus les fonctionnaires et l'essentiel des salariés des très petites entreprises de moins de 20 salariés. Bref, sur les 25 millions d'actifs, je serais surpris que plus de 1% la touchent (soit 250 000).»
Un peu plus loin sur le Web, sur Lefigaro.fr, Jean-Louis, est tout aussi sévère: «À part le président, qui est en fin de compte d'accord avec cette prime? C'est la décision d'un seul homme sans véritable concertation.»
Certains internautes, pourtant, soulignent le caractère original de l'idée de corréler distribution des dividendes pour les actionnaires et prime pour les collaborateurs: «Le principe est très novateur. Ce n'est pas parce que ça été "inventé" par Sarkozy qu'il faut le nier», note Lerusse sur Liberation.fr.
Bref, la confusion autour de la mesure est telle que l'opinion n'y voit pas encore très clair et n'est donc pas encore forgée. «En tout cas, cette mesure est risquée, à moins d'un an de l'élection présidentielle, car elle pourrait générer une forte déception, poursuit Guillaume Petit de TNS Sofres. Si les gens sont sceptiques, c'est peut-être aussi parce qu'ils ont en tête la promesse forte de la loi Tepa de 2007 “Travailler plus pour gagner plus”, qui au final n'a produit que peu de résultats.»
Parole d'expert
«Une communication catastrophique»
Xavier Filiol de Raimond, cofondateur de Be Better & Co
«Cette prime est une idée généreuse mais la communication autour de son lancement s'est révélée catastrophique. Il n'y a pas eu de consultations des parties prenantes. Pas d'évaluation de son impact. Du coup, cela ressemble à une sorte de bricolage. Dans les grands groupes, l'opinion a l'impression que c'est un énième dispositif qui vient s'ajouter aux plans de participation, d'intéressement, à la prime d'objectifs et à l'actionnariat salarié – quand il existe. Et à l'inverse, dans les PME-PMI où les salariés en auraient le plus besoin, la mise en œuvre est beaucoup plus incertaine.»