Pour ceux qui ont la chance … d’avoir mon âge, les révolutions, les mutations, les bouleversements, les transformations ne sont pas terre inconnue. Cela fait trente ans au moins que notre vie professionnelle est marquée par ces accélérations de l’histoire, qui ont entrainé dans la société, donc chez nos clients, puis dans nos agences et bien sûr dans nos métiers de profonds changements. On évitera rétrospectivement de les classer comme au hit-parade, ou de leur accoler des superlatifs du type « la plus importante », « la plus impactante », « la plus historique » qui manqueraient d’éléments tangibles pour en appuyer l’objectivation. Chacune de ces révolutions nous a conduit à nous adapter ; parfois avec enthousiasme, parfois sous la contrainte.
La chute du mur de Berlin n’a pas seulement envoyé aux images d’archives le souvenir de la bipolarisation du monde et façonné une nouvelle Europe, mais a ouvert la porte à une mondialisation qui allait s’accélérer, bouleversant les équilibres économiques et la répartition des emplois dans le monde. Nouveaux marchés, nouvelles frontières pour nos clients, leurs priorités changeaient. Nous devions apprendre à penser « global ».
La financiarisation est arrivée dans la foulée, mettant sous contrainte l’ensemble de l’économie. Notre bagage de communication « corporate » devait affronter au quotidien la place prise par la communication financière. Il fallait comprendre les marchés et leurs règles, les analyses sell-side et buy side, les put et les call, les « short ». Il fallait accepter que nos beaux communiqués de presse soient relus 23 fois par la finance et le juridique. Il nous a fallu surtout rythmer la communication sous la contrainte du court-terme, des publications trimestrielles et vivre avec la pression du cours de bourse qui s’affichait alors en permanence sur le bureau du dirigeant. Notre métier n’était plus le même. Notre territoire de communication n’était plus le même.
Responsabilité de l’entreprise et exigence environnementale : les deux mutations de 2019
La digitalisation a pris le relais, bouleversant tout ou presque, des modes de travail aux modèles économiques, et pour nous de la fabrique de l’opinion aux nouvelles mobilisations. Cette révolution-là n’a pas simplement emporté nos vieux fax dans les bagages d’Outlook. Elle nous a dicté (trop) l’immédiateté. Elle a horizontalisé la part de voix dans le débat public. Elle a multiplié les sources d’information en remettant en même temps en cause leur fiabilité. Elle a imposé la transparence, permanente et totale comme pré-requis à la communication. Elle a bouleversé nos réponses aux situations de crise. Nos fondamentaux métiers ne sont plus les mêmes.
La trêve des confiseurs est toujours l’occasion de reprendre ses agendas, et d’essayer de revenir sur ce qu’on a fait de nouveau au cours de l’année écoulée. Je n’ai pas eu longtemps à chercher. Au-delà de la crise sociale qui a marqué notre pays, c’est en 2019 que deux mutations, étroitement liées se sont imposées dans nos métiers : la responsabilité de l’entreprise et l’exigence environnementale. 2019 a été incontestablement en la matière une année de bascule. La loi Pacte a eu l’effet qu’escomptaient ses promoteurs en agissant comme un signal. Et le dérèglement climatique, avec son cortège de conséquences, a d’une part fini de convaincre les sceptiques et d’autre part déclenché une mobilisation collective sans précédent. Chez les citoyens, dans les entreprises, et donc pour nos métiers. Jamais dans mon expérience de consultant, un enjeu ne s’était imposé aussi rapidement et aussi fortement au contact des clients. Enjeu d’opinion pour mesurer l’ampleur de la prise de conscience, les changements de comportement, les freins et les questionnements. Enjeu d’expertise bien sûr pour comprendre l’impact réel des décisions ou le rôle des nouveaux influenceurs. Enjeu d’appropriation aussi pour mobiliser et faire partager l’urgence à agir. Les agendas des réunions clients, les thèmes des notes et des actions proposées, les expressions des dirigeants ont placé en 2019 ce sujet de la responsabilité de l’entreprise et de l’exigence environnementale comme priorité.
Cette révolution n’est ni la première ni la dernière. Elle a cependant quelque chose de spécifique. Notre métier n’est plus seulement de rendre audible ce qui est dit, mais de rendre crédible ce qui est fait. Il n’est plus simplement un accompagnement mais bien un engagement. Cette fois, c’est n’est pas simplement notre métier qui change. C’est notre responsabilité qui n’est plus la même.