Après des auditions cruciales devant l'Autorité de la concurrence les 5 et 6 septembre, et avant la décision finale de l'instance mi-octobre, les doutes demeurent sur la faisabilité d'une telle fusion. Explications.
Le mariage entre TF1 et M6 pourra-t-il avoir lieu et à quelles conditions ? Après deux jours d'auditions à huis clos devant l'Autorité de la concurrence et dans l'attente de sa décision mi-octobre, le doute s'est installé.
Les concessions nécessaires pour arracher l'accord du collège de l'institution, composé de spécialistes du droit et de représentants du monde économique, pourraient être bien plus importantes que prévu, estiment plusieurs sources interrogées par l'AFP. Selon l'une d'elles, les groupes ne sont pas arrivés en terrain conquis le 5 septembre, au premier jour des auditions.
Les services d'instruction de l'Autorité ont d'abord réitéré leur position de fin juillet, lors de la remise de leurs conclusions devant le collège : elle est plutôt défavorable et sans « véritable changement », malgré les concessions proposées depuis par les chaînes, a jugé cette source.
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L'institution a ensuite vu se succéder entre autres le groupe M6 et son propriétaire RTL (filiale de Bertelsmann), l'opérateur Iliad, opposant notoire à l'opération, la société Médiamétrie, qui mesure les audiences à la télévision, ou encore Netflix. Le succès de cette plateforme, qui prévoit comme son homologue Disney+ de lancer dès cette année une offre moins chère financée par la publicité, sert de justification à l'opération. Elle pourrait en effet rapidement devenir la 4e régie TV française, avec 200 millions d'euros de recettes annuelles, estime une étude publiée le 6 septembre par le cabinet NPA Conseil sur la base d'informations de la presse américaine.
Mais, selon plusieurs personnes interrogées par l'AFP, le groupe Bouygues (propriétaire de TF1) s'est vu proposer la revente de la chaîne M6 afin de diminuer le poids de la nouvelle entité dans les trois marchés affectés par la fusion : la publicité, la production audiovisuelle et la distribution des chaines. Cette solution radicale, qui a également la faveur de quelques concurrents potentiellement intéressés par un rachat de la chaîne, semble inacceptable pour TF1 et M6, qui souhaitent unir leurs forces pour mieux résister à la concurrence des acteurs du streaming.
Le groupe Bouygues, représenté par son président Martin Bouygues et son directeur général Olivier Roussat, ainsi que le PDG de TF1 Gilles Pélisson, ont finalement été longuement interrogés le 6 septembre. Leur argumentaire s'adressait surtout aux membres du collège issus de la sphère privée, dont des représentants des sociétés Plastic Omnium, Eutelsat, Tikehau Capital ou Atos, potentiellement plus enclins au pragmatisme qu'à un strict respect des règles de la concurrence.
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Le mariage de la première et de la troisième chaînes du paysage audiovisuel français ferait émerger un mastodonte, dépassant France Télévisions, avec plus de 30% de part d'audience et représentant les trois quarts du marché publicitaire de la télévision. « Nous sommes favorables à cette fusion car le marché impose d'avoir des acteurs qui se renforcent, se développent », a déclaré pour sa part le PDG d'Altice Médias et Altice France (BFMTV, RMC, SFR), interrogé le 6 septembre également lors de la conférence de rentrée du groupe. Altice souhaite en profiter pour « franchir une nouvelle marche » avec l'acquisition de deux chaînes supplémentaires (TFX et 6ter) en cas de fusion, a-t-il ajouté.
Le collège de l'Autorité de la concurrence suit généralement l'avis des services d'instruction mais il s'en était écarté lors de la fusion en 2016 entre Fnac et Darty, où avait été prise en compte la pression concurrentielle sur le secteur du e-commerce. Le gouvernement aura in fine la possibilité de passer outre un refus de l'Autorité, s'il justifie sa décision par des motifs d'intérêt général. Cela s'était produit en 2018 lors de la reprise de William Saurin.
En parallèle, TF1 est toujours sous pression de Canal+, qui appartient à Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré. Celui-ci, qui se serait bien vu acquéreur de M6, a opportunément profité de la fin d'un contrat de distribution des chaînes pour couper le 2 septembre le signal des cinq chaînes de TF1 sur sa plateforme myCanal, provoquant une baisse des audiences. Les deux groupes se rejettent depuis la responsabilité de la situation.